Décision

Décision n° 2021-2 RIP du 6 août 2021

Proposition de loi de programmation pour garantir un accès universel à un service public hospitalier de qualité
Non conformité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 7 juillet 2021, par le président du Sénat, sous le n° 2021-2 RIP, conformément au quatrième alinéa de l'article 11 et au premier alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la proposition de loi de programmation pour garantir un accès universel à un service public hospitalier de qualité.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment ses articles 11 et 40 ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 45-2 ;
  • la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 portant application de l'article 11 de la Constitution, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-681 DC du 5 décembre 2013 ;
  • le code de la santé publique ;
  • le code de la sécurité sociale ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations du Gouvernement, enregistrées le 14 juillet 2021 ;
  • les observations de M. Patrick Kanner, sénateur, enregistrées le 20 juillet 2021 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. La proposition de loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a été déposée sur le bureau du Sénat, en application du troisième alinéa de l'article 11 de la Constitution.

2. Aux termes des premier, troisième, quatrième et sixième alinéas de l'article 11 de la Constitution : « Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an.
« Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l'alinéa précédent sont déterminées par une loi organique.
« Lorsque la proposition de loi n'est pas adoptée par le peuple français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date du scrutin ».
 

3. Aux termes de l'article 45-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus : « Le Conseil constitutionnel vérifie, dans le délai d'un mois à compter de la transmission de la proposition de loi : « 1 ° Que la proposition de loi est présentée par au moins un cinquième des membres du Parlement, ce cinquième étant calculé sur le nombre des sièges effectivement pourvus à la date d'enregistrement de la saisine par le Conseil constitutionnel, arrondi au chiffre immédiatement supérieur en cas de fraction ;
« 2 ° Que son objet respecte les conditions posées aux troisième et sixième alinéas de l'article 11 de la Constitution, les délais qui y sont mentionnés étant calculés à la date d'enregistrement de la saisine par le Conseil constitutionnel ;
« 3 ° Et qu'aucune disposition de la proposition de loi n'est contraire à la Constitution ».
 

4. En premier lieu, la proposition de loi a été présentée par au moins un cinquième des membres du Parlement à la date d'enregistrement de la saisine du Conseil constitutionnel.

5. En deuxième lieu, elle a pour objet de « fixer les objectifs de l'action de l'État permettant de garantir un accès universel à l'hôpital public ».

6. Il en résulte que cette proposition de loi, qui porte sur la politique sociale de la nation et les services publics qui y concourent, relève bien de l'un des objets mentionnés au premier alinéa de l'article 11 de la Constitution.

7. Par ailleurs, à la date d'enregistrement de la saisine, elle n'avait pas pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an. Aucune proposition de loi portant sur le même sujet n'avait été soumise au référendum depuis deux ans.

8. Toutefois, en dernier lieu, en vertu de l'article 21 de la Constitution et sous réserve de son article 13, le Premier ministre exerce le pouvoir réglementaire à l'échelon national. Ces dispositions n'autorisent pas le législateur à subordonner à l'avis conforme d'une autre autorité de l'État l'exercice, par le Premier ministre, de son pouvoir réglementaire.

9. L'article 7 de la proposition de loi modifie les articles  L. 1411-3 du code de la santé publique et L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale afin de prévoir, d'une part, que la Conférence nationale de santé « détermine les activités, actes et soins justifiables de la mise en œuvre d'une tarification à l'activité par les établissements de santé » et, d'autre part, que le décret en Conseil d'État, qui fixe notamment les catégories de prestations donnant lieu à facturation pour les activités de médecine, de chirurgie, de gynécologie-obstétrique et d'odontologie, est pris « après avis conforme de la Conférence nationale de santé émis sur la base des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 1411-3 du code de la santé publique ».

10. Ces dispositions, qui subordonnent à l'avis conforme de la  Conférence nationale de santé l'exercice du pouvoir réglementaire du Premier ministre, sont contraires à la Constitution.

11. Il résulte de ce qui précède, et sans que le Conseil constitutionnel n'ait à se prononcer sur la conformité à la Constitution de ses autres dispositions, que la proposition de loi ne remplit pas la condition prévue au 3 ° de l'article 45-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - La proposition de loi de programmation pour garantir un accès universel à un service public hospitalier de qualité est contraire à la Constitution.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
 

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 août 2021, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT.
 
Rendu public le 6 août 2021.

JORF n°0182 du 7 août 2021, texte n° 104
ECLI : FR : CC : 2021 : 2021.2.RIP

Les abstracts

  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.5. POUVOIR RÉGLEMENTAIRE
  • 3.5.1. Pouvoir réglementaire national - Autorités compétentes
  • 3.5.1.1. Répartition des attributions de l'État entre diverses autorités

En vertu de l'article 21 de la Constitution et sous réserve de son article 13, le Premier ministre exerce le pouvoir réglementaire à l'échelon national. Ces dispositions n'autorisent pas le législateur à subordonner à l'avis conforme d'une autre autorité de l'État l'exercice, par le Premier ministre, de son pouvoir réglementaire. L'article 7 de la proposition de loi modifie les articles  L. 1411-3 du code de la santé publique et L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale afin de prévoir, d'une part, que la Conférence nationale de santé « détermine les activités, actes et soins justifiables de la mise en œuvre d'une tarification à l'activité par les établissements de santé » et, d'autre part, que le décret en Conseil d'État, qui fixe notamment les catégories de prestations donnant lieu à facturation pour les activités de médecine, de chirurgie, de gynécologie-obstétrique et d'odontologie, est pris « après avis conforme de la Conférence nationale de santé émis sur la base des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 1411-3 du code de la santé publique ». Ces dispositions, qui subordonnent à l'avis conforme de la  Conférence nationale de santé l'exercice du pouvoir réglementaire du Premier ministre, sont contraires à la Constitution.

(2021-2 RIP, 06 août 2021, cons. 8, 9, 10, JORF n°0182 du 7 août 2021, texte n° 104)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.5. POUVOIR RÉGLEMENTAIRE
  • 3.5.2. Pouvoir réglementaire national - Modalités d'exercice (voir Domaine de la loi et du règlement)
  • 3.5.2.4. Consultations diverses
  • 3.5.2.4.2. Avis conformes de certains organismes

En vertu de l'article 21 de la Constitution et sous réserve de son article 13, le Premier ministre exerce le pouvoir réglementaire à l'échelon national. Ces dispositions n'autorisent pas le législateur à subordonner à l'avis conforme d'une autre autorité de l'État l'exercice, par le Premier ministre, de son pouvoir réglementaire. L'article 7 de la proposition de loi modifie les articles  L. 1411-3 du code de la santé publique et L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale afin de prévoir, d'une part, que la Conférence nationale de santé « détermine les activités, actes et soins justifiables de la mise en œuvre d'une tarification à l'activité par les établissements de santé » et, d'autre part, que le décret en Conseil d'État, qui fixe notamment les catégories de prestations donnant lieu à facturation pour les activités de médecine, de chirurgie, de gynécologie-obstétrique et d'odontologie, est pris « après avis conforme de la Conférence nationale de santé émis sur la base des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 1411-3 du code de la santé publique ». Ces dispositions, qui subordonnent à l'avis conforme de la  Conférence nationale de santé l'exercice du pouvoir réglementaire du Premier ministre, sont contraires à la Constitution.

(2021-2 RIP, 06 août 2021, cons. 8, 9, 10, JORF n°0182 du 7 août 2021, texte n° 104)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.5. RÉFÉRENDUMS
  • 8.5.6. Contentieux
  • 8.5.6.1. Étendue de la compétence du Conseil constitutionnel
  • 8.5.6.1.2. Contrôle du respect des conditions de forme et de procédure
  • 8.5.6.1.2.2. Référendum de l'article 11, alinéa 3 (voir aussi 8.5.7)

Le Conseil est saisi, en application du troisième alinéa de l'article 11, d'une proposition de loi et examine si elle respecte bien les conditions fixées par l'article 11 de la Constitution et par l'article 45-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958.
En premier lieu, la proposition de loi a été présentée par au moins un cinquième des membres du Parlement à la date d'enregistrement de la saisine du Conseil constitutionnel. En deuxième lieu, elle a pour objet de « fixer les objectifs de l'action de l'État permettant de garantir un accès universel à l'hôpital public ». Il en résulte que cette proposition de loi, qui porte sur la politique sociale de la nation et les services publics qui y concourent, relève bien de l'un des objets mentionnés au premier alinéa de l'article 11 de la Constitution. Par ailleurs, à la date d'enregistrement de la saisine, elle n'avait pas pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an. Aucune proposition de loi portant sur le même sujet n'avait été soumise au référendum depuis deux ans.
Toutefois, en dernier lieu, en vertu de l'article 21 de la Constitution et sous réserve de son article 13, le Premier ministre exerce le pouvoir réglementaire à l'échelon national. Ces dispositions n'autorisent pas le législateur à subordonner à l'avis conforme d'une autre autorité de l'État l'exercice, par le Premier ministre, de son pouvoir réglementaire. L'article 7 de la proposition de loi modifie les articles  L. 1411-3 du code de la santé publique et L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale afin de prévoir, d'une part, que la Conférence nationale de santé « détermine les activités, actes et soins justifiables de la mise en œuvre d'une tarification à l'activité par les établissements de santé » et, d'autre part, que le décret en Conseil d'État, qui fixe notamment les catégories de prestations donnant lieu à facturation pour les activités de médecine, de chirurgie, de gynécologie-obstétrique et d'odontologie, est pris « après avis conforme de la Conférence nationale de santé émis sur la base des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 1411-3 du code de la santé publique ». Ces dispositions, qui subordonnent à l'avis conforme de la  Conférence nationale de santé l'exercice du pouvoir réglementaire du Premier ministre, sont contraires à la Constitution. Il résulte de ce qui précède, et sans que le Conseil constitutionnel n'ait à se prononcer sur la conformité à la Constitution de ses autres dispositions, que la proposition de loi ne remplit pas la condition prévue au 3° de l'article 45-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958.

(2021-2 RIP, 06 août 2021, cons. 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, JORF n°0182 du 7 août 2021, texte n° 104)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.8. SENS ET PORTÉE DE LA DÉCISION
  • 11.8.9. Absence de décision sur la conformité à la Constitution

Saisi d'une proposition de loi présentée en application du troisième alinéa de l'article 11 de la Constitution, le Conseil constitutionnel juge qu'une des dispositions de cette proposition est contraire à la Constitution. Sans qu'il soit besoin d'examiner la conformité à la Constitution des autres dispositions de la proposition de loi, le Conseil juge que cette proposition de loi ne remplit pas la condition prévue au 3° de l'article 45-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et est donc contraire à la Constitution.

(2021-2 RIP, 06 août 2021, cons. 8, 9, 10, 11, JORF n°0182 du 7 août 2021, texte n° 104)
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