Décision

Décision n° 2018-5627 AN du 18 mai 2018

A.N., Français établis hors de France 3ème circ.
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 29 mars 2018 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 26 mars 2018), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de Mme Marianne MAGNIN, candidate aux élections qui se sont déroulées les 4 et 18 juin 2017, dans la 3ème circonscription des Français établis hors de France, en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2018-5627AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1 et L. 52-12 ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées par Mme MAGNIN, enregistrées le 19 avril 2018 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Il ressort de l'article L. 52-4 du code électoral qu'il appartient au mandataire financier désigné par le candidat de régler les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Si, pour des raisons pratiques, il peut être toléré que le candidat ou un tiers règle à son profit directement de menues dépenses postérieurement à la désignation de son mandataire, ce n'est que dans la mesure où leur montant global est faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du même code.

2. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 52-7 du code électoral : « Pour une même élection, un candidat ne peut recourir en même temps à une association de financement électorale et à un mandataire financier. - Il peut toutefois recourir successivement à deux ou plusieurs intermédiaires. Dans cette hypothèse, le candidat doit mettre fin aux fonctions du mandataire ou retirer son accord à l'association de financement électorale dans les mêmes formes que la désignation ou l'attribution de l'accord. Le compte bancaire ou postal unique est bloqué jusqu'au moment où le candidat désigne un nouveau mandataire financier ou donne son accord à une nouvelle association de financement électorale. Chaque association ou chaque mandataire financier, sauf le cas de décès de ce dernier, établit le compte de sa gestion ».

3. Le compte de campagne de Mme MAGNIN a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 26 mars 2018 aux motifs que certaines dépenses ont été payées directement par la candidate et des membres de son équipe de campagne et qu'elle a, au cours de sa campagne, disposé concomitamment d'un mandataire financier personne physique et d'une association de financement électorale.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la candidate et deux membres de son équipe de campagne ont payé directement diverses dépenses dont une partie seulement leur a été remboursée par le mandataire financier, le solde ayant été inscrit au compte de campagne au titre des concours en nature. Le règlement de ces dépenses à hauteur de 3 803 euros doit être regardé comme contrevenant aux dispositions de l'article L. 52-4.

5. En second lieu, il apparaît qu'entre la date de désignation de l'association de financement électorale, enregistrée le 21 avril, et celle de la notification à la préfecture de la fin des fonctions du premier mandataire financier, intervenue le 2 mai 2017, la candidate a disposé à la fois d'un mandataire financier, personne physique, et d'une association de financement électorale en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-7.

6. En vertu du troisième alinéa du même article L.O. 136-1, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, déclare inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.

7. Nonobstant le caractère substantiel de l'obligation de faire payer les dépenses électorales par le mandataire financier, dont Mme MAGNIN ne pouvait ignorer la portée, si les dépenses acquittées directement par le candidat représentent 57 % du montant total des dépenses, elles ne correspondent qu'à 4,7 % du plafond de dépenses autorisées. Cette seule irrégularité ne justifie donc pas le prononcé d'une inéligibilité. En revanche, la méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-7 du code électoral justifie de prononcer, en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral, une inéligibilité d'une durée d'un an.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - Mme MAGNIN est déclaré inéligible en application des dispositions de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d'un an à compter de la présente décision.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 mai 2018, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

Rendu public le 18 mai 2018.

JORF n°0116 du 23 mai 2018, texte n° 161
ECLI : FR : CC : 2018 : 2018.5627.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.1. Mandataire financier
  • 8.3.5.1.1. Association de financement

Rejet à bon droit du compte de campagne au motif que le candidat a, au cours de sa campagne, disposé concomitamment d'un mandataire financier personne physique et d'une association de financement électorale. Il résulte de l'instruction qu'entre la date de désignation de l'association de financement électorale, enregistrée le 21 avril 2017, et celle de la notification à la préfecture de la fin des fonctions du premier mandataire financier, intervenue le 2 mai 2017, le candidat a disposé à la fois d'un mandataire financier, personne physique, et d'une association de financement électorale en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-7. Il y a lieu de prononcer son inéligibilité pour un an.

(2018-5627 AN, 18 mai 2018, cons. 3, 5, 7, JORF n°0116 du 23 mai 2018, texte n° 161)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.1. Mandataire financier
  • 8.3.5.1.2. Obligation de recourir à un mandataire
  • 8.3.5.1.2.1. Obligation de déclarer un mandataire financier

Rejet à bon droit du compte de campagne au motif que le candidat a, au cours de sa campagne, disposé concomitamment d'un mandataire financier personne physique et d'une association de financement électorale. Il résulte de l'instruction qu'entre la date de désignation de l'association de financement électorale, enregistrée le 21 avril 2017, et celle de la notification à la préfecture de la fin des fonctions du premier mandataire financier, intervenue le 2 mai 2017, le candidat a disposé à la fois d'un mandataire financier, personne physique, et d'une association de financement électorale en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-7. Il y a lieu de prononcer son inéligibilité pour un an.

(2018-5627 AN, 18 mai 2018, cons. 3, 5, 7, JORF n°0116 du 23 mai 2018, texte n° 161)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.1. Mandataire financier
  • 8.3.5.1.2. Obligation de recourir à un mandataire
  • 8.3.5.1.2.3. Règlement des dépenses

Rejet à bon droit du compte de campagne au motif que certaines dépenses ont été payées directement. Il résulte de l'instruction que le candidat et deux membres de son équipe de campagne ont payé directement diverses dépenses dont une partie seulement leur a été remboursée par le mandataire financier, le solde ayant été inscrit au compte de campagne au titre des concours en nature. Le règlement de ces dépenses à hauteur de 3 803 euros doit être regardé comme contrevenant aux dispositions de l'article L. 52-4. Malgré le caractère substantiel de l'obligation de faire payer les dépenses électorales par le mandataire financier, dont le candidat ne pouvait ignorer la portée, si les dépenses acquittées directement représentent 57 % du montant total des dépenses, elles ne correspondent qu'à 4,7 % du plafond de dépenses autorisées. Cette seule irrégularité ne justifie donc pas le prononcé d'une inéligibilité.

(2018-5627 AN, 18 mai 2018, cons. 3, 4, 5, 7, JORF n°0116 du 23 mai 2018, texte n° 161)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
  • 8.3.5.5.4. Dépenses payées directement

Rejet à bon droit du compte de campagne au motif que certaines dépenses ont été payées directement. Il résulte de l'instruction que le candidat et deux membres de son équipe de campagne ont payé directement diverses dépenses dont une partie seulement leur a été remboursée par le mandataire financier, le solde ayant été inscrit au compte de campagne au titre des concours en nature. Le règlement de ces dépenses à hauteur de 3 803 euros doit être regardé comme contrevenant aux dispositions de l'article L. 52-4. Malgré le caractère substantiel de l'obligation de faire payer les dépenses électorales par le mandataire financier, dont le candidat ne pouvait ignorer la portée, si les dépenses acquittées directement représentent 57 % du montant total des dépenses, elles ne correspondent qu'à 4,7 % du plafond de dépenses autorisées. Cette seule irrégularité ne justifie donc pas le prononcé d'une inéligibilité.

(2018-5627 AN, 18 mai 2018, cons. 3, 4, 5, 7, JORF n°0116 du 23 mai 2018, texte n° 161)
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
Toutes les décisions