Décision

Décision n° 2017-5115 AN du 8 décembre 2017

A.N., Hérault (6ème circ.), Mme Isabelle VOYER
Rejet

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 28 juin 2017 d'une requête présentée par Mme Isabelle VOYER, candidate à l'élection qui s'est déroulée dans la 6ème circonscription du département de l'Hérault, tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans cette circonscription les 11 et 18 juin 2017 en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2017-5115 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les mémoires en défense présentés pour Mme Emmanuelle MÉNARD par Me Pierre Bonfils, avocat au barreau de Béziers, enregistrés le 31 août 2017 et le 2 octobre 2017 ;
  • le mémoire en réplique présenté par Mme VOYER, enregistré le 5 octobre 2017 ;
  • les nouveaux mémoires en défense présentés pour Mme MÉNARD par Me Bonfils, enregistrés le 18 octobre et les 10 et 17 novembre 2017 ;
  • les nouveaux mémoires en réplique présentés par Mme VOYER, enregistrés les 9 et 17 novembre 2017 ;
  • les observations présentées par le ministre de l'intérieur, enregistrées le 15 septembre 2017 ;
  • la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 23 octobre 2017 approuvant après réformation le compte de campagne de Mme MÉNARD ;
  • les pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral : « À compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin ». Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du même code : « Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ».

2. Mme VOYER soutient, en premier lieu, que l'organisation, par la commune de Béziers, dont le maire est l'époux de Mme MÉNARD, d'un spectacle « son et lumière » le vendredi 16 juin 2017, soit l'avant-veille du second tour du scrutin, sur les façades du théâtre municipal et des immeubles avoisinants, a constitué une campagne de promotion publicitaire prohibée par les dispositions précitées de l'article L. 52-1 du code électoral. Elle soutient en outre que, ce faisant, la commune a conféré à Mme MÉNARD un avantage prohibé par les dispositions précitées de l'article L. 52-8 du même code.

3. Il résulte toutefois de l'instruction que la commune de Béziers organise, depuis 2015, pendant la saison estivale, un spectacle « son et lumière » gratuit dans les conditions décrites ci-dessus. Par ailleurs, le spectacle organisé en 2017 dans le cadre de cette programmation traditionnelle a consisté, sous le titre « Béziers, toute une histoire », en la présentation de onze tableaux évoquant l'histoire de la commune et ses personnages illustres, notamment Pierre-Paul Riquet, Casimir Péret et Jean Moulin. La circonstance qu'y aient été évoqués la crise viticole de 1907, le thème de la solidarité des Biterrois envers les leurs et celui de l'identité de la ville de Béziers ne suffit pas à conférer à cette manifestation, à laquelle il n'est d'ailleurs pas allégué que Mme MÉNARD aurait assisté et durant laquelle les élections législatives n'ont pas été évoquées, un caractère électoral. Le grief doit, par suite, être écarté.

4. Mme VOYER soutient, en deuxième lieu, que la publication par la commune de Béziers de nombreux articles dans le magazine municipal et de dossiers édités sur le site internet de la commune a constitué une campagne de promotion publicitaire prohibée par les dispositions précitées de l'article L. 52-1 du code électoral et que l'avantage ainsi accordé l'a été en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 52-8 du même code. Toutefois, elle n'apporte pas de preuve à l'appui de ses allégations. Le grief doit, par suite, être écarté.

5. Mme VOYER soutient, en troisième lieu, que la diffusion, par la commune de Béziers, d'affiches faisant écho aux thèmes de campagne de Mme MÉNARD a constitué une campagne de promotion publicitaire prohibée par les dispositions précitées de l'article L. 52-1 du code électoral et que l'avantage ainsi accordé l'a été en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 52-8 du même code. Toutefois, ce grief nouveau invoqué pour la première fois dans le mémoire enregistré le 5 octobre 2017 a été présenté après l'expiration du délai de dix jours fixé par l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus. Il est, dès lors, irrecevable.

6. Mme VOYER soutient, en quatrième lieu, que l'inauguration, le samedi 17 juin 2017, d'une rue commerçante et l'organisation, à cette occasion, d'une opération intitulée « Parapluies en folie », auxquelles Mme MÉNARD a assisté aux côtés de son époux, a constitué une campagne de promotion publicitaire prohibée par les dispositions précitées de l'article L. 52-1 du code électoral et que l'avantage ainsi accordé l'a été en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 52-8 du même code. Toutefois, Mme VOYER n'établit pas que cette opération, qui avait déjà eu lieu le 27 mai 2016, aurait présenté un caractère électoral et, en particulier, que Mme MÉNARD serait intervenue à cette occasion pour évoquer les thèmes de sa campagne.

7. Mme VOYER soutient, en cinquième lieu, que Mme MÉNARD a bénéficié du soutien du journal numérique « Boulevard Voltaire », personne morale de droit privé, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 52-8 du code électoral. Toutefois, elle n'apporte pas à l'appui de ses allégations des précisions ou justifications permettant au Conseil constitutionnel d'en apprécier le bien-fondé. Le grief doit, par suite, être écarté.

8. Mme VOYER soutient, en dernier lieu, que Mme MÉNARD a bénéficié du soutien d'une publication dénommée « Le Petit Journal » qui a consacré à cette dernière la une de son édition du jeudi 15 juin 2017, ainsi qu'un long article. Toutefois, la presse écrite peut rendre compte comme elle l'entend d'une campagne électorale. Les articles édités par « Le Petit Journal » ne sauraient donc être regardés comme un avantage au sens du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral. Le grief doit, par suite, être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par Mme MÉNARD, la requête de Mme VOYER doit être rejetée.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - La requête de Mme Isabelle VOYER est rejetée.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 décembre 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

Rendu public le 8 décembre 2017.

JORF n°0290 du 13 décembre 2017 texte n° 79
ECLI : FR : CC : 2017 : 2017.5115.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.9. Presse
  • 8.3.3.9.1. Prises de positions politiques de la presse écrite

Il est soutenu que la candidate élue a bénéficié du soutien d'une publication dénommée « Le Petit Journal » qui a consacré à cette dernière la une de son édition du jeudi 15 juin 2017, ainsi qu'un long article. Toutefois, la presse écrite peut rendre compte comme elle l'entend d'une campagne électorale. Les articles édités par « Le Petit Journal » ne sauraient donc être regardés comme un avantage au sens du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral. Le grief doit, par suite, être écarté.

(2017-5115 AN, 08 décembre 2017, cons. 8, JORF n°0290 du 13 décembre 2017 texte n° 79)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.12. Campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité (article L. 52-1, alinéa 2, du code électoral)

Il est soutenu que l'organisation, par une commune, dont le maire est l'époux de la candidate élue, d'un spectacle « son et lumière » le vendredi 16 juin 2017, soit l'avant-veille du second tour du scrutin, sur les façades du théâtre municipal et des immeubles avoisinants, a constitué une campagne de promotion publicitaire prohibée par les dispositions précitées de l'article L. 52-1 du code électoral.
Il résulte toutefois de l'instruction que la commune organise, depuis 2015, pendant la saison estivale, un spectacle « son et lumière » gratuit dans les conditions décrites ci-dessus. Par ailleurs, le spectacle organisé en 2017 dans le cadre de cette programmation traditionnelle a consisté, en la présentation de onze tableaux évoquant l'histoire de la commune et ses personnages illustres. La circonstance qu'y aient été évoqués certains thèmes ne suffit pas à conférer à cette manifestation, à laquelle il n'est d'ailleurs pas allégué que la candidate élue aurait assisté et durant laquelle les élections législatives n'ont pas été évoquées, un caractère électoral. Le grief doit, par suite, être écarté.

(2017-5115 AN, 08 décembre 2017, cons. 2, 3, JORF n°0290 du 13 décembre 2017 texte n° 79)

Il est soutenu que l'inauguration, le samedi 17 juin 2017, d'une rue commerçante et l'organisation, à cette occasion, d'une opération festive auxquelles la candidate a assisté aux côtés de son époux, a constitué une campagne de promotion publicitaire prohibée par les dispositions de l'article L. 52-1 du code électoral. Toutefois, il n'est pas établi que cette opération, qui avait déjà eu lieu le 27 mai 2016, aurait présenté un caractère électoral et, en particulier, que la candidate élue serait intervenue à cette occasion pour évoquer les thèmes de sa campagne. Grief écarté.

(2017-5115 AN, 08 décembre 2017, cons. 6, JORF n°0290 du 13 décembre 2017 texte n° 79)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.9. Contentieux - Griefs
  • 8.3.9.3. Griefs nouveaux
  • 8.3.9.3.1. Existence

Griefs nouveaux présentés hors du délai de dix jours fixé par l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et, par suite, irrecevables.

(2017-5115 AN, 08 décembre 2017, cons. 5, JORF n°0290 du 13 décembre 2017 texte n° 79)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.9. Contentieux - Griefs
  • 8.3.9.7. Griefs insuffisamment précisés

Il est soutenu que la candidate élue a bénéficié du soutien d'un journal numérique, personne morale de droit privé, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral. Toutefois, elle n'apporte pas à l'appui de ses allégations des précisions ou justifications permettant au Conseil constitutionnel d'en apprécier le bien-fondé.

(2017-5115 AN, 08 décembre 2017, cons. 7, JORF n°0290 du 13 décembre 2017 texte n° 79)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.9. Contentieux - Griefs
  • 8.3.9.8. Griefs qui ne sont assortis d'aucun commencement de preuve

Il est soutenu que la publication par une commune de nombreux articles dans le magazine municipal et de dossiers édités sur le site internet de la commune a constitué une campagne de promotion publicitaire prohibée par les dispositions précitées de l'article L. 52-1 du code électoral et que l'avantage ainsi accordé l'a été en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-8 du même code. Toutefois, il n'est pas apporté de preuve à l'appui de ces allégations. Le grief doit, par suite, être écarté.

(2017-5115 AN, 08 décembre 2017, cons. 4, JORF n°0290 du 13 décembre 2017 texte n° 79)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Version PDF de la décision.
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