Décision n° 2015-725 DC du 29 décembre 2015
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi de finances pour 2016, sous le numéro 2015-725 DC, le 18 décembre 2015 par MM. Christian JACOB, Damien ABAD, Yves ALBARELLO, Benoist APPARU, Mme Laurence ARRIBAGÉ, MM. Julien AUBERT, Jean-Pierre BARBIER, Jacques-Alain BENISTI, Jean-Claude BOUCHET, Mme Valérie BOYER, MM. Philippe BRIAND, Dominique BUSSEREAU, Gilles CARREZ, Yves CENSI, Guillaume CHEVROLLIER, Eric CIOTTI, François CORNUT-GENTILLE, Edouard COURTIAL, Jean-Michel COUVE, Mme Marie-Christine DALLOZ, MM. Gérard DARMANIN, Bernard DEBRÉ, Jean-Pierre DOOR, Mmes Marianne DUBOIS, Virginie DUBY-MULLER, Marie-Louise FORT, MM. Yves FOULON, Marc FRANCINA, Mme Annie GENEVARD, MM. Guy GEOFFROY, Bernard GÉRARD, Alain GEST, Daniel GIBBES, Franck GILARD, Charles-Ange GINESY, Philippe GOSSELIN, Philippe GOUJON, Mme Anne GROMMERCH, MM. Jean-Jacques GUILLET, Patrick HETZEL, Guénhaël HUET, Sébastien HUYGHE, Denis JACQUAT, Christian KERT, Jacques KOSSOWSKI, Patrick LABAUNE, Marc LAFFINEUR, Jacques LAMBLIN, Guillaume LARRIVÉ, Charles de LA VERPILLIÈRE, Alain LEBOEUF, Mme Isabelle LE CALLENNEC, MM. Jean LEONETTI, Philippe LE RAY, Céleste LETT, Mme Véronique LOUWAGIE, MM. Gilles LURTON, Laurent MARCANGELI, Hervé MARITON, Olivier MARLEIX, Philippe MARTIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Alain MARTY, Damien MESLOT, Philippe MEUNIER, Yannick MOREAU, Pierre MOREL-A-L'HUISSIER, Mme Dominique NACHURY, MM. Bernard PERRUT, Jean-Frédéric POISSON, Mme Bérangère POLETTI, MM. Didier QUENTIN, Franck RIESTER, Arnaud ROBINET, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. François SCELLIER, Claude STURNI, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Guy TEISSIER, Dominique TIAN, Patrice VERCHÈRE, Arnaud VIALA, Jean-Sébastien VIALATTE, Michel VOISIN, Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, MM. Thierry BENOÎT, Charles de COURSON, Laurent DEGALLAIX, Stéphane DEMILLY, Yannick FAVENNEC, Meyer HABIB, Yves JÉGO, Jean-Christophe LAGARDE, Bertrand PANCHER, Franck REYNIER, Arnaud RICHARD, François ROCHEBLOINE, Rudy SALLES, Francis VERCAMER et Philippe VIGIER, députés ;
Et le même jour, par MM. Bruno RETAILLEAU, Gérard BAILLY, François BAROIN, Philippe BAS, Jérôme BIGNON, Jean BIZET, François BONHOMME, Gilbert BOUCHET, François-Noël BUFFET, François CALVET, Christian CAMBON, Mme Agnès CANAYER, MM. Jean-Pierre CANTEGRIT, Jean-Noël CARDOUX, Jean-Claude CARLE, Gérard CÉSAR, Patrick CHAIZE, Pierre CHARON, Daniel CHASSEING, Alain CHATILLON, François COMMEINHES, Gérard CORNU, Philippe DALLIER, René DANESI, Mathieu DARNAUD, Serge DASSAULT, Mme Isabelle DEBRÉ, MM. Francis DELATTRE, Robert del PICCHIA, Gérard DÉRIOT, Mmes Catherine DEROCHE, Jacky DEROMEDI, Marie-Hélène DES ESGAULX, Chantal DESEYNE, Catherine DI FOLCO, MM. Eric DOLIGÉ, Philippe DOMINATI, Mme Marie-Annick DUCHÊNE, M. Alain DUFAUT, Mme Nicole DURANTON, MM. Louis DUVERNOIS, Jean-Paul ÉMORINE, Mme Dominique ESTROSI SASSONE, MM. Bernard FOURNIER, Jean-Paul FOURNIER, Pierre FROGIER, Jean-Claude GAUDIN, Jacques GAUTIER, Bruno GILLES, Mme Colette GIUDICELLI, MM. Alain GOURNAC, Jean-Pierre GRAND, Daniel GREMILLET, François GROSDIDIER, Jacques GROSPERRIN, Mme Pascale GRUNY, MM. Charles GUENÉ, Michel HOUEL, Alain HOUPERT, Jean-François HUSSON, Mme Corinne IMBERT, M. Alain JOYANDET, Mme Christiane KAMMERMANN, M. Roger KAROUTCHI, Mme Fabienne KELLER, MM. Guy-Dominique KENNEL, Marc LAMÉNIE, Mme Elisabeth LAMURE, MM. Robert LAUFOAULU, Daniel LAURENT, Antoine LEFÈVRE, Jacques LEGENDRE, Dominique de LEGGE, Jean-Pierre LELEUX, Jean-Baptiste LEMOYNE, Jean-Claude LENOIR, Philippe LEROY, Gérard LONGUET, Mme Vivette LOPEZ, MM. Claude MALHURET, Didier MANDELLI, Alain MARC, Jean-François MAYET, Mmes Colette MÉLOT, Marie MERCIER, Brigitte MICOULEAU, MM. Alain MILON, Albéric de MONTGOLFIER, Mme Patricia MORHET-RICHAUD, MM. Jean-Marie MORISSET, Philippe MOUILLER, Louis NÈGRE, Claude NOUGEIN, Jean-Jacques PANUNZI, Philippe PAUL, Jackie PIERRE, François PILLET, Rémy POINTEREAU, Ladislas PONIATOWSKI, Hugues PORTELLI, Mmes Sophie PRIMAS, Catherine PROCACCIA, MM. Jean-Pierre RAFFARIN, Henri de RAINCOURT, Michel RAISON, André REICHARDT, Charles REVET, Bernard SAUGEY, René-Paul SAVARY, Bruno SIDO, André TRILLARD, Mme Catherine TROENDLÉ, MM. Michel VASPART, Alain VASSELLE, Jean-Pierre VIAL, Jean-Pierre VOGEL, Mme Annick BILLON, MM. Jean-Marie BOCKEL, Philippe BONNECARRÈRE, Olivier CADIC, Michel CANEVET, Vincent CAPO-CANELLAS, Olivier CIGOLOTTI, Vincent DELAHAYE, Yves DETRAIGNE, Mme Elisabeth DOINEAU, M. Jean-Marc GABOUTY, Mmes Nathalie GOULET, Sophie JOISSAINS, MM. Claude KERN, Jean-François LONGEOT, Hervé MARSEILLE, Michel MERCIER, Mme Catherine MORIN-DESAILLY, MM. Yves POZZO DI BORGO, Henri TANDONNET et François ZOCCHETTO, sénateurs.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;
Vu la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 ;
Vu la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi ;
Vu l'avis du Haut conseil des finances publiques n° 2015-03 du 25 septembre 2015 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2016 ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 24 décembre 2015 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 2016 ; qu'ils mettent en cause sa sincérité et contestent la conformité à la Constitution de ses articles 30, 33 et 77 ; que les députés requérants contestent également la conformité à la Constitution de ses articles 121 et 143 ;
- SUR LA SINCÉRITÉ DE LA LOI DE FINANCES :
2. Considérant que les députés et les sénateurs requérants contestent la sincérité des hypothèses économiques retenues pour 2016 ; que, selon les sénateurs requérants, les évaluations de ressources et de charges sont également insincères ; qu'ils contestent enfin l'introduction en nouvelle lecture d'un nouveau compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » ainsi que d'un nouveau programme « Service public de l'énergie » au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durable », en méconnaissance de l'exigence de sincérité ;
. En ce qui concerne la sincérité des hypothèses de croissance et d'inflation pour 2016 et des évaluations de ressources et de charges de la loi de finances :
3. Considérant que, selon les députés requérants, l'hypothèse de croissance potentielle, qui diffère de celle retenue dans la loi du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 susvisée, contrevient, par voie de conséquence, aux dispositions de l'article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012 susvisée ; que les sénateurs requérants font valoir que l'hypothèse d'inflation pour l'année 2016 est surévaluée ; qu'ils soutiennent également que les prévisions de recettes et de charges pour 2016 sont particulièrement aléatoires ; qu'il en résulterait une atteinte à la sincérité de la loi de finances ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 32 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée : « Les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'État. Leur sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler » ; qu'il en résulte que la sincérité de la loi de finances de l'année se caractérise par l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre qu'elle détermine ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort ni de l'avis du Haut conseil des finances publiques du 25 septembre 2015 susvisé ni des autres éléments soumis au Conseil constitutionnel que les hypothèses économiques et les prévisions de recettes et de charges sur lesquelles est fondée la loi de finances soient entachées d'une intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre qu'elle détermine ;
6. Considérant, en second lieu, que si le Haut conseil des finances publiques a relevé dans son avis qu'une révision des hypothèses de croissance potentielle en dehors du cadre de la loi de programmation des finances publiques « ne permet pas de suivre convenablement l'évolution de la composante structurelle du déficit et nuit à la lisibilité de la politique budgétaire », une telle révision ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle ;
. En ce qui concerne la sincérité des dispositions introduites en nouvelle lecture :
7. Considérant que les sénateurs requérants contestent la sincérité des dispositions de la loi de finances pour 2016 qui sont relatives au compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » ainsi qu'au programme « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durable » du budget général de l'État ; que l'introduction de ces mesures en nouvelle lecture aurait entaché d'insincérité la loi de finances initiale dès lors qu'elles n'ont été présentées qu'à l'occasion du dépôt du projet de loi de finances rectificative pour 2015 ;
8. Considérant que l'article 3 du projet de loi de finances rectificative pour 2015 déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 13 novembre 2015 prévoyait la création, à compter du 1er janvier 2016, d'un nouveau compte d'affectation spéciale, financé par des recettes issues de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité et de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel et destiné à financer les dépenses en faveur de la transition énergétique ; qu'en outre, une annexe explicative à ce projet de loi mentionnait qu'il était envisagé de créer également un nouveau programme « Service public de l'énergie » au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durable » du budget général de l'État pour l'année 2016, finançant des aides en faveur des « ménages en situation de précarité énergétique », des acteurs mettant en œuvre des « dispositifs de soutien à la cogénération » et des « secteurs électro-intensifs » ; qu'il ressort des travaux parlementaires que, lors de la nouvelle lecture de la loi de finances à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a présenté des amendements pour tirer les conséquences des mesures prévues par le projet de loi de finances rectificative, alors en discussion, tendant à la création d'un nouveau compte d'affectation spéciale et réformant la contribution au service public de l'électricité ; que les dispositions ainsi introduites en nouvelle lecture n'ont pas eu pour objet ou pour effet d'altérer la sincérité de la loi de finances pour 2016 ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le grief tiré du défaut de sincérité de la loi de finances doit être écarté ;
- SUR L'ARTICLE 30 :
10. Considérant que le premier alinéa du paragraphe I de l'article 235 ter ZD du code général des impôts institue une taxe sur les transactions financières s'appliquant à toute acquisition à titre onéreux d'un titre de capital dès lors que ce titre est admis aux négociations sur un marché réglementé français, européen ou étranger, que son acquisition donne lieu à un transfert de propriété au sens de l'article L. 211-17 du code monétaire et financier et que ce titre est émis par une société dont le siège social est situé en France et dont la capitalisation boursière dépasse un milliard d'euros au 1er décembre de l'année précédant celle de l'imposition ;
11. Considérant que le paragraphe I de l'article 30 de la loi déférée supprime les dispositions de cet alinéa qui subordonnent l'assujettissement à la taxe à la condition que l'acquisition d'un titre de capital donne lieu à un transfert de propriété au sens de l'article L. 211-17 du code monétaire et financier ; que le paragraphe II de l'article 30 prévoit l'entrée en vigueur de cet article le 31 décembre 2016 ;
12. Considérant que les députés et les sénateurs requérants soutiennent que les dispositions de l'article 30, en supprimant la condition de transfert de propriété au sens de l'article L. 211-17 du code monétaire et financier pour l'application de la taxe sur les transactions financières, portent atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi dès lors que les dispositions de l'article 235 ter ZD ainsi modifié ne permettent plus de déterminer le fait générateur de cette taxe ; que, pour le même motif, le législateur n'aurait pas défini les modalités de recouvrement de cette taxe avec suffisamment de précision et aurait, en conséquence, méconnu l'étendue de sa compétence ; que les sénateurs requérants font également valoir que les dispositions de l'article 30 figurent irrégulièrement dans la première partie de la loi de finances dans la mesure où, compte tenu de leur entrée en vigueur au 31 décembre 2016, elles sont sans effet sur les recettes de l'année 2016 ;
13. Considérant qu'aux termes du paragraphe I de l'article 34 de la loi organique du 1er août 2001 : « Dans la première partie, la loi de finances de l'année : « 1 ° Autorise, pour l'année, la perception des ressources de l'État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l'État ;
« 2 ° Comporte les dispositions relatives aux ressources de l'État qui affectent l'équilibre budgétaire ;
« 3 ° Comporte toutes dispositions relatives aux affectations de recettes au sein du budget de l'État ;
« 4 ° Évalue chacun des prélèvements mentionnés à l'article 6 ;
« 5 ° Comporte l'évaluation de chacune des recettes budgétaires ;
« 6 ° Fixe les plafonds des dépenses du budget général et de chaque budget annexe, les plafonds des charges de chaque catégorie de comptes spéciaux ainsi que le plafond d'autorisation des emplois rémunérés par l'État ;
« 7 ° Arrête les données générales de l'équilibre budgétaire, présentées dans un tableau d'équilibre ;
« 8 ° Comporte les autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de l'État prévues à l'article 26 et évalue les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l'équilibre financier, présentées dans un tableau de financement ;
« 9 ° Fixe le plafond de la variation nette, appréciée en fin d'année, de la dette négociable de l'État d'une durée supérieure à un an ;
« 10 ° Arrête les modalités selon lesquelles sont utilisés les éventuels surplus, par rapport aux évaluations de la loi de finances de l'année, du produit des impositions de toute nature établies au profit de l'État » ;
14. Considérant que les dispositions contestées élargissent le champ d'application de la taxe sur les transactions financières prévue à l'article 235 ter ZD du code général des impôts à toute acquisition à titre onéreux d'un titre de capital ou d'un titre de capital assimilé admis aux négociations sur un marché réglementé français, européen ou étranger émis par une société dont le siège social est situé en France et dont la capitalisation boursière dépasse un milliard d'euros, y compris lorsque cette acquisition n'a pas donné lieu à une inscription au compte titre de l'acquéreur ; que, toutefois, d'une part, aux termes du paragraphe IV de l'article 235 ter ZD : « La taxe est exigible le premier jour du mois suivant celui au cours duquel s'est produite l'acquisition du titre » ; que, d'autre part, les dispositions de l'article 30 entrent en vigueur le 31 décembre 2016 ; que, par suite, l'article 30 a été placé à tort dans la première partie de la loi de finances ; qu'il suit de là que cet article a été adopté selon une procédure contraire à la Constitution ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, il doit être déclaré contraire à cette dernière ;
- SUR L'ARTICLE 33 :
15. Considérant que le paragraphe I de l'article 33 fixe pour l'année 2016 le montant de la dotation globale de fonctionnement à 33 221 814 000 euros ; que ce montant est inférieur de 3 385 239 000 euros à celui de la dotation globale de fonctionnement de l'année 2015 ; que le paragraphe II de cet article 33 détaille la répartition de la réduction de cette dotation entre différents mécanismes de compensation ou de dotation de l'État aux collectivités territoriales, en fonction d'un taux fixé à son paragraphe III ;
16. Considérant que les députés et les sénateurs requérants font valoir que cette réduction des dotations accordées aux collectivités territoriales porte atteinte au principe de libre administration, dès lors qu'elle s'ajoute aux diminutions de ces dotations précédemment intervenues, aux effets accrus de la péréquation ainsi qu'à la hausse des dépenses contraintes des collectivités ; que, selon les sénateurs requérants, il en résulte également une méconnaissance de « l'exigence de compensation » des pertes de recettes fiscales des collectivités ; que, selon les députés requérants, dans la mesure où l'effort ainsi demandé aux collectivités territoriales est supérieur à leur part dans la dépense publique totale, il en résulte également une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi ; que l'application d'une clé de répartition identique à celle retenue l'année précédente, sans prendre en compte les données des comptes de gestion des différentes catégories de collectivités territoriales, conduirait également à méconnaître le principe d'égalité en traitant différemment les communes, les départements et les régions ;
17. Considérant, en premier lieu, que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ; que, si, en vertu des articles 72 et 72-2 de la Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus » et « bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement », elles le font « dans les conditions prévues par la loi » ;
18. Considérant que le montant de la réduction de la dotation globale de fonctionnement représente 1,6 % des recettes des collectivités territoriales ; que cette réduction n'est pas d'une ampleur telle qu'elle entraverait la libre administration des collectivités territoriales ;
19. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution : « Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi » ; qu'en revanche, aucune exigence constitutionnelle n'impose que la suppression ou la réduction d'une recette fiscale perçue par des collectivités territoriales soit compensée par l'allocation d'un montant de recettes comparable ;
20. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
21. Considérant, d'une part, que les collectivités territoriales et les administrations de l'État ne sont pas dans la même situation au regard de l'affectation des ressources publiques ; qu'en elle-même, la différence de traitement entre l'État et les collectivités territoriales pour l'affectation de leurs ressources ne méconnaît pas le principe d'égalité ;
22. Considérant, d'autre part, que les dispositions contestées, qui ne modifient pas les dispositions des articles L. 2334-1, L. 3334-1, L. 4332-4 et L. 4332-8 du code général des collectivités territoriales relatives aux règles selon lesquelles la dotation globale de fonctionnement est répartie entre les communes et leurs établissements publics, les départements et les régions, ne créent aucune discrimination injustifiée entre les différentes catégories de collectivités territoriales ; que les griefs tirés de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doivent être écartés ;
23. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 33, qui ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle, doit être déclaré conforme à la Constitution ;
- SUR L'ARTICLE 77 :
24. Considérant que l'article 77 est relatif au versement d'une fraction de la prime d'activité sous la forme d'une réduction dégressive de contribution sociale généralisée ; que ses paragraphes III et IV modifient le code de la sécurité sociale pour instaurer, au bénéfice des salariés et des agents publics dont le salaire ou le traitement est inférieur ou égal à 1,34 fois le salaire minimum de croissance, un mécanisme de réduction dégressive de la contribution sociale généralisée sur les revenus d'activité et de remplacement, en déduction de la prime d'activité prévue à l'article L. 841-1 du même code dans sa rédaction résultant de la loi du 17 août 2015 susvisée ;
25. Considérant qu'en particulier, le paragraphe III de l'article 77 insère, dans le titre IV intitulé « Prime d'activité » du livre VIII du code de la sécurité sociale, un nouveau chapitre III bis intitulé « Versement sur la feuille de paie des salariés » comprenant un unique article L. 843-7 ; que cet article L. 843-7 prévoit qu'une fraction de la prime d'activité destinée aux salariés et aux agents publics est versée dans les conditions et les modalités définies à l'article L. 136-8 du même code ; que le paragraphe IV de l'article 77 insère, après le paragraphe I de l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, un paragraphe I bis, qui prévoit que la contribution sociale généralisée due par les travailleurs salariés à raison de leurs revenus d'activité et de remplacement fait l'objet d'une réduction dégressive au titre et par compensation de la fraction de prime d'activité mentionnée à l'article L. 843-7 ;
26. Considérant que les députés et les sénateurs requérants soutiennent que ces dispositions méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789 ; que, selon les députés requérants, ces dispositions méconnaissent également l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ;
27. Considérant qu'il ressort des travaux parlementaires que, dans l'intention d'augmenter le pouvoir d'achat des foyers les plus modestes, le législateur a entendu, d'une part, instituer une modalité particulière de décaissement de la prime d'activité et, d'autre part, accroître le taux de recours à cette prime en dispensant les travailleurs qui y sont éligibles d'engager des démarches pour percevoir cette prime ;
28. Considérant, toutefois, que le bénéfice du mécanisme institué par les dispositions des paragraphes III et IV de l'article 77 est réservé aux seuls travailleurs salariés ou agents publics, à l'exclusion des travailleurs non salariés ; que le législateur a ainsi traité différemment des personnes se trouvant dans des situations identiques dès lors qu'en vertu de l'article L. 841-1 du code de la sécurité sociale sont éligibles à la prime d'activité « les travailleurs aux ressources modestes, qu'ils soient salariés ou non salariés » ; que cette différence de traitement n'est pas en rapport avec l'objet de la loi ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, les dispositions des paragraphes III et IV de l'article 77 doivent être déclarées contraires à la Constitution ; qu'il en va de même du surplus de l'article 77, qui en est inséparable ;
- SUR CERTAINES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 121 :
29. Considérant que le 1 ° du paragraphe I de l'article 121 crée dans le code général des impôts un article 223 quinquies C ; que le 1 du paragraphe I de ce dernier article impose à certaines personnes morales de souscrire, dans les douze mois suivant la clôture de l'exercice, une « déclaration comportant la répartition pays par pays des bénéfices du groupe et des agrégats économiques, comptables et fiscaux, ainsi que des informations sur la localisation et l'activité des entités le constituant » ; qu'est soumise à cette obligation la personne morale ayant son siège en France qui établit des comptes consolidés, détient ou contrôle, directement ou indirectement, une ou plusieurs entités juridiques établies hors de France ou y dispose de succursales, réalise un chiffre d'affaires annuel, hors taxes, consolidé supérieur ou égal à 750 millions d'euros et n'est pas détenue par une ou des entités juridiques situées en France et tenues au dépôt de cette déclaration, ou établies hors de France et tenues au dépôt d'une déclaration similaire en application d'une réglementation étrangère ; que le 2 du paragraphe I dispose qu'est également soumise à cette obligation la personne morale établie en France dès lors, d'une part, qu'elle est contrôlée directement ou indirectement par une personne morale établie dans un État ou territoire n'ayant pas adopté une réglementation rendant obligatoire la souscription d'une déclaration similaire à celle figurant au 1 du paragraphe I et répondant aux critères mentionnés précédemment et, d'autre part, qu'elle a été désignée par le groupe à cette fin ou qu'elle ne peut démontrer qu'une autre entité du groupe a été désignée à cette même fin ; que le 3 du paragraphe I prévoit que la déclaration peut, sous condition de réciprocité, faire l'objet d'un échange avec d'autres États ; que le paragraphe II dispose que la liste des États ou territoires ayant adopté une réglementation rendant obligatoire une déclaration similaire à celle prévue au paragraphe I et ayant conclu un accord, qu'ils respectent, d'échange automatique de ces informations, est fixée par un arrêté ;
30. Considérant que, selon les députés requérants, ces dispositions portent atteinte au principe d'égalité devant la loi dès lors qu'elles ont pour effet d'instaurer des obligations déclaratives différentes entre une société mère ayant son siège en France et une société contrôlée par une société ayant son siège à l'étranger ; qu'en effet, la seconde serait soumise à une formalité impossible dans la mesure où elle serait dans l'incapacité de produire des informations qui ne lui auraient pas été transmises par sa société mère ; que la liberté d'entreprendre serait également méconnue dans la mesure où les sociétés sont contraintes de divulguer des informations stratégiques pouvant être transmises à des États étrangers sans qu'il soit garanti que ces États respecteront le caractère confidentiel de ces informations ;
31. Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées imposent la même obligation déclarative à une société mère ayant son siège en France et répondant aux critères fixés au 1 du paragraphe I de l'article 223 quinquies C du code général des impôts et à une société établie en France contrôlée par une société ayant son siège à l'étranger et répondant aux mêmes critères ; que, par suite, ces dispositions, qui ne créent pas de différence de traitement, ne portent pas atteinte au principe d'égalité ;
32. Considérant, en second lieu, qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;
33. Considérant que les dispositions contestées se bornent à imposer à certaines sociétés de transmettre à l'administration des informations relatives à leur implantation et des indicateurs économiques, comptables et fiscaux de leur activité ; que ces éléments, s'ils peuvent être échangés avec les États ou territoires ayant conclu un accord en ce sens avec la France, ne peuvent être rendus publics ; que, par suite, ces dispositions ne portent aucune atteinte à la liberté d'entreprendre ;
34. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le 1 ° du paragraphe I de l'article 121, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, doit être déclaré conforme à la Constitution ;
- SUR L'ARTICLE 143 :
35. Considérant que le paragraphe I de l'article 143 prévoit que les particuliers rattachés au foyer fiscal de leurs parents ne sont pas éligibles aux aides mentionnées à l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation et aux articles L. 542-1 et L. 831-1 du code de la sécurité sociale lorsque ces derniers sont redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune ; qu'en vertu du paragraphe II de cet article 143, ces dispositions entrent en vigueur le 1er octobre 2016 ;
36. Considérant que, selon les députés requérants, ces dispositions instaurent une différence de traitement entre les personnes éligibles aux aides au logement susmentionnées selon que leurs parents sont ou non assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune ; que ce critère ne serait pas en lien avec l'objet de la législation relative aux aides au logement et qu'il ne permettrait pas d'apprécier les ressources des parents de façon pertinente ; qu'il en résulterait une atteinte au principe d'égalité devant la loi ;
37. Considérant qu'en prévoyant que les personnes rattachées au foyer fiscal de leur parents ne sont pas éligibles aux aides personnelles au logement lorsque ces derniers sont assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune, les dispositions contestées créent une différence de traitement entre des personnes qui sont, au regard de l'attribution d'une aide sociale personnelle et de leur situation patrimoniale propre, dans la même situation ;
38. Considérant que, par les dispositions de l'article 140 de la loi déférée, le législateur a modifié les conditions d'attribution des aides personnelles au logement prévues par l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation et par les articles L. 542-1 et L. 831-1 du code de la sécurité sociale ; qu'à ce titre, il a prévu, en plus du critère de ressources du demandeur, la prise en compte d'un critère tiré de la valeur en capital du patrimoine du demandeur ; que, par les dispositions contestées de l'article 143 de la loi déférée, le législateur a également retenu un nouveau critère, relatif au patrimoine, pour l'attribution de ces aides personnelles au logement lorsque la personne est rattachée au foyer fiscal de ses parents ; que le législateur a ainsi entendu poursuivre un objectif d'intérêt général d'adaptation des conditions d'octroi d'une aide sociale en faveur du logement aux moyens dont dispose directement ou indirectement la personne afin de se loger ; que le critère d'assujettissement des parents de la personne à l'impôt de solidarité sur la fortune est, s'agissant d'une aide sociale en faveur du logement accordée à une personne rattachée au foyer fiscal de ses parents, un critère en rapport avec l'objectif poursuivi par le législateur ; que le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit dès lors être écarté ;
39. Considérant que l'article 143, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, doit être déclaré conforme à la Constitution ;
40. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Les articles 30 et 77 de la loi de finances pour 2016 sont contraires à la Constitution.
Article 2.- L'article 33, le 1 ° du paragraphe I de l'article 121 et l'article 143 de cette même loi sont conformes à la Constitution.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 décembre 2015, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN et Mme Nicole MAESTRACCI.
JORF n°0302 du 30 décembre 2015 page 24763, texte n° 3
ECLI : FR : CC : 2015 : 2015.725.DC
Les abstracts
- 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
- 1.5. CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
- 1.5.14. Titre XII - Des collectivités territoriales
1.5.14.2. Autres principes et règles applicables aux collectivités locales (articles 72 à 74-1 de la Constitution)
En vertu du quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution : « Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». En revanche, aucune exigence constitutionnelle n'impose que la suppression ou la réduction d'une recette fiscale perçue par des collectivités territoriales soit compensée par l'allocation d'un montant de recettes comparable.
- 4. DROITS ET LIBERTÉS
- 4.21. LIBERTÉS ÉCONOMIQUES
- 4.21.2. Liberté d'entreprendre
4.21.2.4. Champ d'application du principe
Des dispositions qui se bornent à imposer à certaines sociétés de transmettre à l'administration des informations relatives à leur implantation et des indicateurs économiques, comptables et fiscaux de leur activité, éléments pouvant être échangés avec les États ou territoires ayant conclu un accord en ce sens avec la France mais ne pouvant être rendus publics, ne portent aucune atteinte à la liberté d'entreprendre.
- 5. ÉGALITÉ
- 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
- 5.1.3. Respect du principe d'égalité : absence de différence de traitement
- 5.1.3.1. Collectivités territoriales
5.1.3.1.3. Répartition des dotations entre catégories de collectivités territoriales
Les dispositions de l'article 33 de la loi de finances pour 2016, relatives au montant de la dotation globale de fonctionnement, qui ne modifient pas les dispositions des articles L. 2334-1, L. 3334-1, L. 4332–4 et L. 4332-8 du code général des collectivités territoriales relatives aux règles selon lesquelles la dotation globale de fonctionnement est répartie entre les communes et leurs établissements publics, les départements et les régions, ne créent aucune discrimination injustifiée entre les différentes catégories de collectivités territoriales.
- 5. ÉGALITÉ
- 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
- 5.1.3. Respect du principe d'égalité : absence de différence de traitement
5.1.3.11. Droit économique
Des dispositions imposant la même obligation déclarative à une société mère ayant son siège en France et répondant aux critères fixés au 1 du paragraphe I de l'article 223 quinquies C du code général des impôts et à une société établie en France contrôlée par une société ayant son siège à l'étranger et répondant aux mêmes critères ne créent pas de différence de traitement et ne portent pas atteinte au principe d'égalité.
- 5. ÉGALITÉ
- 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
- 5.1.4. Respect du principe d'égalité : différence de traitement justifiée par une différence de situation
5.1.4.2. Collectivités territoriales
Les collectivités territoriales et les administrations de l'État ne sont pas dans la même situation au regard de l'affectation des ressources publiques. En elle-même, la différence de traitement entre l'État et les collectivités territoriales pour l'affectation de leurs ressources ne méconnaît pas le principe d'égalité.
- 5. ÉGALITÉ
- 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
- 5.1.5. Considérations d'intérêt général justifiant une différence de traitement
- 5.1.5.9. Droit social
5.1.5.9.4. Prestations d'aide sociale
Le paragraphe I de l'article 143 prévoit que les particuliers rattachés au foyer fiscal de leurs parents ne sont pas éligibles aux aides mentionnées à l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation et aux articles L. 542-1 et L. 831-1 du code de la sécurité sociale lorsque ces derniers sont redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune.
En prévoyant que les personnes rattachées au foyer fiscal de leur parents ne sont pas éligibles aux aides personnelles au logement lorsque ces derniers sont assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune, les dispositions contestées créent une différence de traitement entre des personnes qui sont, au regard de l'attribution d'une aide sociale personnelle et de leur situation patrimoniale propre, dans la même situation.
Par les dispositions de l'article 140 de la loi déférée, le législateur a modifié les conditions d'attribution des aides personnelles au logement prévues par l'article L. 351-1 du code de la construction et de l'habitation et par les articles L. 542-1 et L. 831-1 du code de la sécurité sociale. A ce titre, il a prévu, en plus du critère de ressources du demandeur, la prise en compte d'un critère tiré de la valeur en capital du patrimoine du demandeur. Par les dispositions contestées de l'article 143 de la loi déférée, le législateur a également retenu un nouveau critère, relatif au patrimoine, pour l'attribution de ces aides personnelles au logement lorsque la personne est rattachée au foyer fiscal de ses parents. Le législateur a ainsi entendu poursuivre un objectif d'intérêt général d'adaptation des conditions d'octroi d'une aide sociale en faveur du logement aux moyens dont dispose directement ou indirectement la personne afin de se loger. Le critère d'assujettissement des parents de la personne à l'impôt de solidarité sur la fortune est, s'agissant d'une aide sociale en faveur du logement accordée à une personne rattachée au foyer fiscal de ses parents, un critère en rapport avec l'objectif poursuivi par le législateur. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit dès lors être écarté.
- 5. ÉGALITÉ
- 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
- 5.1.6. Violation du principe d'égalité
5.1.6.13. Droit fiscal
L'article 77 de la loi de finances pour 2016 est relatif au versement d'une fraction de la prime d'activité sous la forme d'une réduction dégressive de contribution sociale généralisée. Ses paragraphes III et IV modifient le code de la sécurité sociale pour instaurer, au bénéfice des salariés et des agents publics dont le salaire ou le traitement est inférieur ou égal à 1,34 fois le salaire minimum de croissance, un mécanisme de réduction dégressive de la contribution sociale généralisée sur les revenus d'activité et de remplacement, en déduction de la prime d'activité prévue à l'article L. 841-1 du même code dans sa rédaction résultant de la loi du 17 août 2015.
Il ressort des travaux parlementaires que, dans l'intention d'augmenter le pouvoir d'achat des foyers les plus modestes, le législateur a entendu, d'une part, instituer une modalité particulière de décaissement de la prime d'activité et, d'autre part, accroître le taux de recours à cette prime en dispensant les travailleurs qui y sont éligibles d'engager des démarches pour percevoir cette prime.
Toutefois, le bénéfice du mécanisme institué par les dispositions des paragraphes III et IV de l'article 77 est réservé aux seuls travailleurs salariés ou agents publics, à l'exclusion des travailleurs non salariés. Le législateur a ainsi traité différemment des personnes se trouvant dans des situations identiques dès lors qu'en vertu de l'article L. 841-1 du code de la sécurité sociale sont éligibles à la prime d'activité « les travailleurs aux ressources modestes, qu'ils soient salariés ou non salariés ». Cette différence de traitement n'est pas en rapport avec l'objet de la loi. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, les dispositions des paragraphes III et IV de l'article 77 doivent être déclarées contraires à la Constitution. Il en va de même du surplus de l'article 77, qui en est inséparable.
- 6. FINANCES PUBLIQUES
- 6.1. PRINCIPES BUDGÉTAIRES ET FISCAUX
- 6.1.7. Principe de sincérité
- 6.1.7.1. Loi de finances
6.1.7.1.2. Régime de la loi organique relative aux lois de finances de 2001
Selon les députés requérants, l'hypothèse de croissance potentielle, qui diffère de celle retenue dans la loi du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 susvisée, contrevient, par voie de conséquence, aux dispositions de l'article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012. Les sénateurs requérants font valoir que l'hypothèse d'inflation pour l'année 2016 est surévaluée. Ils soutiennent également que les prévisions de recettes et de charges pour 2016 sont particulièrement aléatoires. Il en résulterait une atteinte à la sincérité de la loi de finances.
Aux termes de l'article 32 de la loi organique du 1er août 2001 : « Les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'État. Leur sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ». Il en résulte que la sincérité de la loi de finances de l'année se caractérise par l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre qu'elle détermine.
En premier lieu, il ne ressort ni de l'avis du Haut conseil des finances publiques du 25 septembre 2015 ni des autres éléments soumis au Conseil constitutionnel que les hypothèses économiques et les prévisions de recettes et de charges sur lesquelles est fondée la loi de finances soient entachées d'une intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre qu'elle détermine.
En second lieu, si le Haut conseil des finances publiques a relevé dans son avis qu'une révision des hypothèses de croissance potentielle en dehors du cadre de la loi de programmation des finances publiques « ne permet pas de suivre convenablement l'évolution de la composante structurelle du déficit et nuit à la lisibilité de la politique budgétaire », une telle révision ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle.
Les sénateurs requérants contestent la sincérité des dispositions de la loi de finances pour 2016 qui sont relatives au compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » ainsi qu'au programme « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durable » du budget général de l'État. L'introduction de ces mesures en nouvelle lecture aurait entaché d'insincérité la loi de finances initiale dès lors qu'elles n'ont été présentées qu'à l'occasion du dépôt du projet de loi de finances rectificative pour 2015.
L'article 3 du projet de loi de finances rectificative pour 2015 déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 13 novembre 2015 prévoyait la création, à compter du 1er janvier 2016, d'un nouveau compte d'affectation spéciale, financé par des recettes issues de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité et de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel et destiné à financer les dépenses en faveur de la transition énergétique. En outre, une annexe explicative à ce projet de loi mentionnait qu'il était envisagé de créer également un nouveau programme « Service public de l'énergie » au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durable » du budget général de l'État pour l'année 2016, finançant des aides en faveur des « ménages en situation de précarité énergétique », des acteurs mettant en œuvre des « dispositifs de soutien à la cogénération » et des « secteurs électro-intensifs ». Il ressort des travaux parlementaires que, lors de la nouvelle lecture de la loi de finances à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a présenté des amendements pour tirer les conséquences des mesures prévues par le projet de loi de finances rectificative, alors en discussion, tendant à la création d'un nouveau compte d'affectation spéciale et réformant la contribution au service public de l'électricité. Les dispositions ainsi introduites en nouvelle lecture n'ont pas eu pour objet ou pour effet d'altérer la sincérité de la loi de finances pour 2016.
- 6. FINANCES PUBLIQUES
- 6.2. PROCÉDURE D'EXAMEN
- 6.2.5. Structure de la loi
6.2.5.1. Répartition entre première et seconde partie de la loi de finances
Des dispositions élargissant le champ d'application de la taxe sur les transactions financières prévue à l'article 235 ter ZD du code général des impôts à toute acquisition à titre onéreux d'un titre de capital ou d'un titre de capital assimilé admis aux négociations sur un marché réglementé français, européen ou étranger émis par une société dont le siège social est situé en France et dont la capitalisation boursière dépasse un milliard d'euros, y compris lorsque cette acquisition n'a pas donné lieu à une inscription au compte titre de l'acquéreur, ont été placées à tort dans la première partie de la loi de finances pour 2016 dès lors que, d'une part, la taxe est exigible le premier jour du mois suivant celui au cours duquel s'est produite l'acquisition du titre et, d'autre part, les dispositions entrent en vigueur le 31 décembre 2016. Censure.
- 14. ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE
- 14.1. PRINCIPES GÉNÉRAUX
- 14.1.3. Libre administration des collectivités territoriales
14.1.3.2. Absence de violation du principe
Les dispositions de l'article 33 de la loi de finances pour 2016 fixent pour l'année 2016 le montant de la dotation globale de fonctionnement. Le montant de la réduction de la dotation globale de fonctionnement représente 1,6 % des recettes des collectivités territoriales. Cette réduction n'est pas d'une ampleur telle qu'elle entraverait la libre administration des collectivités territoriales.