Décision n° 2015-463 QPC du 9 avril 2015
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 11 février 2015 par le Conseil d'État (décision n° 385359 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée pour M. Kamel B. et la société Constellation Sécurité SAS, par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 1 ° de l'article L. 612-7 du code de la sécurité intérieure.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la sécurité intérieure ;
Vu la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 règlementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds ;
Vu l'ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure ;
Vu la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les requérants par la SCP Waquet, Farge, Hazan, enregistrées le 16 mars 2015 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 5 mars 2015 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Claire Waquet pour les requérants et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 25 mars 2015 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que le 1 ° de l'article L. 612-7 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 12 mars 2012 susvisée, subordonne la délivrance de l'agrément prévu à l'article L. 612-6 du même code pour exercer à titre individuel l'une des activités privées de sécurité énumérées à l'article L. 611-1 de ce code, ou pour diriger, gérer ou être l'associé d'une personne morale exerçant une telle activité, à la condition d'« Être de nationalité française ou ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » ;
2. Considérant que, selon les requérants, en instituant une différence de traitement entre les personnes de nationalité française ou ressortissant d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, d'une part, et les personnes ayant une autre nationalité, d'autre part, les dispositions contestées méconnaissent le principe d'égalité devant la loi ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
4. Considérant que les dispositions contestées instituent une différence de traitement entre, d'une part, les personnes de nationalité française et les ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen et, d'autre part, les personnes d'une autre nationalité pour l'exercice, soit en tant qu'exploitant individuel, soit en tant que dirigeant, gérant ou associé d'une personne morale, des activités privées de surveillance et de gardiennage, de transport de fonds, de protection physique des personnes et de protection des navires qui, lorsqu'elles ne sont pas assurées par un service public administratif, sont régies par les dispositions du titre Ier du livre VI du code de la sécurité intérieure ;
5. Considérant que le législateur a subordonné la délivrance d'un agrément aux dirigeants des entreprises exerçant des activités privées de sécurité à plusieurs conditions, énumérées à l'article L. 612-7 du code de la sécurité intérieure, au nombre desquelles figure la condition de nationalité contestée ; que le législateur a ainsi entendu assurer un strict contrôle des dirigeants des entreprises exerçant des activités privées de sécurité qui, du fait de leur autorisation d'exercice, sont associées aux missions de l'État en matière de sécurité publique ; qu'en prévoyant la condition de nationalité contestée, le législateur s'est fondé sur un motif d'intérêt général lié à la protection de l'ordre public et de la sécurité des personnes et des biens ; que la différence de traitement qui en résulte est fondée sur un critère en rapport direct avec l'objectif de la loi ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être écarté ; que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Le 1 ° de l'article L. 612-7 du code de la sécurité intérieure est conforme à la Constitution.
Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 avril 2015, où siégeaient : M. Lionel JOSPIN, exerçant les fonctions de Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
Rendu public le 9 avril 2015.
JORF n°0085 du 11 avril 2015 page 6537, texte n° 20
ECLI : FR : CC : 2015 : 2015.463.QPC
Les abstracts
- 5. ÉGALITÉ
- 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
5.1.1. Principe
Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
- 5. ÉGALITÉ
- 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
- 5.1.5. Considérations d'intérêt général justifiant une différence de traitement
5.1.5.11. Emploi et droit du travail
Les dispositions du 1° de l'article L. 612-7 du code de la sécurité intérieure, qui prévoient une condition de nationalité pour la délivrance d'un agrément aux dirigeants des entreprises exerçant des activités privées de sécurité, instituent une différence de traitement entre, d'une part, les personnes de nationalité française et les ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen et, d'autre part, les personnes d'une autre nationalité pour l'exercice, soit en tant qu'exploitant individuel, soit en tant que dirigeant, gérant ou associé d'une personne morale, des activités privées de surveillance et de gardiennage, de transport de fonds, de protection physique des personnes et de protection des navires.
Le législateur a ainsi entendu assurer un strict contrôle des dirigeants des entreprises exerçant des activités privées de sécurité qui, du fait de leur autorisation d'exercice, sont associées aux missions de l'État en matière de sécurité publique. En prévoyant la condition de nationalité contestée, le législateur s'est fondé sur un motif d'intérêt général lié à la protection de l'ordre public et de la sécurité des personnes et des biens. La différence de traitement qui en résulte est fondée sur un critère en rapport direct avec l'objectif de la loi. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être écarté.