Décision

Décision n° 2014-8 LOM du 8 janvier 2015

Droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations en Polynésie française
Compétence de la collectivité

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 9 octobre 2014 par le président de la Polynésie française, dans les conditions prévues par l'article 12 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, d'une demande tendant à ce qu'il constate que sont intervenues dans une matière ressortissant à la compétence de la Polynésie française les « dispositions des articles 1er et 30 - I de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit et [les] dispositions des articles 59 et 77 - I de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes… en tant qu'elles s'appliquent aux administrations de la Polynésie française, de ses établissements publics ou des autres personnes publiques crées par elle ou des personnes de droit privé par elle chargées d'une mission de service public ».

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Vu la Constitution ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 74 et 74-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit ;

Vu la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes ;

Vu les observations du président de l'Assemblée de la Polynésie française, enregistrées le 22 octobre 2014 ;

Vu les observations du Premier ministre, enregistrées le 24 octobre 2014 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la loi organique du 27 février 2004 susvisée, pris en application du neuvième alinéa de l'article 74 de la Constitution : « Lorsque le Conseil constitutionnel a constaté qu'une loi promulguée postérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi organique est intervenue dans les matières ressortissant à la compétence de la Polynésie française, en tant qu'elle s'applique à cette dernière, cette loi peut être modifiée ou abrogée par l'assemblée de la Polynésie française » ; que le président de la Polynésie française demande au Conseil constitutionnel de constater que les dispositions de l'article 1er et du paragraphe I de l'article 30 de la loi du 20 décembre 2007 susvisée et celles de l'article 59 et du paragraphe I de l'article 77 de la loi du 4 août 2014 susvisée sont intervenues dans une matière ressortissant à la compétence de cette collectivité d'outre-mer en tant qu'elles s'appliquent aux administrations de la Polynésie française, de ses établissements publics ou des autres personnes publiques crées par elle ou des personnes de droit privé par elle chargées d'une mission de service public ;

2. Considérant que l'article 1er de la loi du 20 décembre 2007 insère dans la loi du 12 avril 2000 susvisée un nouvel article 16-1 ainsi rédigé : « L'autorité administrative est tenue, d'office ou à la demande d'une personne intéressée, d'abroger expressément tout règlement illégal ou sans objet, que cette situation existe depuis la publication du règlement ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date » ; que le paragraphe I de l'article 30 de la loi du 20 décembre 2007 dispose : « L'article 1er de la présente loi est applicable à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie » ; que l'article 59 de la loi du 4 août 2014 insère dans la loi du 12 avril 2000 un nouvel article 16-2 ainsi rédigé : « Les correspondances des autorités administratives sont adressées aux usagers sous leur nom de famille, sauf demande expresse de la personne concernée de voir figurer son nom d'usage sur les correspondances qui lui sont adressées » ; que le paragraphe I de l'article 77 de la loi du 4 août 2014 dispose : « Les 1 ° et 2 ° du II et le IV de l'article 16, le 1 ° de l'article 17, les articles 23 à 25, 33 à 36, 39 à 41, 44, 50 et 52 à 60 sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française » ;

3. Considérant que la demande du président de la Polynésie française porte sur les mots « en Polynésie française » figurant au paragraphe I de l'article 30 de la loi du 20 décembre 2007 et sur les mots « en Polynésie française » figurant au paragraphe I de l'article 77 de la loi du 4 août 2014 en tant qu'ils rendent l'article 59 de cette loi applicable dans cette collectivité d'outre-mer ;

4. Considérant, d'une part, qu'en application du troisième alinéa de l'article 74 de la Constitution, les deuxième à onzième alinéas de l'article 7 de la loi organique du 27 février 2004 déterminent les matières pour lesquelles les dispositions législatives et réglementaires de l'État sont applicables de plein droit en Polynésie française ; qu'à ce titre, le 7 ° de cet article 7 mentionne les « droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations de l'État et de ses établissements publics ou avec celles des communes et de leurs établissements publics » ; que les règles relatives à l'abrogation des règlements illégaux ou sans objet et celles relatives aux correspondances avec les usagers relèvent des droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ; qu'il en résulte qu'en Polynésie française, les dispositions introduites dans la loi du 12 avril 2000 par le paragraphe I de l'article 30 de la loi du 20 décembre 2007 et celles introduites par le paragraphe I de l'article 77 de la loi du 4 août 2014 en tant que ce paragraphe vise l'article 59 de cette loi s'appliquent de plein droit aux actes administratifs des administrations de l'État et de ses établissements publics, ainsi qu'à ceux des administrations des communes et de leurs établissements publics ; que les mots « en Polynésie française » figurant au paragraphe I de l'article 30 de la loi du 20 décembre 2007 et les mots « en Polynésie française » figurant au paragraphe I de l'article 77 de la loi du 4 août 2014 en tant qu'il vise l'article 59 de cette loi n'ont pas d'autre objet que de rendre les dispositions relatives à l'abrogation des règlements et aux correspondances avec les usagers applicables aux administrations de la Polynésie française et de ses établissements publics ou des autres personnes publiques créées par elle ou des personnes de droit privé chargées par elle d'une mission de service public ;

5. Considérant, d'autre part, que l'article 13 de la loi organique du 27 février 2004 susvisée dispose : « Les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'État par l'article 14 et celles qui ne sont pas dévolues aux communes en vertu des lois et règlements applicables en Polynésie française » ; que les droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations de la Polynésie française et de ses établissements publics ne figurent pas au nombre des matières énumérées par l'article 14 de la loi organique du 27 février 2004 ; qu'ainsi, en rendant les dispositions de l'article 1er de la loi du 20 décembre 2007 applicables aux règlements des administrations de la Polynésie française et de ses établissements publics ou des autres personnes publiques créées par elle ou des personnes de droit privé chargées par elle d'une mission de service public et en rendant les dispositions de l'article 59 de la loi du 4 août 2014 applicables aux correspondances adressées aux usagers par les administrations de la Polynésie française et de ses établissements publics ou des autres personnes publiques créées par elle ou des personnes de droit privé chargées par elle d'une mission de service public, le législateur est intervenu dans une matière ressortissant à la compétence de la Polynésie française,

D É C I D E :

Article 1er.- Sont intervenus dans une matière ressortissant à la compétence de la Polynésie française :

  • les mots « en Polynésie française » figurant au paragraphe I de l'article 30 de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit ;
  • les mots « en Polynésie française » figurant au paragraphe I de l'article 77 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, en tant qu'ils rendent l'article 59 de cette loi applicable en Polynésie française.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 janvier 2015, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL, Lionel JOSPIN et Mme Nicole MAESTRACCI.

JORF n°0009 du 11 janvier 2015 page 494, texte n° 25
ECLI : FR : CC : 2015 : 2014.8.LOM

Les abstracts

  • 14. ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE
  • 14.4. ORGANISATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
  • 14.4.6. Collectivités d'outre-mer régies par l'article 74
  • 14.4.6.7. Règles particulières aux collectivités dotées de l'autonomie
  • 14.4.6.7.3. Procédure de déclassement par le Conseil constitutionnel (article 74, alinéa 9)
  • 14.4.6.7.3.1. Disposition législative dont le déclassement est demandé

Le président de la Polynésie française demande au Conseil constitutionnel de constater que les dispositions de l'article 1er et du paragraphe I de l'article 30 de la loi n°2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit et celles de l'article 59 et du paragraphe I de l'article 77 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes sont intervenues dans une matière ressortissant à la compétence de cette collectivité d'outre-mer en tant qu'elles s'appliquent aux administrations de la Polynésie française, de ses établissements publics ou des autres personnes publiques crées par elle ou des personnes de droit privé par elle chargées d'une mission de service public.
L'article 1er de la loi du 20 décembre 2007 insère dans la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations un nouvel article 16-1 ainsi rédigé : « L'autorité administrative est tenue, d'office ou à la demande d'une personne intéressée, d'abroger expressément tout règlement illégal ou sans objet, que cette situation existe depuis la publication du règlement ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ». Le paragraphe I de l'article 30  de la loi du 20 décembre 2007 dispose : « L'article 1er de la présente loi est applicable à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie ». L'article 59 de la loi du 4 août 2014 insère dans la loi du 12 avril 2000 un nouvel article 16-2 ainsi rédigé : « Les correspondances des autorités administratives sont adressées aux usagers sous leur nom de famille, sauf demande expresse de la personne concernée de voir figurer son nom d'usage sur les correspondances qui lui sont adressées ». Le paragraphe I de l'article 77 de la loi du 4 août 2014 dispose : « Les 1° et 2° du II et le IV de l'article 16, le 1° de l'article 17, les articles 23 à 25, 33 à 36, 39 à 41, 44, 50 et 52 à 60 sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française ».
La demande du président de la Polynésie française porte sur les mots « en Polynésie française » figurant au paragraphe I de l'article 30 de la loi du 20 décembre 2007 et sur les mots « en Polynésie française » figurant au paragraphe I de l'article 77 de la loi du 4 août 2014 en tant qu'ils rendent l'article 59 de cette loi applicable dans cette collectivité d'outre-mer.

(2014-8 LOM, 08 janvier 2015, cons. 1, 2, 3, JORF n°0009 du 11 janvier 2015 page 494, texte n° 25)
  • 14. ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE
  • 14.4. ORGANISATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
  • 14.4.6. Collectivités d'outre-mer régies par l'article 74
  • 14.4.6.7. Règles particulières aux collectivités dotées de l'autonomie
  • 14.4.6.7.3. Procédure de déclassement par le Conseil constitutionnel (article 74, alinéa 9)
  • 14.4.6.7.3.3. Matière ressortissant à la compétence de la collectivité d'outre-mer

D'une part, en application du troisième alinéa de l'article 74 de la Constitution, les deuxième à onzième alinéas de l'article 7 de la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 déterminent les matières pour lesquelles les dispositions législatives et réglementaires de l'État sont applicables de plein droit en Polynésie française. A ce titre, le 7° de cet article 7 mentionne les « droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations de l'État et de ses établissements publics ou avec celles des communes et de leurs établissements publics ». Les règles relatives à l'abrogation des règlements illégaux ou sans objet et celles relatives aux correspondances avec les usagers relèvent des droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration. Il en résulte qu'en Polynésie française, les dispositions introduites dans la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations par le paragraphe I de l'article 30 de la loi du 20 décembre 2007 et celles introduites par le paragraphe I de l'article 77 de la loi du 4 août 2014 en tant que ce paragraphe vise l'article 59 de cette loi s'appliquent de plein droit aux actes administratifs des administrations de l'État et de ses établissements publics, ainsi qu'à ceux des administrations des communes et de leurs établissements publics. Les mots « en Polynésie française » figurant au paragraphe I de l'article 30 de la loi du 20 décembre 2007 et les mots « en Polynésie française » figurant au paragraphe I de l'article 77 de la loi du 4 août 2014 en tant qu'il vise l'article 59 de cette loi n'ont pas d'autre objet que de rendre les dispositions relatives à l'abrogation des règlements et aux correspondances avec les usagers applicables aux administrations de la Polynésie française et de ses établissements publics ou des autres personnes publiques créées par elle ou des personnes de droit privé chargées par elle d'une mission de service public.
D'autre part, l'article 13 de la loi organique du 27 février 2004 dispose : « Les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'État par l'article 14 et celles qui ne sont pas dévolues aux communes en vertu des lois et règlements applicables en Polynésie française ». Les droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations de la Polynésie française et de ses établissements publics ne figurent pas au nombre des matières énumérées par l'article 14 de la loi organique du 27 février 2004. Ainsi, en rendant les dispositions de l'article 1er de la loi du 20 décembre 2007 applicables aux règlements des administrations de la Polynésie française et de ses établissements publics ou des autres personnes publiques créées par elle ou des personnes de droit privé chargées par elle d'une mission de service public et en rendant les dispositions de l'article 59 de la loi du 4 août 2014 applicables aux correspondances adressées aux usagers par les administrations de la Polynésie française et de ses établissements publics ou des autres personnes publiques créées par elle ou des personnes de droit privé chargées par elle d'une mission de service public, le législateur est intervenu dans une matière ressortissant à la compétence de la Polynésie française.

(2014-8 LOM, 08 janvier 2015, cons. 4, 5, JORF n°0009 du 11 janvier 2015 page 494, texte n° 25)
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