Décision

Décision n° 2013-4874 AN du 12 avril 2013

A.N., La Réunion (5ème circ.)
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la décision en date du 11 février 2013, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 14 février 2013 sous le numéro 2013-4874 AN, par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques saisit le Conseil constitutionnel de la situation de M. Éric-Alain FRUTEAU, demeurant à Saint-André (La Réunion), candidat aux élections qui se sont déroulées en juin 2012 dans la 5ème circonscription du département de la Réunion pour l'élection d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu les observations présentées pour M. FRUTEAU, par le cabinet MCL, avocat au barreau de Marseille, enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 1er mars 2013 ;

Vu les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son article 59 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1, L. 52-8 et L. 52-12 ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral : « À compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre » ; qu'aux termes de l'article L. 52-8 du même code : « Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » ; qu'aux termes de l'article L. 52-12 du même code : « Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection. . . » ;

2. Considérant que le compte de campagne de M. FRUTEAU, candidat aux élections qui se sont déroulées les 10 et 17 juin 2012 en vue de la désignation d'un député dans la 5ème circonscription de La Réunion, a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 11 février 2013 au motif que le bulletin municipal hors série de la commune de Saint-André, intitulé « Bilan mi-mandat 2008-2011 », daté du mois de décembre 2011, présentait un caractère électoral et qu'en conséquence, les frais y afférents, supportés par la commune, auraient dû être intégrés dans les dépenses de la campagne électorale de M. FRUTEAU et constituaient un don prohibé d'une personne morale ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le numéro hors-série du bulletin municipal de la commune de Saint-André, dont il n'est pas établi que sa diffusion serait antérieure au 1er décembre 2011, était exclusivement consacré à la présentation détaillée et flatteuse des différentes actions menées par M. FRUTEAU, maire de la commune, depuis le début de son mandat ; que la diffusion de ce bulletin à l'ensemble des habitants de la commune qui appartient à la circonscription dans laquelle M. FRUTEAU était candidat aux élections législatives se rattache ainsi directement à la promotion de ce dernier ; que la dépense qui en résulte, estimée à 35 871 euros, relève des frais visés à l'article L. 52-12 du code électoral et doit être réintégrée dans le compte du candidat ; que si cette dépense ne conduit pas au dépassement du plafond autorisé, sa prise en charge par la commune de Saint-André constitue néanmoins un avantage consenti par une personne morale en violation de l'article L. 52-8 du code électoral ; qu'eu égard à la nature et au montant de ce don prohibé, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. FRUTEAU ;

4. Considérant qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 du même code ; que pour apprécier s'il y a lieu, pour lui, de faire usage de la faculté de déclarer un candidat inéligible, il appartient au juge de l'élection de tenir compte de la nature de la règle méconnue, du caractère délibéré ou non du manquement, de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte et du montant des sommes en cause ;

5. Considérant qu'eu égard, d'une part, au caractère substantiel de l'obligation méconnue, dont M. FRUTEAU ne pouvait ignorer la portée et, d'autre part, au montant de la somme en cause, il y a lieu, en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral, de prononcer l'inéligibilité de M. FRUTEAU à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la date de la présente décision,

D É C I D E :

Article 1er.- M. Éric-Alain FRUTEAU est déclaré inéligible en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d'un an à compter de la présente décision.

Article 2.- La présente décision sera notifiée à M. FRUTEAU et au président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 11 avril 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.

Rendu public le 12 avril 2013.

JORF du 18 avril 2013 page 6848, texte n° 66
Recueil, p. 575
ECLI : FR : CC : 2013 : 2013.4874.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
  • 8.3.5.5.2. Dépenses devant figurer dans le compte
  • 8.3.5.5.2.2. Affiches, tracts, lettre circulaire

Il résulte de l'instruction que le numéro hors-série du bulletin municipal de la commune de Saint-André, dont il n'est pas établi que sa diffusion serait antérieure au 1er décembre 2011, était exclusivement consacré à la présentation détaillée et flatteuse des différentes actions menées par le candidat, maire de la commune, depuis le début de son mandat. La diffusion de ce bulletin à l'ensemble des habitants de la commune qui appartient à la circonscription dans laquelle il était candidat aux élections législatives se rattache ainsi directement à la promotion de ce dernier. La dépense qui en résulte, estimée à 35 871 euros, relève des frais visés à l'article L. 52-12 du code électoral et doit être réintégrée dans le compte du candidat. Si cette dépense ne conduit pas au dépassement du plafond autorisé, sa prise en charge par la commune de Saint-André constitue néanmoins un avantage consenti par une personne morale en violation de l'article L. 52-8 du code électoral. Eu égard à la nature et au montant de ce don prohibé, c'est à bon droit que la CNCCFP a rejeté le compte de campagne. Eu égard, d'une part, au caractère substantiel de l'obligation méconnue, dont le candidat ne pouvait ignorer la portée et, d'autre part, au montant de la somme en cause, il y a lieu, en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral, de prononcer l'inéligibilité du candidat à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la date de la décision.

(2013-4874 AN, 12 avril 2013, cons. 2, 3, 5, JORF du 18 avril 2013 page 6848, texte n° 66)
À voir aussi sur le site : Commentaire, Version PDF de la décision.
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