Décision

Décision n° 2013-4866 AN du 24 mai 2013

A.N., Nouvelle Calédonie (2ème circ.)
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la décision en date du 6 février 2013, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 12 février 2013 sous le numéro 2013-4866 AN, par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques saisit le Conseil constitutionnel de la situation de M. Jean-Pierre DJAÏWE, demeurant à Hienghène (Nouvelle-Calédonie), candidat aux élections qui se sont déroulées les 10 et 17 juin 2012 dans la 2ème circonscription de Nouvelle-Calédonie pour l'élection d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu les observations présentées pour M. DJAÏWE par M. Ghillebaert, enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 26 mars 2013 ;

Vu les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son article 59 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1 et, L. 52-8 et L. 52-12 ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant, qu'aux termes des quatre premiers alinéas de l'article L.O. 136-1 du code électoral : « Saisi d'une contestation formée contre l'élection ou dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales.
« Saisi dans les mêmes conditions, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12.
« Il prononce également l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.
« L'inéligibilité déclarée sur le fondement des trois premiers alinéas du présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision » ;

2. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral : « Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagnés des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. Le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés ; celui-ci met le compte de campagne en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises » ; que le deuxième alinéa de l'article L. 52-4 du même code prévoit que seul le mandataire financier recueille les fonds destinés au financement de la campagne ;

3. Considérant que la première phrase de l'article L. 52-10 du code électoral prévoit que l'association de financement électorale ou le mandataire financier du candidat à une élection à laquelle l'article L. 52-4 est applicable délivre un reçu à toute personne physique effectuant un don conformément à l'article L. 52-8 du code électoral ; que le troisième alinéa de l'article R. 39-1 du code électoral prévoit que « la souche et le reçu mentionnent le montant et la date du versement ainsi que l'identité et l'adresse du domicile fiscal du donateur. Le reçu est signé par le donateur » ;

4. Considérant que le compte de campagne de M. DJAÏWE, candidat aux élections qui se sont déroulées les 10 et 17 juin 2012 en vue de la désignation d'un député dans la 2ème circonscription de Nouvelle-Calédonie, a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 6 février 2013 au motif qu'une partie des recettes n'a pas été recueillie directement par le mandataire financier, qu'une partie des dons reçus par le candidat n'est pas justifiée, de nombreux reçus-dons utilisés ne portant notamment pas mention du montant du don et qu'un don émane d'une entreprise ;

5. Considérant que la circonstance que des dons n'ont pas été recueillis directement par le mandataire financier en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral est établie ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, sur les vingt-deux reçus utilisés, seize ne comportent pas de montant du don en méconnaissance des dispositions des articles L. 52-10 et R. 39-1 du code électoral ; que trois donateurs identifiés sur les reçus-dons ne font pas partie de la liste des donateurs jointe à l'annexe du compte de campagne ; que pour certains des dons, aucun justificatif des recettes inscrites au compte de campagne n'a été produit par M. DJAÏWE ; que le compte de campagne de M. DJAÏWE méconnaît donc les dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral ;

7. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » ;

8. Considérant qu'il est établi que M. DJAÏWE a bénéficié d'un don de la part d'une personne morale ; que, M. DJAÏWE affirme que ce don constituait le réemploi, par un donateur personne physique, d'un chèque à lui remis par une entreprise en rémunération d'une prestation ; que, toutefois, il n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de cette allégation ; que M. DJAÏWE doit, dans ces conditions, être regardé comme ayant bénéficié, de la part d'une personne morale, d'un avantage prohibé par l'article L. 52-8 du code électoral ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. DJAÏWE ;

10. Considérant qu'eu égard, d'une part, au caractère substantiel des obligations méconnues, dont M. DJAÏWE ne pouvait ignorer la portée, et, d'autre part, du cumul des irrégularités il y a lieu, en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral, de prononcer l'inéligibilité de M. DJAÏWE à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la date de la présente décision,

D É C I D E :

Article 1er.- M. Jean-Pierre DJAÏWE est déclaré inéligible en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.

Article 2.- La présente décision sera notifiée à M. DJAÏWE et au président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 mai 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.

Rendu public le 24 mai 2013.

JORF du 28 mai 2013 page 8762, texte n° 73
Recueil, p. 781
ECLI : FR : CC : 2013 : 2013.4866.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.2. Établissement d'un compte de campagne
  • 8.3.5.2.4. Conditions du dépôt
  • 8.3.5.2.4.5. Absence de pièces justificatives : inéligibilité

Le compte de campagne du candidat aux élections législatives de juin, a été rejeté par la CNCCFP au motif, notamment, qu'une partie des dons reçus par le candidat n'est pas justifiée.
Eu égard, d'une part, au caractère substantiel des obligations méconnues, dont le candidat ne pouvait ignorer la portée, et, d'autre part, du cumul des irrégularités il y a lieu, en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral, de prononcer son inéligibilité à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la date de la décision.

(2013-4866 AN, 24 mai 2013, cons. 4, 5, 6, 10, JORF du 28 mai 2013 page 8762, texte n° 73)
À voir aussi sur le site : Commentaire, Version PDF de la décision.
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