Décision

Décision n° 2013-4865 AN du 24 mai 2013

A.N., Corse-du-sud (2ème circ.)
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la décision en date du 4 février 2013, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 12 février 2013 sous le numéro 2013-4865 AN, par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques saisit le Conseil constitutionnel de la situation de M. Paul-Marie BARTOLI, demeurant à Propriano (Corse-du-Sud), candidat aux élections qui se sont déroulées en juin 2012 dans la 2ème circonscription de Corse-du-Sud pour l'élection d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu les observations présentées pour M. BARTOLI par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 19 mars et le 19 avril 2013 ;

Vu les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son article 59 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1, L. 52-4, L. 52-8 et L. 52-12 ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que, pour rejeter le compte de campagne de M. BARTOLI, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a retenu deux irrégularités tirées de la méconnaissance combinée des dispositions de l'article L. 52-12 et de l'article L. 52-8 du code électoral, d'une part, de celles des dispositions de son article L. 52-4, d'autre part ;

2. Considérant, en premier lieu, que selon le premier alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral, chaque candidat soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle, par lui-même ou pour son compte au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. ; que ce compte doit, en vertu des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 52-12, être accompagné de justificatifs de recettes, ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte ; que, par ailleurs, l'article L. 52-8 du même code prévoit, à son premier alinéa, que les dons consentis par une personne physique dûment identifiée pour le financement de la campagne d'un ou plusieurs candidats lors des mêmes élections ne peuvent excéder 4 600 euros et, à son troisième alinéa, que tout don de plus de 150 euros consenti à un candidat en vue de sa campagne doit être versé par chèque, virement, prélèvement automatique ou carte bancaire ;

3. Considérant que, par un courrier en date du 4 décembre 2012, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a demandé à M. BARTOLI de justifier que des versements en espèces d'un montant total de 12 425 euros sur son compte de campagne provenaient, ainsi qu'il en avait fait état, d'un apport personnel et l'a informé qu'il encourait à défaut le rejet de son compte ; qu'ainsi, même s'il ne mentionnait pas les dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral, ce courrier mettait suffisamment M. BARTOLI à même de comprendre qu'à défaut de satisfaire à cette demande, il serait confronté aux règles du code électoral encadrant les dons effectués en faveur des candidats ; que, dès lors, le moyen tiré du non-respect du caractère contradictoire de la procédure devant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques manque en fait ;

4. Considérant que, pour justifier de l'origine personnelle des versements en espèces effectués sur son compte de campagne, M. BARTOLI a indiqué devant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques que ces sommes provenaient, à hauteur de 10 500 euros, de retraits qu'il avait effectués sur le compte bancaire de sa tante, sur lequel il disposait d'une procuration, car celle-ci, hébergée chez lui à la fin de sa vie, souhaitait contribuer aux charges de son entretien ; que si M. BARTOLI soutient en conséquence que ces sommes étaient entrées dans son patrimoine personnel et qu'il avait choisi d'en disposer pour les besoins de sa campagne électorale, il ne produit aucun élément retraçant la volonté de sa tante de lui permettre de prélever régulièrement des espèces sur son compte dans ce but et à hauteur des sommes en cause ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a estimé que le compte de M. BARTOLI ne pouvait être regardé comme comportant, ainsi que l'exige l'article L. 52-12 du code électoral, une description sincère et probante de l'origine des sommes déclarées constituant son apport personnel et que cet apport provenait en grande partie de dons consentis par une personne physique en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-8 du même code ; que cette irrégularité justifie à elle seule le rejet de son compte ;

5. Considérant, en second lieu, que le troisième alinéa de l'article L. 52-4 du code électoral dispose que le mandataire financier règle les dépenses engagées en vue de l'élection ; que si, pour des raisons pratiques, il peut être toléré qu'un candidat règle directement des menues dépenses postérieurement à la désignation de son mandataire, ce n'est que dans la mesure où leur montant global est faible par rapport au total des dépenses de campagne et négligeable au regard du plafond des dépenses ;

6. Considérant que la Commission nationale des comptes de campagne a également relevé que M. BARTOLI avait payé directement 3 707 euros de dépenses, soit 17,68 % de leur montant total et 6 % du plafond des dépenses ; qu'elle en a déduit qu'il avait méconnu la règle posée par le troisième alinéa de l'article L. 52-4 du code électoral ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, notamment des factures et des éléments explicatifs fournis par le candidat devant le Conseil constitutionnel, qu'à hauteur de 3 428,55 euros, ces règlements directs correspondent à des dépenses de restauration effectuées, entre avril et juin 2012, pour lui et certains de ses proches collaborateurs ; que de tels frais, qui ne peuvent être regardés comme des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, n'avaient donc pas à être retracés dans son compte de campagne ; qu'après déduction de ces dépenses, les dépenses de ce compte s'établissaient à 17 255 euros ; que le reliquat des dépenses réglées directement par M. BARTOLI, d'un montant de 293,20 euros, représente 1,7 % des dépenses engagées et 0,48 % du plafond ; que leur montant est donc faible par rapport à celui des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond des dépenses autorisées, fixé à 61 354 euros pour l'élection considérée ; que dans ces conditions, l'irrégularité commise par le candidat au regard des exigences de l'article L. 52-4 du code électoral ne justifie pas le rejet de son compte ;

7. Considérant qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 du même code ; que pour apprécier s'il y a lieu, pour lui, de faire usage de la faculté de déclarer un candidat inéligible, il appartient au juge de l'élection de tenir compte de la nature de la règle méconnue, du caractère délibéré ou non du manquement, de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte et du montant des sommes en cause ;

8. Considérant qu'eu égard, d'une part, au caractère substantiel des obligations méconnues, dont M. BARTOLI ne pouvait ignorer la portée et, d'autre part, au montant des recettes versées à son compte de campagne dont il n'a pas justifié l'origine, il y a lieu, en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral, de prononcer son inéligibilité à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la date de la présente décision,

D É C I D E :

Article 1er.- M. Paul-Marie BARTOLI est déclaré inéligible en application de l'article LO 136-1 du code électoral pour une durée d'un an à compter de la présente décision.

Article 2.- La présente décision sera notifiée à M. BARTOLI et au président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 mai 2013 ou siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.

Rendu public le 24 mai 2013.

JORF du 28 mai 2013 page 8761, texte n° 72
Recueil, p. 778
ECLI : FR : CC : 2013 : 2013.4865.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.2. Établissement d'un compte de campagne
  • 8.3.5.2.4. Conditions du dépôt
  • 8.3.5.2.4.5. Absence de pièces justificatives : inéligibilité

Le compte de campagne a été rejeté par la CNCCFP au motif que le compte de campagne déposé par le candidat n'a pas été accompagné des justificatifs et notamment des relevés bancaires du compte ouvert par son mandataire financier. Cette circonstance est établie. Par suite, c'est à bon droit que la CNCCFP a constaté que le compte de campagne n'a pas été présenté dans les conditions prévues par l'article L. 52-12 du code électoral.
Pour apprécier s'il y a lieu, pour lui, de faire usage de la faculté prévue par le deuxième alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, de déclarer un candidat inéligible, il appartient au juge de l'élection de tenir compte de la nature de la règle méconnue, du caractère délibéré ou non du manquement, de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte et du montant des sommes en cause.
Il ne résulte pas de l'instruction que le candidat son mandataire a pris les dispositions nécessaires pour que son compte soit présenté dans les conditions prévues par l'article L. 52-12 du code électoral. Il y a lieu, par suite, de prononcer son l'inéligibilité à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la date de la décision.

(2013-4865 AN, 24 mai 2013, cons. 1, 2, 3, 4, 5, JORF du 28 mai 2013 page 8761, texte n° 72)
À voir aussi sur le site : Commentaire, Version PDF de la décision.
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