Décision

Décision n° 2013-4820 AN du 24 mai 2013

A.N., Seine-et-Marne (2ème circ.)
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le numéro 2013-4820 A.N. le 31 janvier 2013, la décision en date du 24 janvier 2013 par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques saisit le Conseil constitutionnel de la situation de M. Jean-François ROBINET, demeurant à Samois-sur-Seine (Seine-et-Marne), candidat à l'élection législative qui a eu lieu les 10 et 17 juin 2012 dans la 2ème circonscription du département de Seine-et-Marne ;

Vu les observations produites par M. ROBINET, enregistrées comme ci-dessus les 5, 9 et 11 avril 2013 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 59 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1, L. 52-4 et L. 52-12 ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 52-12 du code électoral : « Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. La même obligation incombe au candidat ou au candidat tête de liste dès lors qu'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8 du présent code selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts. Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord de celui-ci, par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit » ; que l'article L. 52-15 prévoit que la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques saisit le juge de l'élection notamment lorsqu'elle rejette le compte ; que l'article L.O. 136-1 dispose qu'alors le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions prescrites à l'article L. 52-12.
« Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. Le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés ; celui-ci met le compte de campagne en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n'est pas nécessaire lorsque aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne. Dans ce cas, le mandataire établit une attestation d'absence de dépense et de recette. Cette présentation n'est pas non plus nécessaire lorsque le candidat ou la liste dont il est tête de liste a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés et qu'il n'a pas bénéficié de dons de personnes physiques selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts » ;

2. Considérant que le compte de campagne de M. ROBINET, candidat aux élections qui se sont déroulées les 10 et 17 juin 2012 en vue de la désignation d'un député dans la 2ème circonscription de Seine-et-Marne, a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 24 janvier 2013 pour défaut de présentation du compte par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés ; que la Commission a également constaté que le compte était présenté en déficit et n'était pas accompagné des justificatifs de dépenses et de recettes ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le compte de campagne déposé par M. ROBINET le 10 août 2012 sans la certification par un expert comptable présentait 11 000 euros de recettes, provenant exclusivement de dons, et 21 965 euros de dépenses ; que, par suite, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne a estimé que le compte de M. ROBINET n'avait pas été déposé dans les conditions prévues par l'article L. 52-12 du code électoral ;

4. Considérant que le compte déposé le 11 avril 2013 par un expert comptable est présenté en équilibre ; qu'il s'élève à 14 287,5 euros ; que, toutefois, les recettes comprennent 7 500 euros de dons ; que les deux comptes déposés successivement diffèrent pour chacun des postes de dépenses ; que l'examen du nouveau compte révèle que l'équilibre du compte repose sur des versements postérieurs au dépôt du compte ; que, par suite, le compte de campagne de M. ROBINET ne peut être regardé comme ayant été déposé dans les conditions prévues par l'article L. 52-12 du code électoral ;

5. Considérant, en outre, qu'il ressort du compte de campagne déposé le 11 avril 2013 que 6 087,53 euros de dépenses ont été exposés directement par le candidat ; qu'ainsi, le candidat a exposé directement, sans passer par l'intermédiaire de son mandataire financier, des sommes représentant plus de 42 % du total des dépenses exposées et 8,7 % du montant total des dépenses autorisées, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-4 du code électoral ;

6. Considérant qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 du même code ; que pour apprécier s'il y a lieu, pour lui, de faire usage de la faculté de déclarer un candidat inéligible, il appartient au juge de l'élection de tenir compte de la nature de la règle méconnue, du caractère délibéré ou non du manquement, de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte et du montant des sommes en cause ;

7. Considérant qu'en égard à l'importance et au nombre des irrégularités affectant le compte de campagne de M. ROBINET, il y a lieu de prononcer son inéligibilité à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision,

D É C I D E :

Article 1er.- M. Jean-François ROBINET est déclaré inéligible en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.

Article 2.- La présente décision sera notifiée à M. ROBINET et au président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 mai 2013 où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.

Rendu public le 24 mai 2013.

JORF du 28 mai 2013 page 8759, texte n° 70
Recueil, p. 773
ECLI : FR : CC : 2013 : 2013.4820.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.2. Établissement d'un compte de campagne
  • 8.3.5.2.4. Conditions du dépôt
  • 8.3.5.2.4.2. Absence de certification par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés : inéligibilité

Il résulte de l'instruction que le compte de campagne du candidat aux élections législatives de juin 2012, déposé le 10 août 2012 sans la certification par un expert comptable, présentait 11 000 euros de recettes, provenant exclusivement de dons, et 21 965 euros de dépenses. Il n'était pas accompagné des justificatifs de l'ensemble des dépenses et des recettes.
Le candidat a déposé un nouveau compte le 11 avril 2013, présenté par un expert comptable, et en équilibre. Il s'élève à 14 287,5 euros. Toutefois, les recettes comprennent 7 500 euros de dons. Les deux comptes déposés successivement diffèrent pour chacun des postes de dépenses. L'examen du nouveau compte révèle que l'équilibre du compte repose sur des versements postérieurs au dépôt du compte. Par suite, le compte de campagne ne peut être regardé comme ayant été déposé dans les conditions prévues par l'article L. 52-12 du code électoral. Eu égard à l'importance et au nombre des irrégularités affectant le compte de campagne, il y a lieu de prononcer l'inéligibilité du candidat à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.

(2013-4820 AN, 24 mai 2013, cons. 2, 3, 4, 7, JORF du 28 mai 2013 page 8759, texte n° 70)

Il résulte de l'instruction que le compte de campagne du candidat aux élections législatives de juin 2012, déposé le 10 août 2012 sans la certification par un expert comptable, présentait 11 000 euros de recettes, provenant exclusivement de dons, et 21 965 euros de dépenses. Il n'était pas accompagné des justificatifs de l'ensemble des dépenses et des recettes.
Le candidat a déposé un nouveau compte le 11 avril 2013, présenté par un expert comptable, et en équilibre. Il s'élève à 14 287,5 euros. Toutefois, les recettes comprennent 7 500 euros de dons. Les deux comptes déposés successivement diffèrent pour chacun des postes de dépenses. L'examen du nouveau compte révèle que l'équilibre du compte repose sur des versements postérieurs au dépôt du compte. Par suite, le compte de campagne ne peut être regardé comme ayant été déposé dans les conditions prévues par l'article L. 52-12 du code électoral. Eu égard à l'importance et au nombre des irrégularités affectant le compte de campagne, il y a lieu de prononcer l'inéligibilité du candidat à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.

(2013-4820 AN, 24 mai 2013, JORF du 28 mai 2013 page 8759, texte n° 70)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.2. Établissement d'un compte de campagne
  • 8.3.5.2.4. Conditions du dépôt
  • 8.3.5.2.4.5. Absence de pièces justificatives : inéligibilité

Le compte de campagne a été rejeté par la CNCCFP au motif que le compte de campagne déposé par le candidat n'a pas été accompagné des justificatifs et notamment des relevés bancaires du compte ouvert par son mandataire financier. Cette circonstance est établie. Par suite, c'est à bon droit que la CNCCFP a constaté que le compte de campagne n'a pas été présenté dans les conditions prévues par l'article L. 52-12 du code électoral.
Pour apprécier s'il y a lieu, pour lui, de faire usage de la faculté prévue par le deuxième alinéa de l'article L.O. 136-1 du code électoral, de déclarer un candidat inéligible, il appartient au juge de l'élection de tenir compte de la nature de la règle méconnue, du caractère délibéré ou non du manquement, de l'existence éventuelle d'autres motifs d'irrégularité du compte et du montant des sommes en cause.
Il ne résulte pas de l'instruction que le candidat son mandataire a pris les dispositions nécessaires pour que son compte soit présenté dans les conditions prévues par l'article L. 52-12 du code électoral. Il y a lieu, par suite, de prononcer son l'inéligibilité à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la date de la décision.

(2013-4820 AN, 24 mai 2013, cons. 1, 2, 3, 4, 5, JORF du 28 mai 2013 page 8759, texte n° 70)
À voir aussi sur le site : Commentaire, Version PDF de la décision.
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