Décision

Décision n° 2013-356 QPC du 29 novembre 2013

M. Christophe D. [Prorogation de compétence de la cour d'assises des mineurs en cas de connexité ou d'indivisibilité]
Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 septembre 2013 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 4345 du 25 septembre 2013), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Christophe D., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de la dernière « proposition » de la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 9 et de la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 20 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites pour le requérant par Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 21 octobre et 6 novembre 2013 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 22 octobre 2013 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Spinosi pour le requérant, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 19 novembre 2013 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que la dernière phrase de l'avant dernier alinéa de l'article 9 de l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante est relative aux mineurs accusés de crime ; qu'elle dispose : « les mineurs âgés de moins de seize ans seront renvoyés devant le tribunal pour enfants, sauf s'ils sont également accusés d'un crime commis après seize ans formant avec les faits commis avant seize ans un ensemble connexe ou indivisible et que le juge d'instruction décide, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de les renvoyer devant la cour d'assises des mineurs » ;

2. Considérant que l'article 20 de cette même ordonnance prévoit que le mineur âgé de seize ans au moins, accusé de crime sera jugé par la cour d'assises des mineurs ; qu'aux termes de la seconde phrase du premier alinéa de cet article : « La cour d'assises des mineurs peut également connaître des crimes et délits commis par le mineur avant d'avoir atteint l'âge de seize ans révolus lorsqu'ils forment avec le crime principalement poursuivi un ensemble connexe ou indivisible » ;

3. Considérant que, selon le requérant, en conférant au juge d'instruction le pouvoir discrétionnaire de renvoyer le mineur mis en examen pour des faits constituant un ensemble connexe ou indivisible commis avant et après l'âge de seize ans, soit devant le tribunal pour enfants pour les faits commis avant l'âge de seize ans et devant la cour d'assises des mineurs pour les crimes commis à partir de cet âge, soit uniquement devant cette juridiction pour l'ensemble des infractions, ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant la justice, l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, le droit à un procès équitable, le principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs et la présomption d'innocence ;

- SUR LES GRIEFS TIRÉS DE L'ATTEINTE AU PRINCIPE D'ÉGALITÉ DEVANT LA JUSTICE ET DE LA MÉCONNAISSANCE DE L'OBJECTIF DE VALEUR CONSTITUTIONNELLE DE BONNE ADMINISTRATION DE LA JUSTICE :

4. Considérant que, d'une part, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que son article 16 dispose : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties ;

5. Considérant que, d'autre part, la bonne administration de la justice constitue un objectif de valeur constitutionnelle qui résulte des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration de 1789 ;

6. Considérant que, lorsqu'un mineur est accusé d'avoir commis des faits constituant un crime commis après seize ans et formant un ensemble connexe ou indivisible avec d'autres faits commis avant cet âge constituant un crime ou un délit, les dispositions contestées permettent au juge d'instruction de décider, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de renvoyer les crimes et délits que ce mineur est accusé d'avoir commis avant l'âge de seize ans soit devant la cour d'assises des mineurs en même temps que les crimes qu'il est accusé d'avoir commis à partir de cet âge, soit, distinctement, devant le tribunal pour enfants ;

7. Considérant qu'en adoptant ces dispositions le législateur a entendu éviter que dans le cas où un ensemble de faits connexes ou indivisibles reprochés à un mineur ont été commis avant et après l'âge de seize ans, ils donnent lieu à deux procès successifs d'une part, devant le tribunal pour enfants, d'autre part, devant la cour d'assises des mineurs ; qu'il a ainsi visé un objectif de bonne administration de la justice ;

8. Considérant que selon la Cour de cassation, l'indivisibilité suppose que les faits soient rattachés entre eux par un lien tel que l'existence des uns ne se comprendrait pas sans l'existence des autres ; que la connexité est définie par l'article 203 du code de procédure pénale aux termes duquel : « Les infractions sont connexes soit lorsqu'elles ont été commises en même temps par plusieurs personnes réunies, soit lorsqu'elles ont été commises par différentes personnes, même en différents temps et en divers lieux, mais par suite d'un concert formé à l'avance entre elles, soit lorsque les coupables ont commis les unes pour se procurer les moyens de commettre les autres, pour en faciliter, pour en consommer l'exécution ou pour en assurer l'impunité, soit lorsque des choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit ont été, en tout ou partie, recelées » ; que selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, la connexité est également reconnue lorsqu'il existe entre les diverses infractions des rapports étroits analogues à ceux que la loi a spécialement prévus ;

9. Considérant en premier lieu, que le choix par le juge d'instruction de procéder ou non au renvoi du mineur devant la cour d'assises des mineurs pour les faits qu'il lui est reproché d'avoir commis avant l'âge de seize ans en même temps que pour les faits commis après cet âge dépend de considérations objectives propres à chaque espèce et notamment de la nature des faits, de leur nombre, de la date de leur commission, de leurs circonstances, du nombre et de la situation des victimes, de l'existence et de l'âge de co-accusés qui caractérisent un lien d'indivisibilité ou de connexité et permettent d'apprécier l'intérêt d'une bonne administration de la justice ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que l'ordonnance de règlement par laquelle le juge d'instruction renvoie le mineur devant la cour d'assises des mineurs ou le tribunal pour enfants est prise après réquisitions du ministère public et observations des parties selon les modalités prévues par l'article 175 du code de procédure pénale ; que l'article 184 du même code impose que cette ordonnance soit motivée ; que l'ordonnance de renvoi devant la cour d'assises est susceptible d'appel ; que la chambre de l'instruction se prononce tant sur le caractère connexe ou indivisible des infractions reprochées au mineur constaté par le juge d'instruction, que sur l'intérêt d'une bonne administration de la justice apprécié par ce juge ; que l'arrêt de la chambre de l'instruction statuant sur ces ordonnances de règlement et notamment sur la prorogation de compétence de la cour d'assises des mineurs peut être frappé de pourvoi en cassation ;

11. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions contestées sont sans effet sur l'obligation, pour les juridictions de jugement saisies, de respecter les droits de la défense et sur les peines, les mesures de surveillance et les mesures éducatives qui peuvent être prononcées ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées sont conformes aux articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789 ; que la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ;

- SUR LES AUTRES GRIEFS :

13. Considérant, d'une part, que l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle ; que ces principes trouvent notamment leur expression dans la loi du 12 avril 1906 sur la majorité pénale des mineurs, la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante ; que, toutefois, la législation républicaine antérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution de 1946 ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes ou les sanctions devraient toujours être évitées au profit de mesures purement éducatives ; qu'en particulier, les dispositions originelles de l'ordonnance du 2 février 1945 n'écartaient pas la responsabilité pénale des mineurs et n'excluaient pas, en cas de nécessité, que fussent prononcées à leur égard des mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue ou, pour les mineurs de plus de treize ans, la détention ; que telle est la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs ;

14. Considérant que les dispositions contestées fixent des règles relatives à la répartition des poursuites entre le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs à l'issue de la procédure d'instruction ; que ces dispositions ne peuvent conduire à ce qu'un mineur soit jugé par une juridiction autre que celles qui sont spécialement instituées pour connaître de la délinquance des mineurs ; que les dérogations qu'elles prévoient à la compétence du tribunal pour enfants et à la cour d'assises des mineurs sont limitées et justifiées par l'intérêt d'une bonne administration de la justice ; que, par suite, le grief tiré d'une atteinte au principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs doit être écarté ;

15. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'article 9 de la Déclaration de 1789 que le principe de la présomption d'innocence doit être respecté à l'égard des mineurs comme des majeurs ; que, toutefois, la possibilité que des faits connexes ou indivisibles soient jugés successivement par des juridictions différentes n'a pas pour effet d'entraîner un renversement de la charge de la preuve des faits soumis à l'examen de la juridiction appelée à statuer après que la première juridiction s'est prononcée ; que, par suite, les dispositions contestées ne méconnaissent pas la présomption d'innocence ;

16. Considérant que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution,

D É C I D E :

Article 1er.- La dernière phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 9 et la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 20 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante sont conformes à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance 28 novembre 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.

Rendu public le 29 novembre 2013.

JORF du 1 décembre 2013 page 19602, texte n° 29
Recueil, p. 1048
ECLI : FR : CC : 2013 : 2013.356.QPC

Les abstracts

  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.7. OBJECTIFS DE VALEUR CONSTITUTIONNELLE
  • 1.7.1. Retenus
  • 1.7.1.10. Bonne administration de la justice

La bonne administration de la justice constitue un objectif de valeur constitutionnelle qui résulte des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration de 1789.

(2013-356 QPC, 29 novembre 2013, cons. 5, JORF du 1 décembre 2013 page 19602, texte n° 29)

La bonne administration de la justice constitue un objectif de valeur constitutionnelle qui résulte des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration de 1789.

(2013-356 QPC, 29 novembre 2013, JORF du 1 décembre 2013 page 19602, texte n° 29)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.1. NOTION DE " DROITS ET LIBERTÉS QUE LA CONSTITUTION GARANTIT " (art. 61-1)
  • 4.1.7. Normes de référence ou éléments non pris en considération
  • 4.1.7.5. Objectifs de valeur constitutionnelle

La méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, qui découle des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution.

(2013-356 QPC, 29 novembre 2013, cons. 12, JORF du 1 décembre 2013 page 19602, texte n° 29)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.6. Justice pénale des mineurs
  • 4.23.6.1. Existence d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs

L'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle. Ces principes trouvent notamment leur expression dans la loi du 12 avril 1906 sur la majorité pénale des mineurs, la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante. Toutefois, la législation républicaine antérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution de 1946 ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes ou les sanctions devraient toujours être évitées au profit de mesures purement éducatives. En particulier, les dispositions originelles de l'ordonnance du 2 février 1945 n'écartaient pas la responsabilité pénale des mineurs et n'excluaient pas, en cas de nécessité, que fussent prononcées à leur égard des mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue ou, pour les mineurs de plus de treize ans, la détention. Telle est la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs.

(2013-356 QPC, 29 novembre 2013, cons. 13, JORF du 1 décembre 2013 page 19602, texte n° 29)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.6. Justice pénale des mineurs
  • 4.23.6.2. Contrôle des mesures propres à la justice pénale des mineurs
  • 4.23.6.2.3. Contrôle sur le fondement du principe fondamental
  • 4.23.6.2.3.2. Autres dispositions

Les dispositions contestées des articles 9 et 20 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante fixent des règles relatives à la répartition des poursuites entre le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs à l'issue de la procédure d'instruction. Ces dispositions ne peuvent conduire à ce qu'un mineur soit jugé par une juridiction autre que celles qui sont spécialement instituées pour connaître de la délinquance des mineurs. Les dérogations qu'elles prévoient à la compétence du tribunal pour enfants et à la cour d'assises des mineurs sont limitées et justifiées par l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Absence de méconnaissance du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs.

(2013-356 QPC, 29 novembre 2013, cons. 14, JORF du 1 décembre 2013 page 19602, texte n° 29)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.23. PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE
  • 4.23.8. Présomption d'innocence
  • 4.23.8.1. Régime

La possibilité que des faits connexes ou indivisibles soient jugés successivement par des juridictions différentes n'a pas pour effet d'entraîner un renversement de la charge de la preuve des faits soumis à l'examen de la juridiction appelée à statuer après que la première juridiction s'est prononcée. Par suite, les dispositions contestées ne méconnaissent pas la présomption d'innocence.

(2013-356 QPC, 29 novembre 2013, cons. 15, JORF du 1 décembre 2013 page 19602, texte n° 29)
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.2. ÉGALITÉ DEVANT LA JUSTICE
  • 5.2.3. Juridictions
  • 5.2.3.1. Composition et compétence des juridictions
  • 5.2.3.1.3. Cour d'assises ou tribunal correctionnel compétents pour certaines infractions

Si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties.
Lorsqu'un mineur est accusé d'avoir commis des faits constituant un crime commis après seize ans et formant un ensemble connexe ou indivisible avec d'autres faits commis avant cet âge constituant un crime ou un délit, les dispositions contestées des articles 9 et 20 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante permettent au juge d'instruction de décider, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de renvoyer les crimes et délits que ce mineur est accusé d'avoir commis avant l'âge de seize ans soit devant la cour d'assises des mineurs en même temps que les crimes qu'il est accusé d'avoir commis à partir de cet âge, soit, distinctement, devant le tribunal pour enfants. En adoptant ces dispositions le législateur a entendu éviter que dans le cas où un ensemble de faits connexes ou indivisibles reprochés à un mineur ont été commis avant et après l'âge de seize ans, ils donnent lieu à deux procès successifs d'une part, devant le tribunal pour enfants, d'autre part, devant la cour d'assises des mineurs. Il a ainsi visé un objectif de bonne administration de la justice.
En premier lieu, le choix par le juge d'instruction de procéder ou non au renvoi du mineur devant la cour d'assises des mineurs pour les faits qu'il lui est reproché d'avoir commis avant l'âge de seize ans en même temps que pour les faits commis après cet âge dépend de considérations objectives propres à chaque espèce et notamment de la nature des faits, de leur nombre, de la date de leur commission, de leurs circonstances, du nombre et de la situation des victimes, de l'existence et de l'âge de co-accusés qui caractérisent un lien d'indivisibilité ou de connexité et permettent d'apprécier l'intérêt d'une bonne administration de la justice.
En deuxième lieu, l'ordonnance de règlement par laquelle le juge d'instruction renvoie le mineur devant la cour d'assises des mineurs ou le tribunal pour enfants est prise après réquisitions du ministère public et observations des parties selon les modalités prévues par l'article 175 du code de procédure pénale. L'article 184 du même code impose que cette ordonnance soit motivée. L'ordonnance de renvoi devant la cour d'assises est susceptible d'appel. La chambre de l'instruction se prononce tant sur le caractère connexe ou indivisible des infractions reprochées au mineur constaté par le juge d'instruction, que sur l'intérêt d'une bonne administration de la justice apprécié par ce juge. L'arrêt de la chambre de l'instruction statuant sur ces ordonnances de règlement et notamment sur la prorogation de compétence de la cour d'assises des mineurs peut être frappé de pourvoi en cassation.
En troisième lieu, les dispositions contestées sont sans effet sur l'obligation, pour les juridictions de jugement saisies, de respecter les droits de la défense et sur les peines, les mesures de surveillance et les mesures éducatives qui peuvent être prononcées.
En conséquence, le principe d'égalité devant la justice n'est pas méconnu.

(2013-356 QPC, 29 novembre 2013, cons. 6, 7, 8, 9, 10, 11, JORF du 1 décembre 2013 page 19602, texte n° 29)
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