Décision

Décision n° 2012-4715 AN du 1er mars 2013

A.N., Haute-Vienne (2ème circ.)
Non lieu à prononcer l'inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la décision en date du 26 novembre 2012, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 3 décembre 2012 sous le numéro 2012-4715 AN, par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques saisit le Conseil constitutionnel de la situation de M. Daniel BOISSERIE, demeurant à Saint-Yrieix-la-Perche (Haute-Vienne), candidat aux élections qui se sont déroulées en juin 2012 dans la 2ème circonscription du département de la Haute-Vienne pour l'élection d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu les observations présentées pour M. BOISSERIE par la SELARL Carbonnier Lamaze Rasle et associés, avocat au barreau de Paris, enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel les 21 décembre 2012, 18 et 25 février 2013 ;

Vu les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;

Vu la Constitution, notamment son article 59 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1 et L. 52-8 ;

Vu le code de la sécurité sociale, notamment son article L. 136-2 ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

M. BOISSERIE et son conseil ayant été entendus ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant, qu'aux termes des cinq premiers alinéas de l'article L.O. 136-1 du code électoral : « Saisi d'une contestation formée contre l'élection ou dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52 15, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales.
« Saisi dans les mêmes conditions, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12.
« Il prononce également l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.
« L'inéligibilité déclarée sur le fondement des trois premiers alinéas du présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision.
« Lorsque le Conseil constitutionnel a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office » ;

2. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » ;

3. Considérant que le compte de campagne de M. BOISSERIE, candidat aux élections qui se sont déroulées les 10 et 17 juin 2012 en vue de la désignation d'un député dans la 2ème circonscription de la Haute-Vienne, a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans sa décision du 26 novmebre 2012 au motif qu'a été portée en recettes dans son compte de campagne au titre de son apport personnel la somme de 20 000 euros, laquelle avait été prélevée sur le compte bancaire destiné à percevoir l'indemnité représentative de frais de mandat ;

4. Considérant que « l'indemnité représentative de frais de mandat » correspond, selon les termes de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, à une indemnité « versée à titre d'allocation spéciale pour frais par les assemblées à tous leurs membres » ; qu'elle est par suite destinée à couvrir des dépenses liées à l'exercice du mandat de député ; qu'en conséquence, cette indemnité ne saurait, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 52-8 du code électoral, être affectée au financement d'une campagne électorale à laquelle le député est candidat ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. BOISSERIE a constitué son apport personnel d'un montant de 20 000 euros par prélèvement sur un compte bancaire dédié à la seule perception et utilisation de l'indemnité représentative de frais de mandat ; qu'il est donc établi qu'il a utilisé cette indemnité aux fins de constituer son apport personnel retracé dans son compte de campagne ; que, dès lors, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. BOISSERIE ;

6. Considérant que, toutefois, eu égard aux interprétations successives relatives à l'utilisation de l'indemnité représentative de frais de mandat, M. BOISSERIE ne pouvait, en l'espèce, être regardé comme ayant méconnu une obligation substantielle dont il ne pouvait méconnaître la portée ; que, par suite, il n'y a pas lieu de déclarer M. BOISSERIE inéligible à tout mandat en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral,

D É C I D E :

Article 1er.- Il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de déclarer M. Daniel BOISSERIE inéligible en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral.

Article 2.- La présente décision sera notifiée à M. BOISSERIE et au président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 février 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Rendu public le 1er mars 2013.

JORF 5 mars 2013 page 4004, texte n° 50
Recueil, p. 423
ECLI : FR : CC : 2013 : 2012.4715.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.4. Recettes produites au compte de campagne
  • 8.3.5.4.5. Dons consentis à un candidat par une personne morale à l'exception des partis ou groupements politiques (article L. 52-8, alinéa 2, du code électoral)
  • 8.3.5.4.5.1. Principe

" L'indemnité représentative de frais de mandat " correspond, selon les termes de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, à une indemnité " versée à titre d'allocation spéciale pour frais par les assemblées à tous leurs membres ". Elle est par suite destinée à couvrir des dépenses liées à l'exercice du mandat de député. En conséquence, cette indemnité ne saurait, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral, être affectée au financement d'une campagne électorale à laquelle le député est candidat.

(2012-4715 AN, 01 mars 2013, cons. 2, 4, JORF 5 mars 2013 page 4004, texte n° 50)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.4. Recettes produites au compte de campagne
  • 8.3.5.4.5. Dons consentis à un candidat par une personne morale à l'exception des partis ou groupements politiques (article L. 52-8, alinéa 2, du code électoral)
  • 8.3.5.4.5.5. Bénéfice d'un don ou d'un avantage entraînant le rejet du compte

Le compte de campagne de M. BOISSERIE, candidat aux élections qui se sont déroulées les 10 et 17 juin 2012 en vue de la désignation d'un député dans la 2ème circonscription de la Haute-Vienne, a été rejeté par la CNCCFP au motif qu'a été portée en recettes dans son compte de campagne au titre de son apport personnel la somme de 20 000 euros, laquelle avait été prélevée sur le compte bancaire destiné à percevoir l'indemnité représentative de frais de mandat .
" L'indemnité représentative de frais de mandat " correspond, selon les termes de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, à une indemnité " versée à titre d'allocation spéciale pour frais par les assemblées à tous leurs membres ". Elle est par suite destinée à couvrir des dépenses liées à l'exercice du mandat de député. En conséquence, cette indemnité ne saurait, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 52-8 du code électoral, être affectée au financement d'une campagne électorale à laquelle le député est candidat.
Il résulte de l'instruction que M. BOISSERIE a constitué son apport personnel d'un montant de 20 000 euros par prélèvement sur un compte bancaire dédié à la seule perception et utilisation de l'indemnité représentative de frais de mandat. Il est donc établi qu'il a utilisé cette indemnité aux fins de constituer son apport personnel retracé dans son compte de campagne. Dès lors, c'est à bon droit que la CNCCFP a rejeté le compte de campagne de M. BOISSERIE.

(2012-4715 AN, 01 mars 2013, cons. 4, 5, JORF 5 mars 2013 page 4004, texte n° 50)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.10. Absence d'inéligibilité du candidat

Il est établi que M. BOISSERIE, député et candidat élu dans la 2ème circonscription de la Haute-Vienne, a utilisé son indemnité représentative de frais de mandat aux fins de constituer son apport personnel retracé dans son compte de campagne. Dès lors, c'est à bon droit que la CNCCFP a rejeté son compte de campagne.
Toutefois, eu égard aux interprétations successives relatives à l'utilisation de l'indemnité représentative de frais de mandat, M. BOISSERIE ne pouvait, en l'espèce, être regardé comme ayant méconnu une obligation substantielle dont il ne pouvait méconnaître la portée. Par suite, il n'y a pas lieu de déclarer M. BOISSERIE inéligible à tout mandat en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral.

(2012-4715 AN, 01 mars 2013, cons. 5, 6, JORF 5 mars 2013 page 4004, texte n° 50)
À voir aussi sur le site : Commentaire, Références doctrinales, Version PDF de la décision.
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