Décision

Décision n° 2012-277 QPC du 5 octobre 2012

Syndicat des transports d'Île-de-France [Rémunération du transfert de matériels roulants de la Société du Grand Paris au Syndicat des transports d'Île-de-France]
Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 juillet 2012 par le Conseil d'État (décision n° 359149 du 13 juillet 2012), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par le Syndicat des transports d'Île-de-France, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du II de l'article 20 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Île-de-France ;

Vu la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations en intervention produites par la Société du Grand Paris, enregistrées le 3 août 2012 ;

Vu les observations produites pour le requérant par Me Henri Savoie, avocat au barreau de Paris, enregistrées le 31 août 2012 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 31 août 2012 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Savoie pour le requérant et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 25 septembre 2012 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes du II de l'article 20 de la loi du 3 juin 2010 susvisée : « Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du I du présent article, notamment les conditions de rémunération de l'établissement public »Société du Grand Paris« pour l'usage ou le transfert de propriété de ses lignes, ouvrages, installations ainsi que de ses matériels » ;

2. Considérant que, selon le requérant, les dispositions contestées sont entachées d'une incompétence négative du législateur affectant le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales membres du Syndicat des transports d'Île-de-France ; qu'elles seraient, en outre, inintelligibles ;

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit ;

4. Considérant que, si, en vertu du troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus », chacune d'elles le fait « dans les conditions prévues par la loi » ; que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 3 juin 2010 susvisée : « Le Grand Paris est un projet urbain, social et économique d'intérêt national qui s'appuie sur la création d'un réseau de transport public de voyageurs dont le financement des infrastructures est assuré par l'État » ; que l' article 7 de cette loi crée un établissement public à caractère industriel et commercial, la Société du Grand Paris, chargé « de concevoir et d'élaborer le schéma d'ensemble et les projets d'infrastructures composant le réseau de transport public du Grand Paris et d'en assurer la réalisation, qui comprend la construction des lignes, ouvrages et installations fixes, la construction et l'aménagement des gares, y compris d'interconnexion, ainsi que l'acquisition des matériels roulants conçus pour parcourir ces infrastructures » ;

6. Considérant que l'article 20 de cette même loi est relatif au transfert de propriété ou à l'usage des biens mentionnés à l'article 7 appartenant à la Société du Grand Paris après leur réception ; que le I de cet article prévoit que les lignes, les ouvrages et installations sont « confiés » à la Régie autonome des transports parisiens qui en assure la gestion technique et que les matériels roulants sont transférés en pleine propriété au Syndicat des transports d'Île-de-France ; que son II renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de préciser, notamment, les conditions de rémunération de la Société du Grand Paris pour l'usage ou le transfert de propriété de ses lignes, ouvrages, installations ainsi que de ses matériels ; qu'en ne déterminant pas les modalités particulières de la participation financière susceptible d'être réclamée en contrepartie du transfert de biens entre la Société du Grand Paris et le Syndicat des transports d'Île-de-France, personnes publiques, les dispositions contestées n'ont pas pour effet de priver de garanties légales les exigences découlant du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales qui composent le Syndicat des transports d'Île-de-France ;

7. Considérant que la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ;

8. Considérant que les dispositions du II de l'article 20 de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution,

D É C I D E :

Article 1er.- Le II de l'article 20 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris est conforme à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 octobre 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Rendu public le 5 octobre 2012.

Journal officiel du 6 octobre 2012, page 15654, texte n° 67
Recueil, p. 508
ECLI : FR : CC : 2012 : 2012.277.QPC

Les abstracts

  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.1. NOTION DE " DROITS ET LIBERTÉS QUE LA CONSTITUTION GARANTIT " (art. 61-1)
  • 4.1.7. Normes de référence ou éléments non pris en considération
  • 4.1.7.3. Constitution du 4 octobre 1958

La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.

Si, en vertu du troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales " s'administrent librement par des conseils élus ", chacune d'elles le fait " dans les conditions prévues par la loi ". L'article 34 de la Constitution réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources.

L'article 20 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris porte sur le transfert de propriété ou l'usage des biens mentionnés à l'article 7 appartenant à la Société du Grand Paris après leur réception. Le I de cet article prévoit que les lignes, les ouvrages et installations sont " confiés " à la Régie autonome des transports parisiens qui en assure la gestion technique et que les matériels roulants sont transférés en pleine propriété au Syndicat des transports d'Île-de-France. Son II renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de préciser, notamment, les conditions de rémunération de la Société du Grand Paris pour l'usage ou le transfert de propriété de ses lignes, ouvrages, installations ainsi que de ses matériels. En ne déterminant pas les modalités particulières de la participation financière susceptible d'être réclamée en contrepartie du transfert de biens entre la Société du Grand Paris et le Syndicat des transports d'Île-de-France, personnes publiques, les dispositions contestées n'ont pas pour effet de priver de garanties légales les exigences découlant du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales qui composent le Syndicat des transports d'Île-de-France.

(2012-277 QPC, 05 octobre 2012, cons. 3, 4, 6, Journal officiel du 6 octobre 2012, page 15654, texte n° 67)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.1. NOTION DE " DROITS ET LIBERTÉS QUE LA CONSTITUTION GARANTIT " (art. 61-1)
  • 4.1.7. Normes de référence ou éléments non pris en considération
  • 4.1.7.5. Objectifs de valeur constitutionnelle

La méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution.

(2012-277 QPC, 05 octobre 2012, cons. 7, Journal officiel du 6 octobre 2012, page 15654, texte n° 67)
  • 14. ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE
  • 14.1. PRINCIPES GÉNÉRAUX
  • 14.1.3. Libre administration des collectivités territoriales
  • 14.1.3.2. Absence de violation du principe

La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.

Si, en vertu du troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales " s'administrent librement par des conseils élus ", chacune d'elles le fait " dans les conditions prévues par la loi ". L'article 34 de la Constitution réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources.

L'article 20 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris porte sur le transfert de propriété ou l'usage des biens mentionnés à l'article 7 appartenant à la Société du Grand Paris après leur réception. Le I de cet article prévoit que les lignes, les ouvrages et installations sont " confiés " à la Régie autonome des transports parisiens qui en assure la gestion technique et que les matériels roulants sont transférés en pleine propriété au Syndicat des transports d'Île-de-France. Son II renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de préciser, notamment, les conditions de rémunération de la Société du Grand Paris pour l'usage ou le transfert de propriété de ses lignes, ouvrages, installations ainsi que de ses matériels. En ne déterminant pas les modalités particulières de la participation financière susceptible d'être réclamée en contrepartie du transfert de biens entre la Société du Grand Paris et le Syndicat des transports d'Île-de-France, personnes publiques, les dispositions contestées n'ont pas pour effet de priver de garanties légales les exigences découlant du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales qui composent le Syndicat des transports d'Île-de-France.

(2012-277 QPC, 05 octobre 2012, cons. 3, 4, 6, Journal officiel du 6 octobre 2012, page 15654, texte n° 67)
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