Décision

Décision n° 2010-91 QPC du 28 janvier 2011

Fédération nationale CGT des personnels des organismes sociaux [Représentation des personnels dans les agences régionales de santé]
Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 10 novembre 2010 par le Conseil d'État (décision n° 340106 du 10 novembre 2010), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Fédération nationale CGT des personnels des organismes sociaux, relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 1432-11 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'article 118 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

Vu la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites pour la Fédération nationale CGT des personnels des organismes sociaux par la SCP Didier, Pinet, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées le 2 décembre 2010 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 2 décembre 2010 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me François Pinet pour la requérante et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 18 janvier 2011 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1432-11 du code de la santé publique : « Il est institué dans chaque agence régionale de santé un comité d'agence et un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, compétents pour l'ensemble du personnel de l'agence.
« Le comité d'agence est institué dans les conditions prévues à l'article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État. Toutefois, les modalités de consultation des personnels prévues au second alinéa du même article peuvent faire l'objet d'adaptations pour permettre la représentation des personnels de droit privé de l'agence. Le comité d'agence exerce en outre les compétences prévues aux articles L. 2323-1 à L. 2323-87 du code du travail, sous réserve des adaptations prévues par décret en Conseil d'État en application de l'article L. 2321-1 du même code. Il est doté de la personnalité civile et gère son patrimoine.
« Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est institué dans les conditions prévues à l'article 16 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée. Il exerce en outre les compétences prévues aux articles L. 4612-1 à L. 4612-18 du code du travail, sous réserve des adaptations prévues par décret en Conseil d'État en application de l'article L. 4111-2 du même code.
« Les dispositions du chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du même code sont applicables à l'ensemble des personnels de l'agence régionale de santé. Les délégués syndicaux sont désignés par chaque syndicat représentatif qui constitue une section syndicale dans l'agence régionale de santé pour le représenter auprès de l'employeur.
« Chaque syndicat qui constitue, conformément à l'article L. 2142-1 du même code, une section syndicale au sein de l'agence peut, s'il n'est pas représentatif dans l'agence, désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l'agence.
« Les membres des instances visées aux alinéas précédents, les délégués du personnel, délégués syndicaux et les représentants des sections syndicales bénéficient de la protection prévue par leurs statuts respectifs et, pour ce qui concerne les salariés placés sous le régime des conventions collectives, du livre IV de la deuxième partie du même code » ;

2. Considérant que, selon la requérante, l'article L. 1432-11 précité méconnaît le principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail, faute de prévoir, d'une part, l'élection des représentants des personnels de droit public et de droit privé par des collèges électoraux différents et, d'autre part, la consultation distincte de ces personnels sur les questions qui les concernent directement ;

3. Considérant que, si le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose, en son huitième alinéa, que « tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail », l'article 34 de la Constitution range dans le domaine de la loi la fixation des garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils de l'État ainsi que la détermination des principes fondamentaux du droit du travail ; qu'ainsi, c'est au législateur qu'il revient de déterminer, dans le respect du principe énoncé au huitième alinéa du Préambule, les conditions et garanties de sa mise en oeuvre ;

4. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 1432-11 précité assure une représentation effective de l'ensemble des personnels au sein des comités d'agence ; que le principe de participation à la détermination des conditions de travail n'imposait pas au législateur de prévoir l'existence de collèges électoraux distincts pour la désignation des représentants des personnels des agences régionales de santé ;

5. Considérant, en second lieu, qu'il était loisible au législateur de prévoir que les représentants des salariés de droit public et de droit privé des agences régionales de santé ne soient pas consultés de manière séparée lorsque les questions posées les concernent de manière exclusive ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe énoncé au huitième alinéa du Préambule de 1946 doit être écarté ;

7. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit,

DÉCIDE :

Article 1er. - L'article L. 1432-11 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, est conforme à la Constitution.

Article 2. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 janvier 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Rendu public le 28 janvier 2011.

Journal officiel du 29 janvier 2011, page 1894, texte n° 81
Recueil, p. 84
ECLI : FR : CC : 2011 : 2010.91.QPC

Les abstracts

  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.3. PRINCIPES AFFIRMÉS PAR LE PRÉAMBULE DE LA CONSTITUTION DE 1946
  • 1.3.9. Alinéa 8 - Principe de participation des travailleurs

Si le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose, en son huitième alinéa, que " tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ", l'article 34 de la Constitution range dans le domaine de la loi la fixation des garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils de l'État ainsi que la détermination des principes fondamentaux du droit du travail. Ainsi, c'est au législateur qu'il revient de déterminer, dans le respect du principe énoncé au huitième alinéa du Préambule, les conditions et garanties de sa mise en œuvre dans le secteur public comme dans le secteur privé.

(2010-91 QPC, 28 janvier 2011, cons. 3, Journal officiel du 29 janvier 2011, page 1894, texte n° 81)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.1. NOTION DE " DROITS ET LIBERTÉS QUE LA CONSTITUTION GARANTIT " (art. 61-1)
  • 4.1.2. Préambule de 1946
  • 4.1.2.6. Principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail (alinéa 8)

Le huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui garantit le droit des travailleurs de participer, par l'intermédiaire de leurs délégués, à la détermination collective des conditions de travail peut être invoqué à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité.

(2010-91 QPC, 28 janvier 2011, cons. 3, Journal officiel du 29 janvier 2011, page 1894, texte n° 81)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.9. DROITS CONSTITUTIONNELS DES TRAVAILLEURS
  • 4.9.1. Droits collectifs des travailleurs
  • 4.9.1.1. Droit de grève (alinéa 7 du Préambule de la Constitution de 1946)
  • 4.9.1.1.1. Répartition des compétences normatives
  • 4.9.1.1.1.1. Compétence du législateur

Si le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose, en son huitième alinéa, que " tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ", l'article 34 de la Constitution range dans le domaine de la loi la fixation des garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils de l'État ainsi que la détermination des principes fondamentaux du droit du travail. Ainsi, c'est au législateur qu'il revient de déterminer, dans le respect du principe énoncé au huitième alinéa du Préambule, les conditions et garanties de sa mise en œuvre dans le secteur public comme dans le secteur privé.

(2010-91 QPC, 28 janvier 2011, cons. 3, Journal officiel du 29 janvier 2011, page 1894, texte n° 81)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.9. DROITS CONSTITUTIONNELS DES TRAVAILLEURS
  • 4.9.1. Droits collectifs des travailleurs
  • 4.9.1.2. Liberté de négociation collective (alinéa 8 du Préambule de la Constitution de 1946)
  • 4.9.1.2.1. Détermination des modalités concrètes de mise en œuvre de la loi

L'article L. 1432-11 du code de la santé publique assure une représentation effective de l'ensemble des personnels au sein des comités d'agence institués dans chaque agence régionale de santé. Le principe de participation à la détermination des conditions de travail n'imposait pas au législateur de prévoir l'existence de collèges électoraux distincts pour la désignation des représentants des personnels des agences régionales de santé.

Il était loisible au législateur de prévoir que les représentants des salariés de droit public et de droit privé des agences régionales de santé ne soient pas consultés de manière séparée lorsque les questions posées les concernent de manière exclusive.

(2010-91 QPC, 28 janvier 2011, cons. 4, 5, Journal officiel du 29 janvier 2011, page 1894, texte n° 81)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Commentaire, Dossier documentaire, Décision de renvoi CE, Références doctrinales, Version PDF de la décision, Vidéo de la séance.
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