Décision n° 2005-524/525 DC du 13 octobre 2005
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 septembre 2005, par le Président de la République, en application de l'article 54 de la Constitution, de la question de savoir si doivent être précédées d'une révision de la Constitution les autorisations de ratifier :
- le deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, adopté à New York le 15 décembre 1989,
- le protocole n° 13 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances, adopté à Vilnius le 3 mai 2002 ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que le protocole n° 13 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales abolit la peine de mort en toutes circonstances ;
2. Considérant que le deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule qu'« aucune personne... ne sera exécutée » et oblige tout Etat partie à abolir la peine de mort ; qu'il ne permet de déroger à cette règle que pour les crimes de caractère militaire, d'une gravité extrême et commis en temps de guerre ; qu'en outre, cette faculté doit être fondée sur une législation en vigueur à la date de la ratification et avoir fait l'objet d'une réserve formulée lors de celle-ci ;
3. Considérant qu'au cas où un engagement international contient une clause contraire à la Constitution, met en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou porte atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, l'autorisation de le ratifier appelle une révision constitutionnelle ;
4. Considérant que les deux protocoles soumis à l'examen du Conseil constitutionnel ne contiennent aucune clause contraire à la Constitution et ne mettent pas en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ; que la question posée est donc celle de savoir s'ils portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ;
5. Considérant que porte atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale l'adhésion irrévocable à un engagement international touchant à un domaine inhérent à celle-ci ;
6. Considérant que le protocole n° 13 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, s'il exclut toute dérogation ou réserve, peut être dénoncé dans les conditions fixées par l'article 58 de cette Convention ; que, dès lors, il ne porte pas atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ;
7. Considérant, en revanche, que ne peut être dénoncé le deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; que cet engagement lierait irrévocablement la France même dans le cas où un danger exceptionnel menacerait l'existence de la Nation ; qu'il porte dès lors atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale,
Décide :
Article premier.- Le protocole n° 13 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances n'est pas contraire à la Constitution.
Article 2.- L'autorisation de ratifier le deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution.
Article 3.- La présente décision sera notifiée au Président de la République et publiée au Journal officiel de la République française.Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 octobre 2005, où siégeaient : M. Pierre MAZEAUD, Président, MM. Jean-Claude COLLIARD et Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Pierre JOXE et Jean-Louis PEZANT, Mme Dominique SCHNAPPER, M. Pierre STEINMETZ et Mme Simone VEIL.
Journal officiel du 20 octobre 2005, page 16609, texte n° 57
Recueil, p. 142
ECLI : FR : CC : 2005 : 2005.524.DC
Les abstracts
- 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
- 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
- 7.2.5. Examen de la conformité à la Constitution
- 7.2.5.1. Nécessité d'une révision de la Constitution
- 7.2.5.1.4. Autres atteintes aux conditions d'exercice de la souveraineté nationale
7.2.5.1.4.5. Irrévocabilité des traités et accords
Au cas où un engagement international contient une clause contraire à la Constitution, met en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou porte atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, l'autorisation de le ratifier appelle une révision constitutionnelle.
Porte atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale l'adhésion irrévocable à un engagement international touchant à un domaine inhérent à celle-ci.
- 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
- 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
- 7.2.5. Examen de la conformité à la Constitution
- 7.2.5.2. Absence de nécessité de réviser la Constitution
7.2.5.2.11. Abolition de la peine de mort
Le protocole n° 13 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances, ne contient aucune clause contraire à la Constitution et ne met pas en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis.
S'il exclut toute dérogation ou réserve, il peut être dénoncé dans les conditions fixées par l'article 58 de cette Convention. Dès lors, il ne porte pas atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.