Décision n° 2003-472 DC du 26 juin 2003
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi urbanisme et habitat, le 6 juin 2003, par MM. Jean-Marc AYRAULT, M. Damien ALARY, Mme Sylvie ANDRIEUX-BACQUET, MM. Jean-Marie AUBRON, Jean-Paul BACQUET, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Christian BATAILLE, Jean-Claude BATEUX, Jean-Claude BEAUCHAUD, Éric BESSON, Jean-Louis BIANCO, Jean-Pierre BLAZY, Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Jean-Claude BOIS, Maxime BONO, Augustin BONREPAUX, Jean-Michel BOUCHERON, Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, MM. François BROTTES, Jean-Christophe CAMBADÉLIS, Thierry CARCENAC, Christophe CARESCHE, Mme Martine CARILLON-COUVREUR, MM. Laurent CATHALA, Jean-Paul CHANTEGUET, Michel CHARZAT, Alain CLAEYS, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Gilles COCQUEMPOT, Pierre COHEN, Mme Claude DARCIAUX, M. Michel DASSEUX, Mme Martine DAVID, MM. Marcel DEHOUX, Michel DELEBARRE, Bernard DEROSIER, Michel DESTOT, Marc DOLEZ, François DOSÉ, René DOSIÈRE, Julien DRAY, Tony DREYFUS, Pierre DUCOUT, Jean-Pierre DUFAU, Jean-Louis DUMONT, Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND, Henri EMMANUELLI, Claude ÉVIN, Laurent FABIUS, Jacques FLOCH, Pierre FORGUES, Michel FRANÇAIX, Jean GAUBERT, Mmes Nathalie GAUTIER, Catherine GÉNISSON, MM. Jean GLAVANY, Gaétan GORCE, Alain GOURIOU, Mmes Elisabeth GUIGOU, Paulette GUINCHARD-KUNSTLER, M. David HABIB, Mme Danièle HOFFMAN-RISPAL, MM. François HOLLANDE, Jean-Louis IDIART, Mme Françoise IMBERT, MM. Serge JANQUIN, Jean-Pierre KUCHEIDA, Mme Conchita LACUEY, MM. Jérôme LAMBERT, François LAMY, Jack LANG, Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Gilbert LE BRIS, Jean-Yves LE DÉAUT, Jean-Yves LE DRIAN, Jean LE GARREC, Jean-Marie LE GUEN, Bruno LE ROUX, Mme Marylise LEBRANCHU, MM. Michel LEFAIT, Patrick LEMASLE, Guy LENGAGNE, Mme Annick LEPETIT, MM. Jean-Claude LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, MM. François LONCLE, Victorin LUREL, Bernard MADRELLE, Philippe MARTIN, Christophe MASSE, Didier MATHUS, Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Didier MIGAUD, Mme Hélène MIGNON, MM. Arnaud MONTEBOURG, Henri NAYROU, Alain NÉRI, Mme Marie-Renée OGET, MM. Michel PAJON, Christian PAUL, Germinal PEIRO, Jean-Claude PEREZ, Mmes Marie-Françoise PEROL-DUMONT, Geneviève PERRIN-GAILLARD, MM. Jean-Jack QUEYRANNE, Paul QUILÈS, Alain RODET, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Patrick ROY, Mme Ségolène ROYAL, M. Michel SAINTE-MARIE, Mme Odile SAUGUES, MM. Henri SICRE, Dominique STRAUSS-KAHN, Pascal TERRASSE, Philippe TOURTELIER, Daniel VAILLANT, André VALLINI, Manuel VALLS, Michel VERGNIER, Alain VIDALIES, Jean-Claude VIOLLET, Philippe VUILQUE, Mme Chantal ROBIN-RODRIGO, M. Simon RENUCCI, Mme Christiane TAUBIRA et M. Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, députés ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 16 juin 2003 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi urbanisme et habitat ; qu'ils contestent la conformité à la Constitution de son article 64, pour des motifs tenant, d'une part, à l'irrégularité de sa procédure d'adoption, d'autre part, à l'atteinte qu'il porterait au principe d'égalité ;
- SUR LA PROCÉDURE LÉGISLATIVE :
2. Considérant que les dispositions de l'article 64 de la loi déférée, issues d'un amendement adopté par le Sénat en première lecture, confèrent au représentant de l'Etat dans le département, pour une durée limitée, le pouvoir d'autoriser les communes respectant certaines conditions à se retirer d'une communauté d'agglomération pour adhérer à un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ; que, selon les requérants, cet amendement aurait « pour seul objet d'introduire de nouvelles dispositions en matière de coopération intercommunale » et serait, dès lors, dépourvu de tout lien avec le texte en discussion ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 39, 44 et 45 de la Constitution que le droit d'amendement s'exerce à chaque stade de la procédure législative, sous réserve des dispositions particulières applicables après la réunion de la commission mixte paritaire ; que, toutefois, les adjonctions ou modifications ainsi apportées au texte en cours de discussion, quels qu'en soient le nombre et la portée, ne sauraient, sans méconnaître les exigences qui découlent des premiers alinéas des articles 39 et 44 de la Constitution, être dépourvues de tout lien avec l'objet du projet ou de la proposition soumis au vote du Parlement ;
4. Considérant, en l'espèce, qu'aux termes de l'article L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales, les communautés d'agglomération sont constituées par des communes « en vue d'élaborer et conduire ensemble un projet commun de développement urbain et d'aménagement de leur territoire » ; que, parmi les attributions qui leur sont dévolues à titre obligatoire par l'article L. 5216-5 du même code, figurent des compétences en matière d'aménagement de l'espace communautaire, d'équilibre social de l'habitat et de politique de la ville ; que, dès lors, les dispositions en cause, relatives au périmètre de certaines communautés d'agglomération, ne peuvent être regardées comme dépourvues de lien avec un projet qui, dès son dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale, portait diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction ; qu'il suit de là que l'article 64 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution ;
- SUR LE PRINCIPE D'ÉGALITÉ :
5. Considérant que, selon les requérants, l'article 64 conduirait à rompre l'égalité entre les communes membres d'une communauté d'agglomération, en rendant possible le retrait de certaines d'entre elles avant la fin de la période d'unification des taux de taxe professionnelle, par dérogation au troisième alinéa de l'article L. 5211-19 du code général des collectivités territoriales ;
6. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
7. Considérant qu'aux termes mêmes des dispositions contestées, la faculté de demander le retrait n'est ouverte qu'aux communes attraites sans leur accord dans le périmètre d'une communauté d'agglomération existante ; qu'ainsi, le dispositif instauré par l'article 64, qui ne concerne que des communes placées dans une situation différente des autres communes membres de la communauté d'agglomération, ne porte pas atteinte au principe d'égalité ;
8. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution,
Décide :
Article premier :
L'article 64 de la loi urbanisme et habitat est déclaré conforme à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 juin 2003, où siégeaient : MM. Yves GUÉNA, Président, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Pierre JOXE, Pierre MAZEAUD, Mmes Monique PELLETIER, Dominique SCHNAPPER et Simone VEIL.
Journal officiel du 3 juillet 2003, page 11200
Recueil, p. 379
ECLI : FR : CC : 2003 : 2003.472.DC
Les abstracts
- 5. ÉGALITÉ
- 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
5.1.1. Principe
Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
- 5. ÉGALITÉ
- 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
- 5.1.4. Respect du principe d'égalité : différence de traitement justifiée par une différence de situation
- 5.1.4.2. Collectivités territoriales
5.1.4.2.1. Communes
Selon les requérants, l'article 64 de la loi "urbanisme et habitat" conduirait à rompre l'égalité entre les communes membres d'une communauté d'agglomération, en rendant possible le retrait de certaines d'entre elles avant la fin de la période d'unification des taux de taxe professionnelle, par dérogation au troisième alinéa de l'article L. 5211-19 du code général des collectivités territoriales. La faculté de demander le retrait n'est ouverte qu'aux communes attraites sans leur accord dans le périmètre d'une communauté d'agglomération existante. Ainsi, le dispositif contesté, qui ne concerne que des communes placées dans une situation différente des autres communes membres de la communauté d'agglomération, ne porte pas atteinte au principe d'égalité.
- 10. PARLEMENT
- 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
- 10.3.5. Droit d'amendement
- 10.3.5.2. Recevabilité
10.3.5.2.5. Recevabilité en première lecture
Il résulte des dispositions combinées des articles 39, 44 et 45 de la Constitution que le droit d'amendement s'exerce à chaque stade de la procédure législative, sous réserve des dispositions particulières applicables après la réunion de la commission mixte paritaire. Toutefois, les adjonctions ou modifications ainsi apportées au texte en cours de discussion, quels qu'en soient le nombre et la portée, ne sauraient, sans méconnaître les exigences qui découlent des premiers alinéas des articles 39 et 44 de la Constitution, être dépourvues de tout lien avec l'objet du projet ou de la proposition soumis au vote du Parlement.
- 10. PARLEMENT
- 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
- 10.3.5. Droit d'amendement
- 10.3.5.2. Recevabilité
- 10.3.5.2.5. Recevabilité en première lecture
10.3.5.2.5.1. Existence d'un lien direct avec le texte en discussion (avant la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008)
L'article 64 de la loi " urbanisme et habitat ", issu d'un amendement adopté par le Sénat en première lecture, confère au représentant de l'État dans le département, pour une durée limitée, le pouvoir d'autoriser les communes respectant certaines conditions à se retirer d'une communauté d'agglomération pour adhérer à un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Selon les requérants, cet amendement aurait pour seul objet d'introduire de nouvelles dispositions en matière de coopération intercommunale et serait, dès lors, dépourvu de tout lien avec le texte en discussion. En l'espèce, aux termes de l'article L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales, les communautés d'agglomération sont constituées par des communes " en vue d'élaborer et conduire ensemble un projet commun de développement urbain et d'aménagement de leur territoire ". Parmi les attributions qui leur sont dévolues à titre obligatoire par l'article L. 5216-5 du même code, figurent des compétences en matière d'aménagement de l'espace communautaire, d'équilibre social de l'habitat et de politique de la ville. Les dispositions en cause, relatives au périmètre de certaines communautés d'agglomération, ne peuvent donc être regardées comme dépourvues de lien avec un projet qui, dès son dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale, portait diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction. Il suit de là que l'article 64 a été adopté selon une procédure conforme à la Constitution.