Décision n° 2002-2613/2616/2763 AN du 19 décembre 2002
Le Conseil constitutionnel,
Vu 1 ° la requête n° 2002-2613 présentée par M. Christophe EULA, demeurant à Metz (Moselle) enregistrée le 14 juin 2002 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 9 juin 2002 dans la 3ème circonscription du département de la Réunion pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu les mémoires en défense présentés par M. André THIEN AH KOON, député, enregistrés comme ci-dessus les 22 juillet et 13 novembre 2002 ;
Vu les mémoires en réplique présentés par M. EULA, enregistrés comme ci-dessus les 25 octobre et 4 décembre 2002 ;
Vu 2 ° la requête n° 2002-2616 présentée par Mme Céline TOUCHARD, épouse LUCILLY, demeurant au Tampon (Réunion), enregistrée le 21 juin 2002 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à l'annulation des mêmes opérations électorales ;
Vu les mémoires en défense présentés par M. THIEN AH KOON, député, enregistrés comme ci-dessus les 22 juillet et 13 novembre 2002 ;
Vu le mémoire en réplique présenté par Mme LUCILLY, enregistré comme ci-dessus le 6 septembre 2002 ;
Vu 3 ° la requête n° 2002-2763 présentée par M. Yvon DEJEAN, demeurant à Saint-Louis (Réunion), enregistrée le 1er juillet 2002 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à la réformation des résultats des mêmes opérations électorales ;
Vu les mémoires en défense présentés par M. THIEN AH KOON, député, enregistrés comme ci-dessus les 22 juillet et 13 novembre 2002 ;
Vu les observations du ministre de l'outre-mer enregistrées comme ci-dessus le 18 juillet 2002 ;
Vu les procès-verbaux des opérations électorales et les documents annexés ;
Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en date du 3 octobre 2002 approuvant le compte de campagne de M. THIEN AH KOON ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 38, alinéa 2 ;
Vu le code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre la même élection ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant que M. DEJEAN demande l'annulation des suffrages attribués à trois des seize candidats ayant participé à l'élection du 9 juin 2002 dans la 3ème circonscription de la Réunion, au motif que les bulletins desdits candidats seraient irréguliers ; que sa requête n'est pas dirigée contre l'élection du candidat proclamé élu ; qu'elle est par suite irrecevable ;
3. Considérant que, si Mme LUCILLY dénonce la participation à la campagne de M. THIEN AH KOON d'employés municipaux de la commune du Tampon dont il est maire et soutient que des agents électoraux du candidat proclamé élu lui auraient barré l'accès à certains lieux et manifestations publics au cours de la campagne, elle n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ces affirmations ;
4. Considérant que la circonstance, invoquée par Mme LUCILLY, que le candidat élu anime ses campagnes électorales par un accompagnement musical ne contrevient à aucune disposition du code électoral, dès lors que la dépense correspondante figure au compte de campagne ;
5. Considérant que, si Mme LUCILLY et M. EULA soutiennent que les bulletins au nom de ce dernier auraient été systématiquement annulés, à l'exception d'un seul dans la commune du Tampon, aucun commencement de preuve n'est apporté au soutien de ces allégations ;
6. Considérant que ces deux requérants affirment qu'un courrier électoral de Mme LUCILLY aurait été falsifié, puis envoyé à de nombreux électeurs, pour faire croire qu'elle sollicitait un « soutien moral » et une contribution financière de 300 euros ; que ce fait, à le supposer établi, n'aurait pu modifier l'issue du scrutin en raison du nombre de voix obtenues par les différents candidats ;
7. Considérant que Mme LUCILLY et M. EULA exposent qu'une association subventionnée par la commune du Tampon a distribué des cafetières aux mères de famille de la commune à l'occasion de la fête des mères ; que, selon eux, cette opération, financée sur fonds publics et non retracée par le compte de campagne de M. THIEN AH KOON, vicierait ledit compte et devrait entraîner l'inéligibilité du candidat élu ;
8. Considérant, d'une part, que les cadeaux en cause, qui ont fait l'objet d'une subvention spéciale et sont distribués chaque année, pour regrettables que soient de telles pratiques notamment en période électorale, ne sauraient, du fait de leur caractère traditionnel, être considérés comme une dépense spécialement effectuée en vue de l'élection législative et devant, à ce titre, être intégrée dans le compte de campagne relatif à cette élection ;
9. Considérant, d'autre part, que la distribution critiquée de cadeaux n'a pu modifier l'issue du scrutin en raison de l'important écart de voix entre M. THIEN AH KOON et les autres candidats en présence, tant dans la commune du Tampon que dans les autres communes de la circonscription ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de M. EULA, de Mme LUCILLY et de M. DEJEAN doivent être rejetées,
Décide :
Article premier :
Les requêtes de M. EULA, de Mme LUCILLY et de M. DEJEAN sont rejetées.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 décembre 2002, où siégeaient : MM. Yves GUÉNA, Président, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Pierre JOXE, Pierre MAZEAUD, Mmes Monique PELLETIER, Dominique SCHNAPPER et Simone VEIL.
Journal officiel du 27 décembre 2002, page 21795
Recueil, p. 549
ECLI : FR : CC : 2002 : 2002.2613.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.4. Campagne électorale - Pressions, interventions, manœuvres
- 8.3.4.1. Nature des pressions, interventions, manœuvres
- 8.3.4.1.8. Pressions par intimidation ou corruption
8.3.4.1.8.6. Distribution ou promesses d'argent, cadeaux, avantages divers
La distribution de cafetières aux mères de famille de la commune, dont le candidat élu est maire, à l'occasion de la fête des mères, n'a pu modifier l'issue du scrutin en raison de l'important écart de voix entre ce candidat élu et les autres candidats en présence, tant dans cette commune que dans les autres communes de la circonscription.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
- 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
8.3.5.5.3. Dépenses n'ayant pas à figurer dans le compte
La distribution de cadeaux tels que des cafetières, à l'occasion de la fête des mères, par une association subventionnée par la commune, dont le candidat élu est maire, pour regrettable qu'elle soit notamment en période électorale, ne saurait, du fait de son caractère traditionnel, être considérée comme une dépense spécialement effectuée en vue de l'élection législative et devant, à ce titre, être intégrée dans le compte de campagne relatif à cette élection.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.8. Contentieux - Recevabilité
- 8.3.8.1. Dépôt de la requête
- 8.3.8.1.6. Irrecevabilité des conclusions
8.3.8.1.6.3. Simples demandes de rectification de résultats sans incidence sur le sens de l'élection
Une requête se bornant à demander l'annulation des suffrages attribués à trois candidats, au motif que leurs bulletins seraient irréguliers n'est pas dirigée contre l'élection du candidat proclamé élu. Irrecevabilité.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
- 8.3.11.1. Irrégularités qui ne modifient pas le résultat
- 8.3.11.1.2. Irrégularités qui, en raison de l'écart des voix, ne modifient pas le résultat
8.3.11.1.2.4. Propagande
La falsification d'un courrier électoral d'une candidate et son envoi à de nombreux électeurs, pour faire croire qu'elle sollicitait un " soutien moral " et une contribution financière, n'auraient pu, à les supposer établis, modifier l'issue du scrutin en raison du nombre de voix obtenues par les différents candidats.