Décision n° 2002-109 PDR du 24 avril 2002
Le Conseil constitutionnel,
Vu les articles 6, 7 et 58 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel ;
Vu la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 modifiée sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République ;
Vu le décret n° 76-950 du 14 octobre 1976 modifié portant application de la loi organique du 31 janvier 1976 ;
Vu le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 modifié portant application de la loi du 6 novembre 1962 susvisée ;
Vu le décret n° 2002-346 du 13 mars 2002 portant convocation des électeurs pour l'élection du Président de la République ;
Vu le code électoral en ses dispositions rendues applicables par les textes susvisés ;
Vu les procès-verbaux établis par les commissions de recensement, ainsi que les procès-verbaux des opérations de vote portant mention des réclamations présentées par des électeurs et les pièces jointes, pour l'ensemble des départements, les îles Wallis et Futuna, la Nouvelle-Calédonie et Mayotte ; Vu les résultats complets adressés au Conseil constitutionnel, par télétransmission, par les commissions de recensement de la Polynésie française et de Saint-Pierre-et-Miquelon ;
Vu les résultats consignés dans le procès-verbal établi par la commission électorale instituée par l'article 5 de la loi du 31 janvier 1976 susvisée ainsi que les réclamations présentées par des électeurs et mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote ;
Vu les réclamations qui ont été adressées au Conseil constitutionnel ;
Vu les rapports des délégués du Conseil constitutionnel ;
Les rapporteurs ayant été entendus ;
Après avoir rejeté comme irrecevables les réclamations parvenues directement au Conseil constitutionnel en méconnaissance du premier alinéa de l'article 30 du décret du 8 mars 2001 susvisé ;
Après avoir statué sur les réclamations mentionnées dans les procès-verbaux des opérations de vote, opéré diverses rectifications d'erreurs matérielles, procédé aux redressements qu'il a jugé nécessaires et aux annulations énoncées ci-après ;
Sur les opérations électorales :
1. Considérant que, dans le bureau de vote n° 1 de la commune de Bouc-Bel-Air (Bouches-du-Rhône), dans lequel 889 suffrages ont été exprimés, il n'a pas été procédé au contrôle d'identité des électeurs, en violation des articles L. 62 et R. 60 du code électoral ; que cette irrégularité s'est poursuivie en dépit des observations faites à ce sujet par le délégué d'un candidat ; que, devant cette méconnaissance délibérée et persistante de dispositions destinées à assurer la régularité et la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau ;
2. Considérant que, dans le bureau de vote n° 11 de la commune de Saint-Herblain (Loire-Atlantique), dans lequel 633 suffrages ont été exprimés, la commission départementale de recensement a relevé des discordances importantes et inexpliquées entre les chiffres inscrits dans le procès-verbal retraçant les résultats et ceux figurant dans les feuilles de dépouillement, notamment entre le décompte des voix et le total des suffrages obtenus ; que, le Conseil constitutionnel n'étant pas en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité des opérations de vote, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans le bureau susmentionné ;
3. Considérant que le président et les assesseurs du bureau de vote n° 27 du treizième arrondissement de Paris, dans lequel 883 suffrages ont été exprimés, se sont opposés à ce que le magistrat délégué du Conseil constitutionnel, chargé de suivre sur place les opérations électorales, accomplisse la mission qui lui était impartie ; que des pressions et menaces ont été exercées à l'encontre de ce délégué ; que ces faits constituent une entrave à l'exercice du contrôle du Conseil constitutionnel ; qu'en outre, le procès-verbal transmis à la commission départementale de recensement ne comportait pas les observations inscrites par ce délégué ; que, dans ces conditions, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau de vote ;
4. Considérant que, dans le bureau de vote no 1 de la commune du Cannet-des-Maures (Var), dans lequel 948 suffrages ont été exprimés, il n'a pas été procédé au dépouillement des votes dans les formes prévues par l'article L. 65 du code électoral ; que cette irrégularité, qui était, en l'espèce, de nature à favoriser des fraudes, s'est poursuivie en dépit des observations faites à ce sujet par le magistrat délégué du Conseil constitutionnel ; que, devant cette méconnaissance délibérée et persistante de dispositions destinées à assurer la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau ;
Sur l'ensemble des résultats du scrutin :
5. Considérant qu'aucun candidat n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tout de scrutin,
Déclare :
Article premier :
Les résultats du scrutin pour l'élection du Président de la République, auquel il a été procédé le 21 avril 2002, sont les suivants :
Electeurs inscrits .................... 41 194 689
Votants .................... 29 495 733
Suffrages exprimés .................... 28 498 471
Majorité absolue .................... 14 249 236
Ont obtenu :
M. Bruno Mégret .................... 667 026
Mme Corinne Lepage .................... 535 837
M. Daniel Gluckstein .................... 132 686
M. François Bayrou .................... 1 949 170
M. Jacques Chirac .................... 5 665 855
M. Jean-Marie Le Pen .................... 4 804 713
Mme Christiane Taubira .................... 660 447
M. Jean Saint-Josse .................... 1 204 689
M. Noël Mamère .................... 1 495 724
M. Lionel Jospin .................... 4 610 113
Mme Christine Boutin .................... 339 112
M. Robert Hue .................... 960 480
M. Jean-Pierre Chevènement .................... 1 518 528
M. Alain Madelin .................... 1 113 484
Mme Arlette Laguiller .................... 1 630 045
M. Olivier Besancenot .................... 1 210 562Article 2 :
La proclamation des résultats de l'ensemble de l'élection interviendra dans les conditions prévues au décret du 8 mars 2001 susvisé.
Article 3 :
La présente déclaration sera publiée sans délai au Journal officiel de la République française.Délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 22, 23 et 24 avril 2002, où siégeaient : MM. Yves GUÉNA, président, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET DE LAMOTHE, Pierre JOXE, Pierre MAZEAUD, Mmes Monique PELLETIER, Dominique SCHNAPPER et Simone VEIL.
Le président,
Yves GUÉNAJournal officiel du 25 avril 2002, page 7369
Recueil, p. 102
ECLI : FR : CC : 2002 : 2002.109.PDR
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
- 8.2.5. Opérations électorales
- 8.2.5.2. Délégués du Conseil constitutionnel
8.2.5.2.1. Observations non suivies d'effet
Inobservation des observations faites par le magistrat délégué du Conseil constitutionnel sur le dépouillement des votes du bureau de vote n° 1 de la commune de C., en violation des formes prévues par l'article L. 65 du code électoral. Annulation de l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
- 8.2.5. Opérations électorales
- 8.2.5.2. Délégués du Conseil constitutionnel
8.2.5.2.2. Entrave aux fonctions
Le président et les assesseurs du bureau de vote n° 27 du Xe arrondissement de X se sont opposés à ce que le magistrat délégué du Conseil constitutionnel, chargé de suivre sur place les opérations électorales, accomplisse la mission qui lui était impartie. Des pressions et menaces ont été exercées à l'encontre de ce délégué. Ces faits constituent une entrave à l'exercice du contrôle du Conseil constitutionnel. En outre, le procès-verbal transmis à la commission départementale de recensement ne comportait pas les observations inscrites par ce délégué. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau de vote.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
- 8.2.5. Opérations électorales
- 8.2.5.3. Déroulement du scrutin
8.2.5.3.1. Contrôle de l'identité des électeurs
Dans le bureau de vote n° 1 de la commune de B., il n'a pas été procédé au contrôle d'identité des électeurs, en violation des articles L. 62 et R. 60 du code électoral. Cette irrégularité s'est poursuivie en dépit des observations faites à ce sujet par le délégué d'un candidat. Devant cette méconnaissance délibérée et persistante de dispositions destinées à assurer la régularité et la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
- 8.2.5. Opérations électorales
- 8.2.5.4. Dépouillement
8.2.5.4.1. Procédure de dépouillement
Dans le bureau de vote n° 1 de la commune de C., il n'a pas été procédé au dépouillement des votes dans les formes prévues par l'article L. 65 du code électoral. Cette irrégularité, qui était, en l'espèce, de nature à favoriser des fraudes, s'est poursuivie en dépit des observations faites à ce sujet par le magistrat délégué du Conseil constitutionnel. Devant cette méconnaissance délibérée et persistante de dispositions destinées à assurer la sincérité du scrutin, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans ce bureau.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
- 8.2.5. Opérations électorales
- 8.2.5.4. Dépouillement
8.2.5.4.3. Autres discordances
Dans le bureau de vote n° 11 de la commune de S., la commission départementale de recensement a relevé des discordances importantes et inexpliquées entre les chiffres inscrits dans le procès-verbal retraçant les résultats et ceux figurant dans les feuilles de dépouillement, notamment entre le décompte des voix et le total des suffrages obtenus. Le Conseil constitutionnel n'étant pas en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité des opérations de vote, il y a lieu d'annuler l'ensemble des suffrages émis dans le bureau susmentionné.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
- 8.2.5. Opérations électorales
8.2.5.5. Irrégularités relatives aux procès-verbaux et aux pièces annexes
Le procès-verbal du bureau de vote n° 27 du Xe arrondissement de X, comportant les observations inscrites par le délégué du Conseil constitutionnel et relatives à une entrave à ses fonctions, n'a pas été transmis à la commission départementale de recensement. Annulation des suffrages émis dans ce bureau de vote.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.2. ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
- 8.2.6. Contentieux
- 8.2.6.2. Procédure de réclamation
8.2.6.2.2. Qualité pour agir
Il résulte des dispositions de l'article 30 du décret du 8 mars 2001 pris pour l'application de la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel que la faculté de saisir directement le Conseil constitutionnel est réservée aux candidats ainsi qu'au représentant de l'État. Un électeur ne peut contester les opérations qu'en faisant porter au procès-verbal des opérations de vote mention de sa réclamation. Il suit de là que les réclamations adressées directement au Conseil constitutionnel ne sont pas recevables.