Décision n° 97-2303 AN du 13 février 1998
Le Conseil constitutionnel,
Vu, enregistrée sous le n° 97-2303 au secrétariat général du Conseil constitutionnel, le 23 octobre 1997, la lettre du président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques par laquelle celui-ci communique la décision en date du 17 octobre 1997 de la Commission de saisir le Conseil constitutionnel, juge de l'élection, de la situation de M. René-Paul VICTORIA, candidat lors de l'élection législative qui a eu lieu les 25 mai et 1er juin 1997 dans la 1ère circonscription du département de La Réunion ;
Vu les mémoires en défense et notamment la demande d'audition, présentés par M. VICTORIA, enregistrés comme ci-dessus les 3, 13 et 28 novembre 1997 ;
Vu les observations présentées par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, enregistrées comme ci-dessus les 10 et 28 novembre 1997 ;
Vu le mémoire présenté par M. VICTORIA, enregistré comme ci-dessus le 22 décembre 1997 ;
Vu les nouvelles observations présentées par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, enregistrées comme ci-dessus le 5 janvier 1998 ;
Vu le mémoire en réponse présenté par M. VICTORIA enregistré comme ci-dessus le 23 janvier 1998 ;
Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, modifiée, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée ;
Vu le code électoral dans sa rédaction résultant notamment de la loi organique n° 95-62 du 19 janvier 1995 modifiant diverses dispositions relatives à l'élection du Président de la République et à celle des députés à l'Assemblée nationale ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : « Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle, par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord de celui-ci, par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien » ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral dans sa rédaction résultant de la loi n° 95-65 du 19 janvier 1995 : « les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » ;
2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-15 du même code : « la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve, et après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne » ; que le deuxième alinéa de l'article L.O. 128 du code électoral prévoit qu'est également inéligible pendant un an celui qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits par l'article L. 52-12 et celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit " ; qu'enfin, conformément aux dispositions de l'article L.O. 136-1 du code électoral, il incombe à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques de saisir le Conseil constitutionnel du cas de tout candidat susceptible de se voir opposer les prescriptions du deuxième alinéa de l'article L.O. 128, ce qu'elle a fait en l'espèce ;
3. Considérant qu'eu égard à l'objet de la législation relative à la transparence financière de la vie politique et au financement des campagnes électorales et à la limitation des dépenses électorales, une personne morale de droit privé qui s'est assignée un but politique ne peut être regardée comme un « parti ou groupement politique » au sens de l'article L. 52-8 du code électoral que si elle relève des articles 8, 9 et 9-1 de la loi susvisée du 11 mars 1988, relative à la transparence financière de la vie politique, ou s'est soumise aux règles fixées par les articles 11 à 11-7 de la même loi qui imposent notamment aux partis et groupements politiques de ne recueillir des fonds que par l'intermédiaire d'un mandataire qui peut être soit une personne physique dont le nom est déclaré à la préfecture, soit une association de financement agréée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;
4. Considérant que, par décision en date du 19 juillet 1994, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a retiré l'agrément de l'association « Saint-Denis avenir solidarité » ; que cette décision, qui avait été régulièrement notifiée à l'association le 16 août 1994 et publiée au Journal officiel du 10 août 1994, était opposable à M. VICTORIA ; qu'à la date à laquelle l'association a versé un don de 100 000 F à ce dernier pour la campagne des élections législatives, elle ne pouvait être regardée comme un « parti ou groupement politique » au sens des dispositions du code électoral ; que l'argument tiré de ce que la Commission aurait admis la validité de dons de cette association dans le cadre de la campagne électorale des élections municipales, pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 95-65 du 19 janvier 1995, est inopérant ;
5. Considérant que M. VICTORIA, doit, dans ces conditions et sans qu'il soit besoin de procéder à l'audition demandée, être regardé comme ayant bénéficié de la part d'une personne morale d'un avantage prohibé par l'article L. 52-8 ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la nature et au montant de cet avantage, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a prononcé le rejet du compte de M. VICTORIA ; qu'il appartient, par suite, au Conseil constitutionnel, en application de l'article L.O. 128 du code électoral, de déclarer M. VICTORIA inéligible pour une durée d'un an à compter du 13 février 1998, date de la présente décision,
Décide :
Article premier :
Monsieur René-Paul VICTORIA est déclaré inéligible, en application de l'article L.O. 128 du code électoral, pour une durée d'un an à compter du 13 février 1998.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à Monsieur René-Paul VICTORIA, au président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et publiée au Journal officiel de la République française.Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 février 1998, où siégeaient : MM. Roland DUMAS, Président, Georges ABADIE, Michel AMELLER, Jean CABANNES, Maurice FAURE, Yves GUÉNA, Alain LANCELOT, Mme Noëlle LENOIR et M. Jacques ROBERT.
Journal officiel du 18 février 1998, page 2573
Recueil, p. 150
ECLI : FR : CC : 1998 : 97.2303.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
- 8.3.5.4. Recettes produites au compte de campagne
8.3.5.4.3. Dons ou avantages consentis par des partis ou groupements politiques
Eu égard à l'objet de la législation relative à la transparence financière de la vie politique et au financement des campagnes électorales et à la limitation des dépenses électorales, une personne morale de droit privé qui s'est assignée un but politique ne peut être regardée comme un " parti ou groupement politique " au sens de l'article L. 52-8 du code électoral que si elle relève des articles 8, 9 et 9-1 de la loi du 11 mars 1988, relative à la transparence financière de la vie politique, ou s'est soumise aux règles fixées par les articles 11 à 11-7 de la même loi qui imposent notamment aux partis et groupements politiques de ne recueillir des fonds que par l'intermédiaire d'un mandataire qui peut être soit une personne physique dont le nom est déclaré à la préfecture, soit une association de financement agréée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Par décision en date du 19 juillet 1994, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a retiré l'agrément de l'association " S. avenir solidarité ". Cette décision, qui avait été régulièrement notifiée à l'association le 16 août 1994 et publiée au Journal officiel du 10 août 1994, était opposable à M. V. Or, à la date à laquelle l'association a versé un don de 100 000 F à ce dernier pour la campagne des élections législatives, elle ne pouvait être regardée comme un " parti ou groupement politique " au sens des dispositions du code électoral et l'argument tiré de ce que la Commission aurait admis la validité de dons de cette association dans le cadre de la campagne électorale des élections municipales, pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 95-65 du 19 janvier 1995, est inopérant. Dans ces conditions, M. V. doit être regardé comme ayant bénéficié de la part d'une personne morale d'un avantage prohibé par l'article L. 52-8. Inéligibilité.