Décision

Décision n° 97-2195 AN du 29 janvier 1998

A.N., Loir-et-Cher (2ème circ.)
Rejet

Le Conseil constitutionnel,

Vu la requête présentée par M. Jeanny LORGEOUX, demeurant à Romorantin (Loir-et-Cher), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 11 juin 1997, et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 25 mai et 1er juin 1997 dans la 2ème circonscription du département du Loir-et-Cher pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur, enregistrées comme ci-dessus les 16 juin et 24 novembre1997 ;

Vu le mémoire en défense et les pièces complémentaires présentés par M. Patrice MARTIN-LALANDE, député, enregistrés comme ci-dessus les 24 et 25 juin 1997 ;

Vu le mémoire en réplique présenté par M. LORGEOUX, enregistré comme ci-dessus le 13 août 1997 ;

Vu les observations complémentaires présentées par M. MARTIN-LALANDE, enregistrées comme ci-dessus les 2 et 10 octobre 1997 ;

Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, enregistrée comme ci-dessus le 31 octobre 1997, approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. MARTIN-LALANDE ;

Vu les observations complémentaires présentées par M. LORGEOUX, enregistrées comme ci-dessus les 26 novembre et 19 décembre 1997 ;

Vu les observations complémentaires présentées par M. MARTIN-LALANDE, enregistrées comme ci-dessus les 9 et 30 décembre 1997 ;

Vu l'article 59 de la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu le réglement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Le rappporteur ayant été entendu ;

SUR LES GRIEFS RELATIFS A LA CAMPAGNE ELECTORALE :

1. Considérant que M. LORGEOUX était en mesure de répondre en temps utile, avant le second tour de scrutin, aux tracts de son adversaire diffusés à la veille du premier tour ; que les tracts et lettres diffusés peu de temps avant le second tour de scrutin ne comportaient pas d'éléments nouveaux de polémique électorale auxquels M. LORGEOUX n'aurait pas eu le temps de répondre, que ce soit sur les thèmes de la campagne électorale de M. MARTIN-LALANDE, ou sur le soutien apporté à celui-ci par un ancien partisan de M. LORGEOUX, ou sur la critique de l'action de ce dernier ; qu'en outre, M. LORGEOUX a, lors d'une réunion publique relatée par la presse locale, spécialement répondu au tract mettant en cause son action ; que, dès lors, les diffusions contestées n'ont pas été de nature à altérer le résultat de l'élection ;

2. Considérant que les autres griefs relatifs à la campagne électorale, qui sont distincts de celui par lequel le requérant soutient que des distributions tardives de tracts auraient constitué une manoeuvre de dernière heure ayant exercé une influence sur le résultat de l'élection, n'ont été présentés que dans un mémoire complémentaire enregistré après l'expiration du délai de dix jours prévu à l'article 33 de l'ordonnance susvisée du 7 novembre 1958 ; qu'ils sont, par suite, irrecevables ;

- SUR LES GRIEFS RELATIFS AUX OPERATIONS DE VOTE :

3. Considérant que le grief tiré de l'irrégularité de certaines inscriptions sur les listes électorales n'a été présenté que dans le mémoire complémentaire enregistré après l'expiration du délai de dix jours prévu à l'article 33 de l'ordonnance susvisée du 7 novembre 1958 ; qu'il est, dès lors, irrecevable ;

4. Considérant que les griefs tirés de ce que la composition des bureaux de vote aurait été irrégulière, le secret du vote méconnu, des bulletins de vote annulés à tort et des procurations non conformes aux prescriptions de l'article L. 71 du code électoral ne sont pas assortis de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

5. Considérant qu'il résulte de l'examen des procès-verbaux des opérations électorales de plusieurs bureaux de vote qu'il existe une discordance, de dix unités seulement, entre le nombre des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne et celui des émargements ; que, toutefois, la déduction de dix voix du nombre des suffrages obtenus par M. MARTIN-LALANDE est, compte tenu du nombre des suffrages séparant les deux candidats, sans influence sur le résultat de l'élection ;

6. Considérant que, si le requérant soutient en outre que deux émargements et un vote par procuration seraient d'une régularité douteuse, la déduction de ces trois voix supplémentaires du nombre des suffrages obtenus par M. MARTIN-LALANDE serait, en tout état de cause, sans influence sur le résultat de l'élection ;

SUR LES GRIEFS RELATIFS AU COMPTE DE CAMPAGNE DE M. MARTIN-LALANDE :

7. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-12 du même code : « Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle, par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord de celui-ci, par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié.. » ;

8. Considérant que, si « Le petit Solognot », journal gratuit d'informations locales, créé de nombreuses années avant la campagne électorale et financé par des recettes publicitaires, a publié dans son édition du 7 mai 1997, un entretien avec M. MARTIN-LALANDE, cet entretien a figuré dans sa partie rédactionnelle et non dans sa partie publicitaire ; que la presse est libre de rendre compte d'une campagne électorale comme elle l'entend ; qu'au surplus, un entretien avec M. LORGEOUX a été publié dans son édition du 19 mars 1997 ; que, dès lors, ne peut qu'être rejeté le grief tiré de ce que la publication de l'entretien de M. MARTIN-LALANDE constituerait un avantage en nature en faveur de celui-ci, contraire aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral, et devant être inclus dans son compte de campagne en application des dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 52-12 du même code ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. MARTIN-LALANDE a inclus dans son compte de campagne les montants facturés par une société commerciale pour la mise à sa disposition d'une machine à affranchir ; qu'il n'est établi ni que ces factures auraient été minorées, ni que la société l'aurait fait bénéficier de prestations qu'elle ne lui aurait pas facturées ; que le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que M. MARTIN-LALANDE aurait bénéficié, de la part de cette société, d'avantages en nature prohibés par les dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du même code ; que, dès lors, les sommes correspondantes n'avaient pas à être intégrées dans son compte de campagne en application des dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 52-12 du même code ;

10. Considérant qu'il n'est pas davantage établi que les factures de papeterie établies par une autre société auraient été minorées ;

11. Considérant que le grief tiré de ce que d'autres postes de dépenses auraient été minorés dans le compte de campagne de M. MARTIN-LALANDE n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

12. Considérant, enfin, qu'à supposer même que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques aurait dû retirer du compte de campagne de M. MARTIN-LALANDE plus de dépenses qu'elle ne l'a fait, une telle soustraction aurait été de nature non à entraîner le rejet du compte de campagne mais seulement une réformation plus importante ; que le moyen ainsi soulevé par le requérant est dès lors inopérant ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. LORGEOUX n'est pas fondé à demander l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 25 mai et 1er juin 1997 dans la 2ème circonscription du Loir-et-Cher,

Décide :
Article premier :
La requête de Monsieur Jeanny LORGEOUX est rejetée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 janvier 1998, où siégeaient : MM. Roland DUMAS, Président, Georges ABADIE, Michel AMELLER, Jean CABANNES, Maurice FAURE, Yves GUÉNA, Alain LANCELOT, Mme Noëlle LENOIR et M. Jacques ROBERT.

Journal officiel du 1er février 1998, page 1634
Recueil, p. 98
ECLI : FR : CC : 1998 : 97.2195.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.16. Tracts
  • 8.3.3.16.3. Irrégularités sans influence sur les résultats de l'élection
  • 8.3.3.16.3.1. Date de distribution des tracts

Le requérant était en mesure de répondre en temps utile, avant le second tour de scrutin, aux tracts de son adversaire diffusés à la veille du premier tour.

(97-2195 AN, 29 janvier 1998, cons. 1, Journal officiel du 1er février 1998, page 1634)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.16. Tracts
  • 8.3.3.16.3. Irrégularités sans influence sur les résultats de l'élection
  • 8.3.3.16.3.3. Contenu et portée des tracts

Les tracts et lettres diffusés peu de temps avant le second tour de scrutin, ne comportaient pas d'éléments nouveaux de polémique électorale auxquels le requérant n'aurait pas eu le temps de répondre, que ce soit sur les thèmes de la campagne électorale du candidat élu, ou sur le soutien apporté à celui-ci par un ancien partisan du requérant, ou sur la critique de l'action de ce dernier. Celui-ci a, en outre, lors d'une réunion publique relatée par la presse locale, spécialement répondu au tract mettant en cause son action.

(97-2195 AN, 29 janvier 1998, cons. 1, Journal officiel du 1er février 1998, page 1634)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.4. Recettes produites au compte de campagne
  • 8.3.5.4.5. Dons consentis à un candidat par une personne morale à l'exception des partis ou groupements politiques (article L. 52-8, alinéa 2, du code électoral)
  • 8.3.5.4.5.3. Absence de don ou d'avantage

Si " Le petit Solognot ", journal gratuit d'informations locales, créé de nombreuses années avant la campagne électorale et financé par des recettes publicitaires, a publié dans son édition du 7 mai 1997 durant la campagne électorale, un entretien avec le candidat élu, cet entretien a figuré dans sa partie rédactionnelle et non dans sa partie publicitaire. Or, la presse est libre de rendre compte d'une campagne électorale comme elle l'entend. Au surplus, un entretien avec le requérant, candidat battu, a été publié dans l'édition du 19 mars 1997. Dès lors, ne peut qu'être rejeté le grief tiré de ce que la publication de l'entretien du candidat élu constituerait un avantage en nature en faveur de celui-ci, contraire aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral, et devant être inclus dans son compte de campagne en application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 52-12 du même code.

(97-2195 AN, 29 janvier 1998, cons. 8, Journal officiel du 1er février 1998, page 1634)

Le candidat élu a inclus dans son compte de campagne les montants facturés par une société commerciale pour la mise à sa disposition d'une machine à affranchir. Il n'est établi ni que ces factures auraient été minorées, ni que la société l'aurait fait bénéficier de prestations qu'elle ne lui aurait pas facturées. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que le candidat élu aurait bénéficié, de la part de cette société, d'avantages en nature prohibés par les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral. Par suite, les sommes correspondantes n'avaient pas à être intégrées dans son compte de campagne en application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 52-12 du même code.

(97-2195 AN, 29 janvier 1998, cons. 9, Journal officiel du 1er février 1998, page 1634)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.7. Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques
  • 8.3.5.7.4. Évaluations effectuées par la Commission

À supposer même que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques aurait dû retirer du compte de campagne du candidat élu plus de dépenses qu'elle ne l'a fait, une telle soustraction aurait été de nature non à entraîner le rejet du compte de campagne mais seulement une réformation plus importante. Le grief ainsi soulevé par le requérant est inopérant.

(97-2195 AN, 29 janvier 1998, cons. 12, Journal officiel du 1er février 1998, page 1634)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.8. Dépouillement
  • 8.3.6.8.5. Nombre des émargements différent de celui des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne
  • 8.3.6.8.5.2. Jurisprudence faisant suite aux élections législatives de 1988

Il résulte de l'examen des procès-verbaux des opérations électorales de plusieurs bureaux de vote qu'il existe une discordance, de 10 unités seulement, entre le nombre des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne et celui des émargements. Toutefois, la déduction de 10 voix du nombre des suffrages obtenus par le candidat élu est, compte tenu du nombre des suffrages séparant les deux candidats, sans influence sur le résultat de l'élection.

(97-2195 AN, 29 janvier 1998, cons. 5, Journal officiel du 1er février 1998, page 1634)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.9. Contentieux - Griefs
  • 8.3.9.3. Griefs nouveaux
  • 8.3.9.3.1. Existence

Des griefs relatifs à la campagne électorale, qui sont distincts de celui par lequel le requérant soutient que des distributions tardives de tracts auraient constitué une manœuvre de dernière heure ayant exercé une influence sur le résultat de l'élection, n'ont été présentés que dans un mémoire complémentaire enregistré après l'expiration du délai de dix jours prévu à l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958. Il en va de même d'un grief tiré de l'irrégularité de certaines inscriptions sur les listes électorales.

(97-2195 AN, 29 janvier 1998, cons. 2, 3, Journal officiel du 1er février 1998, page 1634)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.9. Contentieux - Griefs
  • 8.3.9.9. Griefs inopérants

À supposer même que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques aurait dû retirer du compte de campagne du candidat élu plus de dépenses qu'elle ne l'a fait, une telle soustraction aurait été de nature non à entraîner le rejet du compte de campagne mais seulement une réformation plus importante. Grief inopérant.

(97-2195 AN, 29 janvier 1998, cons. 12, Journal officiel du 1er février 1998, page 1634)
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