Décision

Décision n° 96-381 DC du 14 octobre 1996

Résolution modifiant le règlement du Sénat
Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 4 octobre 1996, par le président du Sénat, conformément aux dispositions de l'article 61, alinéa 1, de la Constitution, d'une résolution en date du 3 octobre 1996 modifiant le règlement du Sénat ;

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution dans sa rédaction résultant notamment de la loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu la loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale ;

Vu le code de la sécurité sociale en son article LO 111-3 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires dans sa rédaction résultant notamment de la loi n° 96-517 du 14 juin 1996 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

SUR L'ARTICLE 1ER DE LA RESOLUTION :

1. Considérant que l'article 1er crée dans le règlement du Sénat un article 22 ter définissant les modalités d'application de l'article 5 ter de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, inséré par la loi n° 96-517 du 14 juin 1996 tendant à élargir les pouvoirs d'information du Parlement et à créer un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques ; qu'en vertu de cet article 5 ter les commissions permanentes ou spéciales peuvent demander à l'assemblée à laquelle elles appartiennent, pour une mission déterminée et une durée n'excédant pas six mois, de leur conférer les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête définies par l'article 6 de l'ordonnance précitée, dans les conditions et limites prévues par cet article ;

2. Considérant qu'en raison des exigences propres à la hiérarchie des normes juridiques dans l'ordre interne, la conformité à la Constitution des règlements des assemblées parlementaires doit s'apprécier au regard tant de la Constitution elle-même que des lois organiques prévues par celle-ci ainsi que des mesures législatives prises, en vertu du premier alinéa de l'article 92 de la Constitution alors en vigueur, pour la mise en place des institutions ; qu'entre dans cette dernière catégorie l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 susvisée relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ainsi que les modifications apportées par la loi à ladite ordonnance, postérieurement au 4 février 1959 ; que toutefois ces dernières ne s'imposent à une assemblée parlementaire lorsqu'elle modifie ou complète son règlement qu'autant qu'elles sont conformes à la Constitution ;

3. Considérant que le 1er alinéa de l'article 22 ter dispose que la demande présentée par une commission permanente ou spéciale en application de l'article 5 ter de l'ordonnance précitée doit déterminer avec précision l'objet et la durée de la mission qui ne peut excéder six mois ;

4. Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 43 de la Constitution : « Les projets et propositions de loi sont, à la demande du Gouvernement ou de l'assemblée qui en est saisie, envoyés pour examen à des commissions spécialement désignées à cet effet » ; qu'il résulte de cette disposition que ces commissions cessent d'exister lorsque le Parlement s'est définitivement prononcé sur le texte qui a provoqué leur création ou lorsque ce dernier a été retiré ; que dès lors, la durée maximale de six mois prévue au 1er alinéa de l'article 22 ter ne saurait être entendue comme leur permettant de poursuivre leurs travaux au delà de la date de la décision définitive du Parlement sur le texte qui a provoqué leur création ou de la date de retrait de ce dernier ;

5. Considérant que le deuxième alinéa de l'article 22 ter se borne à déterminer les conditions dans lesquelles la demande est portée à la connaissance du Sénat et inscrite à son ordre du jour ; que le troisième alinéa prévoit seulement pour sa part que lorsque la demande n'émane pas d'elle, la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale est appelée à émettre un avis sur la conformité de cette demande avec les dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 précitée ;

6. Considérant qu'en vertu de l'article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958 les prérogatives des commissions d'enquête susceptibles d'être conférées aux commissions permanentes ou spéciales doivent l'être « dans les conditions et limites » prévues par l'article 6 de ladite ordonnance ; qu'il en résulte que l'ensemble des dispositions prévues par cet article s'impose aux travaux d'une commission permanente ou spéciale effectués dans le cadre d'une mission pour laquelle lui ont été conférées les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête ;

7. Considérant que pour autant qu'elles n'attribuent aux commissions permanentes et spéciales qu'un simple rôle d'information pour permettre au Sénat d'exercer, pendant les sessions ordinaires et extraordinaires, son contrôle sur la politique du Gouvernement, dans les conditions prévues par la Constitution, les dispositions de l'article premier de la résolution, sous les réserves mentionnées ci-dessus, ne méconnaissent aucune règle de nature constitutionnelle ;

- SUR L'ARTICLE 2 DE LA RESOLUTION :

8. Considérant que l'article 2 complète l'article 45 du règlement du Sénat par trois alinéas ;

9. Considérant que les deux premiers déterminent les conditions dans lesquelles est constatée l'irrecevabilité des amendements aux projets de loi de financement de la sécurité sociale au regard du domaine de ces lois tel que défini par l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ; que ces conditions sont identiques à celles qui sont prévues par les alinéas 1 et 12 de l'article 45 du règlement pour l'application de l'article 40 de la Constitution, la commission des affaires sociales exerçant les responsabilités qui sont dévolues à la commission des finances en application de ces dernières dispositions ; que dès lors les deux premiers alinéas de l'article 2 doivent être regardés comme conformes à la Constitution ;

10. Considérant que le troisième alinéa prévoit l'application de la même procédure que celle instituée par ces deux premiers alinéas aux propositions de lois déposées par les sénateurs ; que cette disposition qui doit être entendue sans préjudice de l'application des prescriptions de l'article 24 du règlement n'est pas dès lors contraire à la Constitution ;

- SUR L'ARTICLE 3 DE LA RESOLUTION :

11. Considérant que cet article qui a pour objet de modifier, à l'article 9 du règlement, l'appellation des sénateurs siégeant au sein d'organismes extérieurs au Parlement en vertu d'un texte législatif ou réglementaire n'est contraire à aucune disposition constitutionnelle ;

Décide :
Article premier :
La résolution soumise à l'examen du Conseil constitutionnel est déclarée conforme à la Constitution sous les réserves indiquées dans les motifs de la présente décision.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée au président du Sénat et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 octobre 1996, où siégeaient : MM Roland DUMAS, président, Maurice FAURE, Georges ABADIE, Jean CABANNES, Michel AMELLER, Jacques ROBERT, Alain LANCELOT et Mme Noelle Lenoir.
Le président, Roland DUMAS

Journal officiel du 18 octobre 1996, page 15302
Recueil, p. 117
ECLI : FR : CC : 1996 : 96.381.DC

Les abstracts

  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.5. CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
  • 1.5.8. Titre VII - Le Conseil Constitutionnel
  • 1.5.8.7. Contrôle a priori de la constitutionnalité des lois, des référendums de l'article 11 alinéa 3 et des règlements d'assemblée (article 61)
  • 1.5.8.7.1. Contrôle obligatoire de constitutionnalité (article 61 alinéa 1er)
  • 1.5.8.7.1.3. Contrôle des règlements d'assemblée
  • 1.5.8.7.1.3.2. Normes de référence pour le contrôle de constitutionnalité des règlements des assemblées

L'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et ses modifications successives ne s'imposent à une assemblée parlementaire lorsqu'elle modifie ou complète son règlement qu'autant qu'elles sont conformes à la Constitution. En vertu de l'article 5 ter de cette ordonnance les commissions permanentes ou spéciales peuvent demander à l'assemblée à laquelle elles appartiennent, pour une mission déterminée et une durée n'excédant pas six mois, de leur conférer les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête définies par l'article 6 de ladite ordonnance, dans les conditions et limites prévues par cet article. Or, il résulte de l'article 43 de la Constitution que les commissions spéciales cessent d'exister lorsque le Parlement s'est définitivement prononcé sur le texte qui a provoqué leur création ou lorsque ce dernier a été retiré. Dès lors, une disposition du règlement d'une assemblée parlementaire fixant à six mois la durée maximale durant laquelle une commission spéciale peut exercer les prérogatives des commissions d'enquête ne saurait être entendue comme leur permettant de poursuivre leurs travaux au-delà de la date de la décision définitive du Parlement sur le texte qui a provoqué leur création ou de la date de retrait de ce dernier.

(96-381 DC, 14 octobre 1996, cons. 1, 2, 3, 4, Journal officiel du 18 octobre 1996, page 15302)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.1. Initiative
  • 10.3.1.2. Propositions de loi
  • 10.3.1.2.2. Recevabilité au regard de l'article 40 de la Constitution

Une disposition du règlement du Sénat prévoyant l'application aux propositions de loi déposées par les sénateurs des règles de recevabilité applicables aux amendements, au regard du domaine des lois de financement de la sécurité sociale n'est pas contraire à la Constitution dès lors qu'elle doit être entendue sans préjudice de l'application d'une autre disposition du règlement relative au contrôle de recevabilité des propositions de loi par le bureau du Sénat ou certains de ses membres désignés par lui à cet effet.

(96-381 DC, 14 octobre 1996, cons. 10, Journal officiel du 18 octobre 1996, page 15302)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.2. Examen en commission

Il résulte de l'article 43 de la Constitution que les commissions spéciales cessent d'exister lorsque le Parlement s'est définitivement prononcé sur le texte qui a provoqué leur création ou lorsque ce dernier a été retiré. Dès lors, une disposition du règlement d'une assemblée parlementaire fixant à six mois la durée maximale au cours de laquelle une commission spéciale peut exercer les prérogatives des commissions d'enquête ne saurait être entendue comme leur permettant de poursuivre leurs travaux au-delà de la date de la décision définitive du Parlement sur le texte qui a provoqué leur création ou de la date de retrait de ce dernier.

(96-381 DC, 14 octobre 1996, cons. 3, 4, Journal officiel du 18 octobre 1996, page 15302)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.5. Droit d'amendement
  • 10.3.5.2. Recevabilité
  • 10.3.5.2.8. Recevabilité des amendements aux projets de loi de financement de la sécurité sociale

Un article du règlement d'une assemblée parlementaire déterminant la procédure selon laquelle sera déclarée l'irrecevabilité des amendements étrangers au domaine des lois de financement de la sécurité sociale en renvoyant aux règles concernant la recevabilité des amendements au regard de l'article 40 de la Constitution ou en établissant des règles identiques est conforme à la Constitution.

(96-381 DC, 14 octobre 1996, cons. 9, Journal officiel du 18 octobre 1996, page 15302)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.4. FONCTION DE CONTRÔLE ET D'ÉVALUATION
  • 10.4.3. Contrôle de l'activité gouvernementale et évaluation des politiques publiques en séance et en commission
  • 10.4.3.2. Rôle des commissions permanentes

Des dispositions du règlement d'une assemblée parlementaire ayant pour objet de transposer aux commissions permanentes et spéciales, lorsqu'elles exercent les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête, le régime applicable à ces dernières, sont conformes à la Constitution pour autant toutefois qu'elles n'attribuent aux commissions permanentes et spéciales qu'un simple rôle d'information pour permettre à cette assemblée d'exercer, pendant les sessions ordinaires et extraordinaires, son contrôle sur la politique du Gouvernement dans les conditions prévues par la Constitution.

(96-381 DC, 14 octobre 1996, cons. 6, 7, Journal officiel du 18 octobre 1996, page 15302)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.4. FONCTION DE CONTRÔLE ET D'ÉVALUATION
  • 10.4.3. Contrôle de l'activité gouvernementale et évaluation des politiques publiques en séance et en commission
  • 10.4.3.3. Rôle des commissions et missions non permanentes
  • 10.4.3.3.1. Rôle des commissions d'enquête

Des dispositions du règlement d'une assemblée parlementaire ayant pour objet de transposer aux commissions permanentes et spéciales, lorsqu'elles exercent les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête, le régime applicable à ces dernières, sont conformes à la Constitution pour autant toutefois qu'elles n'attribuent aux commissions permanentes et spéciales qu'un simple rôle d'information pour permettre à cette assemblée d'exercer, pendant les sessions ordinaires et extraordinaires, son contrôle sur la politique du Gouvernement dans les conditions prévues par la Constitution.

(96-381 DC, 14 octobre 1996, cons. 6, 7, Journal officiel du 18 octobre 1996, page 15302)
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