Décision n° 95-11 I du 14 septembre 1995
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 29 juin 1995, par le président du Sénat, au nom du bureau de cette assemblée, dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article LO 151 et à l'article LO 297 du code électoral d'une demande tendant à apprécier si M Philippe Marini, sénateur de l'Oise, qui envisage d'être membre du conseil de surveillance de la société en commandite par actions Keinwort, Benson, Gimar et Cie, se trouverait dans un cas d'incompatibilité ;
Vu les observations produites par M Marini, enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel les 5 et 27 juillet 1995 ;
Vu les pièces desquelles il résulte que communication de la saisine a été faite au ministre de l'économie et des finances, lequel n'a pas produit d'observations ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral, notamment ses articles LO 146, LO 146-1, LO 147, LO 151, LO 151-1, et LO 297 ;
Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 modifiée sur les sociétés commerciales ;
Vu la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 modifiée relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que la question posée au Conseil constitutionnel est de savoir si M Philippe Marini se trouverait, à raison des fonctions de membre du conseil de surveillance de la société en commandite par actions Kleinwort, Benson, Gimar et Cie qu'il envisage d'exercer, dans un des cas d'incompatibilité prévus par le code électoral ;
2. Considérant qu'en vertu de l'article LO 297 du code électoral les incompatibilités édictées s'agissant des députés au chapitre IV du titre II de son livre Ier sont applicables aux sénateurs ;
3. Considérant d'une part qu'aux termes de l'article LO 146 du même code : « Sont incompatibles avec le mandat parlementaire les fonctions de chef d'entreprise, de président de conseil d'administration, de président et de membre de directoire, de président de conseil de surveillance, d'administrateur délégué, de directeur général, directeur général adjoint ou gérant exercées dans :
» 1 ° Les sociétés, entreprises ou établissements jouissant, sous forme de garanties d'intérêts, de subventions ou, sous forme équivalente, d'avantages assurés par l'Etat ou par une collectivité publique, sauf dans le cas où ces avantages découlent de l'application automatique d'une législation générale ou d'une réglementation générale ;
« 2 ° Les sociétés ayant exclusivement un objet financier et faisant publiquement appel à l'épargne, ainsi que les sociétés civiles autorisées à faire publiquement appel à l'épargne et les organes de direction, d'administration ou de gestion de ces sociétés ;
» 3 ° Les sociétés ou entreprises dont l'activité consiste principalement dans l'exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services pour le compte ou sous le contrôle de l'Etat, d'une collectivité ou d'un établissement public ou d'une entreprise nationale ou d'un Etat étranger ;
« 4 ° Les sociétés ou entreprises à but lucratif dont l'objet est l'achat ou la vente de terrains destinés à des constructions, quelle que soit leur nature, ou qui exercent une activité de promotion immobilière ou, à titre habituel, de construction d'immeubles en vue de leur vente ;
» 5 ° Les sociétés dont plus de la moitié du capital est constitué par des participations de sociétés, entreprises ou établissements visés aux 1 °, 2 °, 3 ° et 4 ° ci-dessus.
« Les dispositions du présent article sont applicables à toute personne qui, directement ou par personne interposée, exerce en fait la direction de l'un des établissements, sociétés ou entreprises ci-dessus visés. », et que l'article LO 147 du même code dispose que : « Il est interdit à tout député d'accepter, en cours de mandat, une fonction de membre du conseil d'administration ou de surveillance dans l'un des établissements, sociétés ou entreprises visés à l'article LO 146 » ;
4. Considérant qu'il résulte de l'article 2 des statuts de la société en commandite par actions Kleinwort, Benson, Gimar et Cie que celle-ci a pour objet toutes activités ou opérations pouvant être exercées par une maison de titres, toutes prestations de services en matière de valeurs mobilières ainsi que le conseil et l'assistance dans le domaine de la gestion financière, de la gestion de patrimoine, de la privatisation d'entreprises et tous services de gestion et vente d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières ainsi que toutes opérations pouvant s'y rattacher ; que, dans ces conditions, la société concernée n'entre pas dans le champ d'application des dispositions combinées des articles LO 147 et LO 146 précités ;
5. Considérant d'autre part qu'aux termes de l'article LO 146-1 du même code : « Il est interdit à tout député de commencer à exercer une fonction de conseil qui n'était pas la sienne avant le début de son mandat. Cette interdiction n'est pas applicable aux membres des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé » ;
6. Considérant qu'il résulte des éléments d'information soumis au Conseil constitutionnel que les membres du conseil de surveillance de la société concernée exercent des responsabilités d'avis et de contrôle, mais n'assurent pas la direction et la gestion de cette société ; que, dans ces conditions, nonobstant la circonstance que ladite société développe des activités de conseil, la seule qualité de membre de son conseil de surveillance ne saurait être regardée comme l'exercice d'une « fonction de conseil » au sens de l'article LO 146-1 ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'exercice par M Marini des fonctions de membre du conseil de surveillance de la société Kleinwort, Benson, Gimar et Cie n'est pas incompatible avec son mandat parlementaire,
Décide :
Article premier :
Les fonctions de membre du conseil de surveillance de la société Kleinwort, Benson, Gimar et Cie ne sont pas incompatibles avec l'exercice par M Philippe Marini de son mandat de sénateur.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée au président du Sénat, à M Philippe Marini et publiée au Journal officiel de la République française.Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 septembre 1995, où siégeaient MM Roland DUMAS, président, Etienne Dailly, Maurice FAURE, Marcel RUDLOFF, Georges ABADIE, Michel AMELLER, Jacques ROBERT et Mme Noëlle LENOIR.
Le président, Roland DUMASJournal officiel du 16 septembre 1995, page 13666
Recueil, p. 223
ECLI : FR : CC : 1995 : 95.11.I
Les abstracts
- 10. PARLEMENT
- 10.1. MANDAT PARLEMENTAIRE
- 10.1.2. Incompatibilités
- 10.1.2.4. Cumul avec l'exercice d'activités privées
10.1.2.4.7. Activités professionnelles, en particulier de conseil (L.O. 146-1 et L.O. 149)
Un membre du conseil de surveillance d'une société, exerçant des responsabilités d'activité et de contrôle mais n'assurant pas la direction et la gestion de cette société, ne saurait être regardé comme exerçant une " fonction de conseil " au sens de l'article L.O. 146-1 du code électoral, nonobstant la circonstance que ladite société développe des activités de conseil.