Décision

Décision n° 94-9 ELEC du 29 mars 1994

Observations du Conseil constitutionnel relatives aux élections législatives des 21 et 28 mars 1993

Le Conseil constitutionnel, chargé en application de l'article 59 de la Constitution, de statuer, en cas de contestation, sur la régularité de l'élection des députés, est conduit consécutivement au contentieux des dernières élections législatives à faire les observations suivantes :

I. En ce qui concerne les condition relatives aux déclarations de candidature et leurs incidences financières

Les dispositions des articles 8 et 9 de la loi n° 88-227 du II mars 1988 modifiée prévoient l'attribution d'une aide publique dont la moitié revient aux partis et groupements politiques en fonction de leurs résultats aux élection à l'Assemblée nationale. Il suffit que le partis et groupements concernés aient présenté des candidats dans au moins cinquante circonscriptions.

Le Conseil constitutionnel, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politique de la situation de candidats dont les comptes avaient été déposés tardivement ou selon des formes irrégulières a observé que nombre d'entre entre eux soutenaient qu'ils n'avaient pas pris conscience de la portée de leur acte de candidature ni fixé le choix de la circonscription concernée. Or les suffrages qu'ils ont obtenus, dans les condition ainsi alléguées, ont ouvert droit à financement public pour chaque année de la législature au bénéfice des groupements ayant pu solliciter leur candidature.

Afin d'éviter que l'utilisation de fonds publics puisse donner lieu à des abus, voire à des détournements, le Conseil constitutionnel formule les observations suivantes :

  1. Par sa décision 89-271 DC du 11 janvier 1990, il a considéré que la seule prise en compte pour l'accès au financement public des « résultats égaux ou supérieurs à 5 % des suffrages exprimés dans chaque circonscription » était contraire à la Constitution dès lors qu' « en raison du seuil choisi », elle était de nature à entraver l'expression de nouveaux courants d'idées et d'opinion. Il n'a pas jugé pour autant que la fixation de tout seuil serait contraire aux dispositions des articles 2 et 4 de la Constitution.
    Le Conseil constitutionnel a souligné d'ailleurs par la même décision que les dispositions relatives au financement de la vie politique ne devaient pas conduire a provoquer des situations d'enrichissement sans cause.

  2. Le Conseil constitutionnel suggère que par une modification de l'article L.157 du Code électoral, soit désormais exigée des candidats une déclaration personnelle de candidature à la préfecture.

  3. Le Conseil constitutionnel préconise que le cautionnement prévu par l'article L 158 du même code soit versé personnellement par le candidat.

  4. Le Conseil constitutionnel souhaite enfin que la méconnaissance de la législation sur les comptes de campagne ait pour conséquence l'absence de prise en compte des suffrages obtenus par le candidat concerné pour le financement de la formation politique à laquelle celui-ci a déclaré se rattacher.

II. En ce qui concerne la contestation des actes préliminaires aux opérations électorales

Les opérations préliminaires aux élections ont donné lieu, par la voie du référé, à de nombreuses décisions des juges judiciaires qui selon les cas se sont reconnus ou non compétents alors qu'ils étaient saisis de requêtes alléguant notamment des confusions entre des dénominations de candidatures et des présentations de bulletins. En l'état de la législation, les actes préliminaires aux opérations électorales ne peuvent être contestés que devant le Conseil constitutionnel en sa qualité de juge de l'élection à l'occasion du contentieux des opérations électorales.

Il apparaît toutefois au Conseil constitutionnel qu'il serait souhaitable d'ouvrir préalablement aux opérations électorales une voie de droit permettant de mettre fin à des abus qui même s'ils ne sont pas de nature à modifier le résultat de l'élection peuvent conduire à altérer la répartition des suffrages entre candidats, laquelle détermine le financement public des formations politiques.

Il préconise donc que le législateur institue une procédure d'urgence de nature juridictionnelle en déterminant précisément les cas dans lesquels celles-ci pourrait être mise en œuvre par le juge compétent, administratif ou judiciaire

III - En ce qui concerne le contrôle de la régularité des comptes de campagne

Ce contrôle fait intervenir la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, puis le cas échéant le Conseil constitutionnel dans des conditions qui appellent de adaptations.

Pour méconnaissance de la législation sur les comptes de campagne, la Commission a saisi le Conseil constitutionnel des cas de 648 candidats. Six candidats élus seulement étaient concernés. Dans les autres cas, les décisions d'inéligibilité pour un an que le Conseil constitutionnel a été, consécutivement à ces saisines, conduit à prononcer ont et dépourvues de portée en elles-mêmes.
Le Conseil constitutionnel déplore cette situation. Il souhaite n'être saisi que dans des cas qui le justifient réellement compte tenu de l'examen auquel aura pu procéder la Commission.

À cette fin, il préconise les orientation :

- En premier lieu, les dispositions législatives régissant le fonctionnement de la Commission pourraient prévoir que celle-ci adresse des demandes préalables de régularisation s'agissant du défaut de présentation des comptes par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés, ou de défaut de production soit de pièces annexes soit de pièces justificatives.

- En deuxième lieu, pour éviter la multiplicité des rejets de comptes en raison de retards de faible importance, au délai de réception des comptes à la préfecture pourrait être substitué un délai d'envoi, le cachet de la poste faisant foi.

- En troisième lieu, le Conseil constitutionnel, soucieux de préserver la totalité du délai d'examen imparti à la Commission, souhaiterait que soit précisé par la loi que la période de six mois prévue est un délai pour statuer et non pour faire parvenir la décision prise au juge de l'élection. Le Conseil constitutionnel souhaite par ailleurs disposer de délais de jugement mieux adaptés à l'examen des cas dont il est saisi par la Commission.

En l'état actuel de la législation, la Commission dispose d'un délai de six mois à compter du dépôt des comptes, lequel doit être effectué dans les deux mois qui suivent le tour de scrutin où l'élection est acquise. Dans ces conditions, elle n'est en général tenue d'avoir statué que huit mois après cette date. Pour sa part, le ministère de 1'lntérieui dispose de trois mois pour l'organisation éventuelle de nouvelles élections. Dès lors que la période d'inéligibilité encourue est actuellement d'une année à compter du jour de l'élection, le Conseil constitutionnel est ainsi conduit à se prononcer lui-même dans un délai de neuf mois, ce qui peut ne lui laisser qu'une période d'examen réduite à un mois.

Pour être assuré du temps nécessaire à des procédures d'instruction dont certaines peuvent se révéler complexes, le Conseil constitutionnel demande que les décisions d'inéligibilité qu'il peut être amené à prendre portent effet non à dater du jour de l'élection mais à la date de l'intervention desdites décisions, ainsi qu'il est d'ailleurs pratiqué par le juge administratif pour les élections relevant de la compétence de celui-ci.

Recueil, p. (pas de publication au recueil)
ECLI : FR : CC : 1994 : 94.9.ELEC

Toutes les décisions