Décision

Décision n° 93-1372 AN du 1er décembre 1993

A.N., Réunion (4ème circ.)
Rejet

Le Conseil constitutionnel,

Vu la requête présentée par M. Elie Hoarau, demeurant à Saint-Pierre (Réunion), déposée à la préfecture de la Réunion le 8 avril 1993 et enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 9 avril 1993, tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 21 et 28 mars 1993 dans la 4e circonscription de la Réunion pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu les observations présentées par le ministre des départements et territoires d'outre-mer, enregistrées comme ci-dessus le 17 mai 1993 ;

Vu la requête complémentaire produite par M. Hoarau, enregistrée comme ci-dessus le 17 juin 1993 ;

Vu les mémoires en défense présentés par M. André-Maurice Pihouée, enregistrés comme ci-dessus les 7 juin, 9 juillet et 13 juillet 1993 ;

Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne des financements politiques, enregistrée comme ci-dessus le 25 août 1993, approuvant le compte de campagne de M. Pihouée ;

Vu le supplément d'instruction décidé le 12 octobre 1993 par la section du Conseil constitutionnel chargée de l'instruction ;

Vu le nouveau mémoire présenté par M. Pihouée enregistré comme ci-dessus le 5 novembre 1993 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l'article 59 de la Constitution ;

Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique ;

Vu le code électoral ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Sur le grief relatif à la candidature de M. Metas :

1. Considérant que le requérant soutient que M. Metas candidat du Mouvement chrétien pour la Ve République a présenté une candidature fictive pour permettre de rassembler sous son nom des voix destinées à se porter au second tour sur le candidat investi par le Rassemblement pour la République ; que ni la circonstance que le programme défendu par M. Metas soit proche de celui du R.P.R., ni celle que celui-ci a appelé les électeurs à porter au second tour leurs suffrages sur M. Pihouée ne sont de nature à établir la manoeuvre alléguée ;

Sur les griefs tirés du déroulement de la campagne électorale :

2. Considérant que, si M. Hoarau fait état d'un incident au cours duquel l'un de ses sympathisants a été insulté par des agents de sécurité qui ont également déchiré les affiches à son effigie apposées sur la maison de celui-ci, il n'établit pas de ce seul fait que des membres du service d'ordre recrutés par M. Pihouée se soient livrés à des manoeuvres d'intimidation sur les électeurs de nature à affecter la sincérité du scrutin ;

3. Considérant que M. Pihouée a utilisé à plusieurs reprises l'antenne d'une radio privée dans les semaines précédant l'élection ; que toutefois il ne résulte pas de l'instruction que cette irrégularité ait exercé d'influence déterminante sur l'issue du scrutin, dès lors que les autres candidats de la circonscription ont été mis à même d'utiliser dans des conditions similaires l'antenne de cette radio ;

4. Considérant que M. Hoarau n'établit pas que M. Pihouée ait utilisé pour sa campagne électorale des personnels, des véhicules, du matériel de bureau appartenant au conseil général, ni que son suppléant, maire de la commune de Saint-Joseph, ait réservé le jour du scrutin aux seuls électeurs favorables à sa candidature les autobus municipaux de cette commune ;

Sur les griefs tirés de l'irrégularité du compte de campagne de M. Pihouée :

5. Considérant que le requérant fait valoir que les dépenses de campagne de M. Pihouée, candidat proclamé élu à l'issue du second tour, ont dépassé le plafond des dépenses électorales en application de l'article L. 52-11 du code électoral ; que ce plafond est de 500 000 F par candidat pour l'élection des députés dans les circonscriptions dont la population est égale ou supérieure à 80 000 habitants ; que M. Hoarau demande au Conseil constitutionnel de constater le dépassement du plafond des dépenses autorisé, de prononcer l'inéligibilité de M. Pihouée ainsi que de son suppléant en tant que député pour une durée d'un an à compter de l'élection et d'annuler celle-ci ;

6. Considérant que le compte de campagne de M. Pihouée a été déposé, conformément aux prescriptions du deuxième alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral, dans le délai de deux mois suivant le tour de scrutin à l'issue duquel il a été proclamé élu ; que, par une décision en date du 28 juillet 1993, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a approuvé le compte de l'intéressé

7. Considérant que M. Hoarau fait grief à M. Pihouée, d'une part, d'avoir omis de faire figurer sur son compte de campagne certains chefs de dépenses et, en particulier, les dépenses de la campagne électorale de M. Metas, certains frais exposés lors de la venue à la Réunion de personnalités représentant des formations politiques, le coût de la participation du candidat à des émissions de radio aux fins de propagande et, d'autre part, d'avoir minoré le coût de certaines dépenses exposées par lui ou pour son compte ;

En ce qui concerne la candidature de M. Metas :

8. Considérant que la candidature de M. Metas, ainsi qu'il vient d'être dit, n'a pas été fictive ; que, dès lors, le grief tiré de ce que l'ensemble des dépenses électorales engagées par ce candidat auraient dû être comprises dans le compte de campagne de M. Pihouée doit être écarté

En ce qui concerne les agents de sécurité et les prestations fournies par MM. Muriel et Allo :

9. Considérant que M. Hoarau n'établit pas que la somme de 50 000 F destinée à rémunérer les agents du service de sécurité ait été insuffisamment évaluée ; qu'il en est de même du coût des prestations fournies par M. Muriel chargé de la communication, estimé à 55 961,06 F, et de celles de M. Allo chargé de la sécurité de la campagne de M. Pihouée, estimé à 20 000 F ;

En ce qui concerne les émissions de radio :

10. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le candidat proclamé élu ait demandé un temps d'antenne sur la radio « 102 FM » que l'émission en cause s'est déroulée dans le cadre général de l'information sur la campagne électorale et que les candidats ont tous été invités à en bénéficier gratuitement ; que, par suite, il n'y a pas lieu de réintégrer dans le compte de campagne du candidat un avantage en nature correspondant ;

En ce qui concerne les frais de déplacement à la préfecture le lendemain du premier tour :

11. Considérant que M. Pihouée a inscrit dans son compte de campagne, pour une somme qui n'a pas été minorée, le prêt d'une machine à photocopier ainsi que la location d'un minibus pour transporter des partisans à la préfecture de la Réunion, afin de reproduire les listes électorales ;

En ce qui concerne la visite de M. Jean-Louis Debré :

12. Considérant que dans le compte de campagne de M. Pihouée figure une dépense correspondant au cinquième des frais de locations, de sonorisation de salles, de locations d'autobus et de la rémunération des agents de sécurité engagés à l'occasion de deux réunions électorales organisées dans les communes de Saint-Pierre et de Saint-Paul, lors de la visite de M. Jean-Louis Debré, venu de métropole apporter son soutien aux candidats de l'U.P.F.; qu'il résulte de l'instruction que ce soutien n'a bénéficié qu'aux candidats de deux circonscriptions dont celle de M. Pihouée ; qu'il y a lieu, dès lors, de réintégrer dans son compte de campagne une somme correspondant à la différence entre la moitié et le cinquième de ces dépenses, soit 10 050 F ;

13. Considérant que les frais liés au déplacement et à l'hébergement de représentants de formations politiques se rendant dans une circonscription ne constituent pas, pour le candidat qu'ils viennent soutenir, une dépense électorale qui doit figurer dans son compte de campagne ;

En ce qui concerne le transport des électeurs par autobus :

14. Considérant que, contrairement aux allégations de la requête, les autobus mis par la commune de Saint-Joseph à la disposition des électeurs éloignés des bureaux de vote le jour de l'élection n'ont pas été réservés aux partisans de M. Pihouée ; que dès lors la dépense correspondante n'a pas à figurer dans le compte de campagne du candidat élu ;

En ce qui concerne les moyens mis à la disposition du candidat par M. Thien Ah Koon :

15. Considérant que M. Hoarau n'établit pas que M. Thien Ah Koon, candidat élu dans la 3e circonscription de la Réunion dès le premier tour, ait mis à la disposition de M. Pihouée des moyens en personnel et en matériel pour sa campagne du second tour ; que dès lors, le grief tiré de ce que les dépenses correspondantes doivent figurer dans le compte de campagne de M. Pihouée n'est pas fondé

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le montant des dépenses du compte de campagne de M. Pihouée s'établit à 381 242 F ; qu'il y a dès lors lieu d'écarter le grief tiré d'un dépassement du compte de campagne,

Décide :
Article premier :
La requête de M. Elie Hoarau est rejetée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er décembre 1993, où siégeaient : MM. Robert BADINTER, président, Robert FABRE, Maurice FAURE, Marcel RUDLOFF, Georges ABADIE, Jean CABANNES, Jacques LATSCHA, Jacques ROBERT et Mme Noëlle LENOIR.
Le président,
Robert BADINTER

Journal officiel du 5 décembre 1993, page 16927
Recueil, p. 502
ECLI : FR : CC : 1993 : 93.1372.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.13. Radio-télévision

Le candidat élu a utilisé à plusieurs reprises l'antenne d'une radio privée dans les semaines précédant l'élection. Toutefois cette irrégularité n'a pas exercé d'influence déterminante sur l'issue du scrutin, dès lors que les autres candidats de la circonscription ont été mis à même d'utiliser dans des conditions similaires l'antenne de cette radio.

(93-1372 AN, 01 décembre 1993, cons. 3, Journal officiel du 5 décembre 1993, page 16927)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.4. Campagne électorale - Pressions, interventions, manœuvres
  • 8.3.4.1. Nature des pressions, interventions, manœuvres
  • 8.3.4.1.8. Pressions par intimidation ou corruption
  • 8.3.4.1.8.5. Injures

Le requérant fait état d'un incident au cours duquel l'un de ses sympathisants a été insulté par des agents de sécurité qui ont également déchiré les affiches à son effigie apposées sur la maison de celui-ci. Il n'établit pas de ce seul fait que des membres du service d'ordre recrutés par l'élu se soient livrés à des manœuvres d'intimidation sur les électeurs de nature à affecter la sincérité du scrutin.

(93-1372 AN, 01 décembre 1993, cons. 2, Journal officiel du 5 décembre 1993, page 16927)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.4. Campagne électorale - Pressions, interventions, manœuvres
  • 8.3.4.2. Manœuvres ou interventions relatives à la situation politique des candidats
  • 8.3.4.2.1. Appartenance ou " étiquette " politique

Le requérant soutient que le candidat non élu du " Mouvement chrétien pour la Ve République " a présenté une candidature fictive pour permettre de rassembler sous son nom des voix destinées à se porter au second tour sur le candidat investi par le Rassemblement pour la République (RPR). Ni la circonstance que le programme défendu par ce candidat soit proche de celui du RPR, ni celle que celui-ci a appelé les électeurs à porter au second tous leurs suffrages sur le candidat élu ne sont de nature à établir la manœuvre alléguée.

(93-1372 AN, 01 décembre 1993, cons. 1, Journal officiel du 5 décembre 1993, page 16927)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
  • 8.3.5.5.2. Dépenses devant figurer dans le compte
  • 8.3.5.5.2.6. Réunions

Dans le compte de campagne de l'élu figure une dépense correspondant au cinquième des frais de location, de sonorisation de salles, de location d'autobus, et de la rémunération des agents de sécurité engagés à l'occasion de deux réunions électorales, lors de la visite d'un homme politique nationale venu de métropole apporter son soutien aux candidats. Il résulte de l'instruction que ce soutien n'a bénéficié qu'aux candidats de deux circonscriptions dont celle de l'élu. Il y a lieu, dès lors, de réintégrer dans son compte de campagne une somme correspondant à la prise en compte de la moitié de ces dépenses, soit 10 050 F. Le total des dépenses demeure inférieur au plafond.

(93-1372 AN, 01 décembre 1993, cons. 12, Journal officiel du 5 décembre 1993, page 16927)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
  • 8.3.5.5.3. Dépenses n'ayant pas à figurer dans le compte

Les frais liés au déplacement et à l'hébergement de représentants de formations politiques se rendant dans une circonscription ne constituent pas, pour le candidat qu'ils viennent soutenir, une dépense électorale qui doit figurer dans son compte de campagne.

(93-1372 AN, 01 décembre 1993, cons. 13, Journal officiel du 5 décembre 1993, page 16927)

Les autobus mis par une commune à la disposition des électeurs éloignés des bureaux de vote le jour de l'élection, n'ont pas été réservés aux partisans de l'élu. Dès lors la dépense correspondante n'a pas à figurer dans le compte de campagne.

(93-1372 AN, 01 décembre 1993, cons. 14, Journal officiel du 5 décembre 1993, page 16927)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
  • 8.3.5.5.5. Réintégrations chiffrées

Dans le compte de campagne de l'élu figure une dépense correspondant au cinquième des frais de location, de sonorisation de salles, de location d'autobus, et de la rémunération des agents de sécurité engagés à l'occasion de deux réunions électorales organisées dans des communes, lors de la visite d'un homme politique national venu apporter son soutien aux candidats. Ce soutien n'a bénéficié qu'aux candidats de deux circonscriptions dont celle de l'élu. Réintégration dans son compte de campagne d'une somme correspondant à la différence entre la moitié et le cinquième de ces dépenses, soit 10 050 F. Le total des dépenses demeure inférieur au plafond.

(93-1372 AN, 01 décembre 1993, cons. 12, Journal officiel du 5 décembre 1993, page 16927)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.7. Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques
  • 8.3.5.7.4. Évaluations effectuées par la Commission

Le requérant n'établit pas que la somme de 50 000 F destinée à rémunérer les agents du service de sécurité ait été insuffisamment évaluée. Il en est de même du coût des prestations fournies par un chargé de la communication estimé à 55 961,06 F et de celles d'un chargé de la sécurité estimé à 20 000 F.

(93-1372 AN, 01 décembre 1993, cons. 9, Journal officiel du 5 décembre 1993, page 16927)

Le candidat a fait figurer dans son compte de campagne, pour une somme qui n'a pas été minorée, le prêt d'une machine à photocopier ainsi que la location d'un minibus pour transporter des partisans à la préfecture, afin de reproduire les listes électorales.

(93-1372 AN, 01 décembre 1993, cons. 11, Journal officiel du 5 décembre 1993, page 16927)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.1. Organisation matérielle du scrutin
  • 8.3.6.1.1. Transport d'électeurs, candidats, délégués

Le requérant n'établit pas que le suppléant de l'élu, maire d'une commune de la circonscription, ait réservé le jour du scrutin aux seuls électeurs favorables à sa candidature les autobus municipaux de cette commune. Grief rejeté.

(93-1372 AN, 01 décembre 1993, cons. 4, Journal officiel du 5 décembre 1993, page 16927)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
  • 8.3.6.4.13. Incidents divers

Le requérant fait état d'un incident au cours duquel l'un de ses sympathisants a été insulté par des agents de sécurité qui ont également déchiré les affiches à son effigie apposées sur la maison de celui-ci. Il n'établit pas de ce seul fait des manœuvres d'intimidation sur les électeurs de nature à affecter la sincérité du scrutin.

(93-1372 AN, 01 décembre 1993, cons. 2, Journal officiel du 5 décembre 1993, page 16927)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.10. Contentieux - Instruction
  • 8.3.10.1. Pouvoirs généraux d'instruction
  • 8.3.10.1.3. Vérifications administratives

Vérifications administratives.

(93-1372 AN, 01 décembre 1993, cons. 4, Journal officiel du 5 décembre 1993, page 16927)
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