Décision n° 93-1354 AN du 15 juin 1993
Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête présentée par Mme Marie-Angèle GERBERON demeurant à L'Île-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 8 avril 1993, et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 21 et 28 mars 1993 dans la 1re circonscription de la Seine-et-Marne pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. Jean-Claude Mignon, enregistré comme ci-dessus le 26 avril 1993 ;
Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur, enregistrées comme ci-dessus le 8 juin 1993 ;
Vu l'article 59 de la Constitution ; Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, notamment son article 75-1 ;
Vu le code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ; Le rapporteur ayant été entendu ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête :
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme GERBERON a déposé à la préfecture, dans les délais légaux, sa candidature pour l'élection législative qui s'est déroulée le 21 mars 1993 dans la 1ère circonscription de la Seine-et-Marne ; que les bulletins de vote en sa faveur, diffusés par les soins de la commission de propagande, instituée en application de l'article L. 166 du code électoral portaient la mention « Génération verte » ; que l'un de ses adversaires au premier tour de scrutin, Mme Françoise Lefebvre, estimant que l'utilisation de cette dénomination ainsi que le graphisme employé sur lesdits bulletins de vote étaient de nature à entraîner une confusion dans l'esprit des électeurs entre le mouvement « Génération Écologie » qui lui apportait son soutien, et l'étiquette politique choisie par Mme GERBERON, a saisi en référé le président du tribunal de grande instance de Melun aux fins d'obtenir que soient retirés les bulletins de vote litigieux et qu'il soit interdit à Mme GERBERON d'utiliser, sur tout document électoral, le titre « Génération verte » ; que ce magistrat a, par une ordonnance du 18 mars 1993, interdit à Mme GERBERON d'utiliser sur tout document électoral, et notamment sur les bulletins de vote, la mention « Génération verte » et a ordonné la mise sous séquestre de l'ensemble des bulletins, affiches et documents électoraux portant cette mention ;
2. Considérant que Mme GERBERON fait valoir devant le Conseil constitutionnel que cette décision de l'autorité judiciaire, qui n'avait pas compétence pour intervenir dans le déroulement des opérations préliminaires à une élection législative, l'a privée des suffrages d'un nombre important d'électeurs et a été par suite de nature à altérer la sincérité du scrutin ;
3. Considérant que les décisions de la commission de propagande d'assurer la diffusion des circulaires et des bulletins de vote des candidats à une élection législative qui répondent aux conditions légales, en application des dispositions combinées des articles L. 166, R. 34 et R. 38 du code électoral, constituent des actes préliminaires aux opérations électorales qui, en l'état de la législation, ne peuvent être contestés que devant le Conseil constitutionnel, juge de l'élection, à l'occasion du contentieux des opérations électorales ; qu'il suit de là qu'il n'appartient pas aux juridictions de l'ordre judiciaire d'enjoindre à un candidat de cesser d'utiliser une dénomination figurant sur les bulletins de vote diffusés par la commission de propagande ou de faire obstacle directement ou indirectement à l'utilisation de ces bulletins par les électeurs ;
4. Considérant toutefois que l'utilisation de la dénomination « Génération verte » était de nature à susciter la confusion, dans l'esprit des électeurs, avec les dénominations« Génération Écologie » et « Les Verts » déjà utilisées ; que ce risque de confusion était encore aggravé par le choix du graphisme employé sur les documents électoraux ; que dès lors, dans les circonstances de l'espèce, l'intervention de l'ordonnance susmentionnée ne doit pas être considérée comme ayant eu pour effet d'altérer la sincérité du scrutin ; qu'il suit de là que l'unique grief de la requête doit être écarté ;
- SUR LES CONCLUSIONS TENDANT AU REMBOURSEMENT DE FRAIS EXPOSES DANS L'INSTANCE :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 63 de la Constitution : « Une loi organique détermine les règles d'organisation et de fonctionnement du Conseil constitutionnel, la procédure qui est suivie devant lui... » ; qu'en vertu de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : « dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à d défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée... » ;
6. Considérant que monsieur MIGNON ne saurait utilement se prévaloir, devant le Conseil constitutionnel, au soutien de sa demande tendant au règlement par Madame GERBERON de la somme de 5 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 dès lors que cette disposition de procédure ne résulte pas, comme l'exige l'article 63 de la Constitution, d'une loi organique ; que dès lors ses conclusions doivent être rejetées ;
Décide :
Article premier :
La requête de Madame Marie-Angèle GERBERON est rejetée.
Article 2 :
Les conclusions de Monsieur Jean-Claude MIGNON sont rejetées.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 juin 1993, où siégeaient MM Robert BADINTER, Président, Robert FABRE, Maurice FAURE, Marcel RUDLOFF, Georges ABADIE, Jean CABANNES, Jacques LATSCHA, Jacques ROBERT et Mme Noëlle LENOIR.
Journal officiel du 19 juin 1993, page 8700
Recueil, p. 126
ECLI : FR : CC : 1993 : 93.1354.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
- 8.3.6.8. Dépouillement
- 8.3.6.8.3. Validité des bulletins
8.3.6.8.3.2. Mentions
Rédaction de bulletins " Génération verte " étant de nature, par l'appellation choisie, à susciter la confusion avec d'autres dénominations, ce risque de confusion étant aggravé par l'usage du graphisme des bulletins et documents électoraux.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.7. Contentieux - Compétence
- 8.3.7.1. Étendue de la compétence du Conseil constitutionnel
8.3.7.1.1. Décisions préliminaires
Il n'appartient qu'au Conseil constitutionnel, juge de l'élection, de connaître des contestations des décisions de la commission de propagande relatives à la diffusion des bulletins de vote, à leur dénomination et à leur graphisme. L'autorité judiciaire n'a pas compétence pour intervenir dans le déroulement de ces opérations préliminaires.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.7. Contentieux - Compétence
- 8.3.7.2. Questions n'entrant pas dans la compétence du Conseil constitutionnel
8.3.7.2.9. Frais irrépétibles
Dès lors qu'aux termes de l'article 63 de la Constitution la loi organique détermine les règles d'organisation et de fonctionnement du Conseil constitutionnel et la procédure qui est suivie devant lui, un requérant ne peut demander devant le Conseil constitutionnel la condamnation de la partie adverse au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens, car cette disposition de procédure, prévue par l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide judiciaire, ne résulte pas d'une loi organique.