Décision

Décision n° 91-1140 SEN du 23 mai 1991

Sénat, Paris
Rejet

Le Conseil constitutionnel,

Vu la requête de M. Pierre LAVAURS, demeurant à Lyon (Rhône), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 12 février 1991, tendant à l'annulation d'une partie des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 10 février 1991 dans le département de Paris pour la désignation d'un sénateur, d'autre part, du jugement en date du 25 janvier 1991 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa réclamation dirigée contre l'élection par le Conseil de Paris de ses délégués et suppléants au sein du collège électoral sénatorial ;

Vu les observations en défense présentées par M. Camille CABANA, sénateur, enregistrées comme ci-dessus le 4 mars 1991 ;

Vu le mémoire en réplique présenté par M. Pierre LAVAURS, enregistré comme ci-dessus le 7 mars 1991 ;

Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur, enregistrées comme ci-dessus le 11 mars 1991 ;

Vu les nouvelles observations présentées par M. Pierre LAVAURS, enregistrées comme ci-dessus le 14 mars 1991 ;

Vu les nouvelles observations en défense présentées par M. Camille CABANA, enregistrées comme ci-dessus le 18 mars 1991 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 24, 59 et 72 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu la loi n° 82-1169 du 31 décembre 1982 modifiée relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale ;

Vu le code électoral ;

Vu le règlement applicable. à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'en vertu de l'article L.O. 324 du code électoral, dans tous les cas où la vacance porte sur un seul siège de sénateur, il y est pourvu par une élection au scrutin majoritaire à deux tours : que cette élection est organisée suivant les règles fixées par l'article L.294 du même code ; que l'article L. 280 du code prévoit, dans sa. rédaction en vigueur à la date de l'élection contestée, que le collège électoral sénatorial départemental est composé, outre des députés, des conseillers régionaux élus dans le département et de conseillers généraux « des délégués des conseils municipaux ou des suppléants de ces délégués » ;

2. Considérant que selon l'article L.285 du code électoral, dans les communes de 9 000 habitants et plus, tous les conseillers municipaux sont délégués de droit et, de surcroît, dans les communes de plus de 30 000 habitants, les conseils municipaux élisent des délégués supplémentaires à raison de 1 pour 1000 habitants en sus de 30 000 ; que l'article L. 284 fixe les modalités de l'élection tant des délégués que de leurs suppléants ; qu'à la suite de ces opérations le préfet établit un tableau des électeurs sénatoriaux à caractère récognitif ;

3. Considérant que, dans son premier alinéa, l'article L. 292 du code électoral prévoit que des recours peuvent être formés contre le tableau des électeurs sénatoriaux « par tout membre du collège électoral sénatorial du département » ; que le même alinéa précise que ces recours sont présentés au tribunal administratif et que le jugement de celui-ci ne peut être contesté que devant le Conseil constitutionnel saisi de l'élection sénatoriale ; qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 292 : « Dans les mêmes conditions, la régularité de l'élection des délégués et suppléants d'une commune peut être contestée par le préfet ou par les électeurs de cette commune » ;

4. Considérant que M, Pierre Lavaurs, qui agit en qualité de personne inscrite sur les listes électorales de la commune de Paris, demande l'annulation de l'élection, le 10 février 1991, comme sénateur de Paris, de M. Camille Cabana ; qu'il soulève un moyen unique tiré de ce que les dispositions combinées des articles L, 264 et L. 272 du code électoral, sur le fondement desquelles ont été élus les conseillers de Paris appelés, en vertu de l'article L. 285 du code électoral , à participer au collège qui élit les sénateurs de Paris et à désigner des délégués supplémentaires à ce collège ci des suppléants, sont incompatibles avec les stipulations de l'article 3 du protocole n° 1 additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ce dernier texte stipule que « les hautes parties contractantes s'engagent à organiser ' à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de l'opinion du peuple sur le choix du corps législatif » ;

5. Considérant que si, sur le fondement du second alinéa de l'article L. 292 du code électoral, le requérant aurait pu se prévaloir, d'abord devant le tribunal administratif, puis, à l'appui de sa demande d'annulation de l'élection sénatoriale, devant le Conseil constitutionnel, d'irrégularités ayant affecté l'élection par le Conseil de Paris de délégués supplémentaires au collège électoral sénatorial et de suppléants, il n'est en revanche pas recevable à mettre en cause, à cette occasion, les conditions dans lesquelles les conseillers de Paris, qui siègent de droit à ce collège, ont eux-mêmes été élus au Conseil de Paris , qu'en effet, leur élection à ce Conseil ne peut être contestée que devant les juridictions administratives dans les conditions et délais prescrits, suivant le cas, par les articles L. 248 à L. 251 du code électoral ou L. 52-15 et L. 118-3 de ce code et ne peut être ultérieurement remise en cause ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Pierre Lavaurs n'est fondé ni à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté son recours ni à demander au Conseil constitutionnel l'annulation de l'élection de M. Camille Cabana ; que sa requête doit, par suite, être rejetée,

Décide :
Art.1er - La requête de M. Pierre Lavaurs est rejetée.
Article 2 - La présente décision sera notifiée au Sénat et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 mai 1991, où siégeaient : MM. Robert BADINTER, président, Daniel MAYER, Léon JOZEAU-MARIGNÉ, Robert FABRE, Francis MOLLET-VIÉVILLE, Jacques LATSCHA, Maurice FAURE, Jean CABANNES, Jacques ROBERT.

Journal officiel du 26 mai 1991, page 7162
Recueil, p. 71
ECLI : FR : CC : 1991 : 91.1140.SEN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.7. Contentieux - Compétence
  • 8.4.7.1. Étendue de la compétence du Conseil constitutionnel
  • 8.4.7.1.6. Questions n'entrant pas dans la compétence du Conseil constitutionnel
  • 8.4.7.1.6.3. Contestation des membres de droit du collège électoral sénatorial

Demande d'annulation d'une élection sénatoriale. Le requérant agissant en qualité de personne inscrite sur les listes électorales d'une commune peut, sur le fondement du second alinéa de l'article L. 292 du code électoral, se prévaloir devant le tribunal administratif, puis, à l'appui de sa demande d'annulation, devant le Conseil constitutionnel, d'irrégularités ayant affecté l'élection par le conseil municipal de délégués supplémentaires au collège électoral sénatorial et de suppléants. Il n'est en revanche pas recevable à mettre en cause à cette occasion les conditions dans lesquelles les conseillers municipaux qui sont membres de droit de ce collège ont eux-mêmes été élus. En effet, leur élection au conseil municipal ne peut être contestée que devant les juridictions administratives dans les conditions et délais prescrits par le code électoral et ne peut être ultérieurement remise en cause.

(91-1140 SEN, 23 mai 1991, cons. 5, Journal officiel du 26 mai 1991, page 7162)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.8. Contentieux - Recevabilité de la réclamation
  • 8.4.8.6. Recevabilité des conclusions et griefs
  • 8.4.8.6.1. Nécessité d'un recours préalable devant le tribunal administratif

Un requérant agissant en qualité de personne inscrite sur les listes électorales d'une commune peut, sur le fondement du second alinéa de l'article L. 292 du code électoral, se prévaloir devant le tribunal administratif, puis, à l'appui de sa demande d'annulation de l'élection sénatoriale, devant le Conseil constitutionnel, d'irrégularités ayant affecté l'élection par le conseil municipal de délégués supplémentaires au collège électoral sénatorial et de suppléants.

(91-1140 SEN, 23 mai 1991, cons. 5, Journal officiel du 26 mai 1991, page 7162)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.8. Contentieux - Recevabilité de la réclamation
  • 8.4.8.7. Irrecevabilité
  • 8.4.8.7.6. Contestation portant sur des élections antérieures

Demande d'annulation d'une élection sénatoriale. Le requérant agissant en qualité de personne inscrite sur les listes électorales d'une commune peut, sur le fondement du second alinéa de l'article L. 292 du code électoral, se prévaloir devant le tribunal administratif, puis, à l'appui de sa demande d'annulation, devant le Conseil constitutionnel, d'irrégularités ayant affecté l'élection par le conseil municipal de délégués supplémentaires au collège électoral sénatorial et de suppléants. Il n'est en revanche pas recevable à mettre en cause à cette occasion les conditions dans lesquelles les conseillers municipaux qui sont membres de droit de ce collège ont eux-mêmes été élus. En effet, leur élection au conseil municipal ne peut être contestée que devant les juridictions administratives dans les conditions et délais prescrits par le code électoral, et ne peut être ultérieurement remise en cause.

(91-1140 SEN, 23 mai 1991, cons. 5, Journal officiel du 26 mai 1991, page 7162)
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