Décision

Décision n° 89-1130 AN du 7 novembre 1989

A.N., Gironde (3ème circ.)
Rejet

Le Conseil constitutionnel,

Vu la requête présentée par M. Noël Mamère, demeurant à Bègles, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 4 juillet 1989, et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 18 et 25 juin 1989 dans la troisième circonscription de la Gironde pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur, enregistrées comme ci-dessus le 8 août 1989 ;

Vu les observations en défense présentées par M. Claude Barande, député, enregistrées comme ci-dessus le 28 août 1989 ;

Vu le mémoire en réplique présenté par M. Noël Manière, enregistré comme ci-dessus le 29 août 1989 ;

Vu les observations complémentaires en défense présentées par M. Claude Barande, enregistrées comme ci-dessus les 21 septembre et 12 octobre 1989 ;

Vu les nouveaux mémoires présentés par M. Noël Manière, enregistrés comme ci-dessus les 2, 23 octobre et 3 novembre 1989 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l'article 59 de la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 162 du code électoral, dans sa rédaction résultant de la loi n° 76-665 du 19 juillet 1976 et remise en vigueur par la loi n° 86-825 du 11 juillet 1986 : « Sous réserve des dispositions de l'article L. 163, nul ne peut être candidat au deuxième tour s'il ne s'est présenté au premier tour et s'il n'a obtenu un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 p. 100 du nombre des électeurs inscrits » ; que selon le quatrième alinéa de l'article L. 162 : « Dans le cas où un seul candidat remplit ces conditions, le candidat ayant obtenu après celui-ci le plus grand nombre de suffrages au premier tour peut se maintenir au second » ;

2. Considérant qu'à l'issue du premier tour de scrutin qui a eu lieu le 18 juin 1989 dans la 3ème circonscription de la Gironde, M. Castagnera a seul obtenu un nombre de suffrages au moins égal à 12,5 p. 100 du nombre des électeurs inscrits ; que M. Barande, candidat ayant obtenu après M. Castagnera le nombre de suffrages le plus élevé, a pu se maintenir au second tour par application des dispositions précitées du quatrième alinéa de l'article L. 162 du code électoral ; que M. Mamère, qui a été devancé par M. Barande au premier tour, conteste l'élection de ce dernier, acquise au second tour, en faisant état d'irrégularités qui ont affecté le premier tour de scrutin et qui ne lui ont pas permis de se porter candidat au second tour ;

- Sur le moyen tiré d'irrégularités de propagande :

3. Considérant en premier lieu que si, le vendredi 16 juin 1989, un véhicule portant des affiches de M. Barande et utilisant des haut-parleurs a circulé dans les rues de la commune de Villenave-d'Ornon, cette manifestation n'a pas constitué une manoeuvre de nature à porter atteinte à la sincérité du scrutin ;

4. Considérant en deuxième lieu que si M. Mamère soutient que M. Barande a fait diffuser dans les jours qui ont précédé le scrutin une liste de soutien qui serait fallacieuse, il n'apporte à l'appui de cette allégation aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

5. Considérant que la diffusion d'un tract reproduisant un article paru le 3 juin 1989 dans un hebdomadaire n'a pas revécu le caractère d'une manoeuvre dés lors que cet article ne comportait à l'égard de M. Mamère aucune imputation qui puisse être regardée comme excédant les limites de la polémique électorale ;

- Sur les moyens relatifs aux listes d'émargement :

En ce qui concerne la violation de l'article R.62 du code électoral :

6. Considérant que M. Mamère soutient que dans les bureaux de vote de la commune de Villenave-d'Ornon les listes d'émargement n'ont pas été signées « dès la clôture du scrutin » comme l'exige l'article R.62 du code électoral car la signature des membres du bureau a été recueillie préalablement sur un formulaire préimprimé ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que dans les bureaux de vote mentionnés par le requérant le procès-verbal régulièrement signé ne contient aucune observation à ce sujet ; que si, dans le huitième bureau, seuls le président et un assesseur ont signé la liste d'émargement cette circonstance ne suffit pas, en l'absence d'autres éléments, à établir l'irrégularité alléguée ;

En ce qui concerne la violation des articles L. 62-1 et L. 64 du code électoral :

7. Considérant que l'article L. 62-1 ajouté au code électoral par l'article 7 de la loi no 88-1262 du 30 décembre 1988 énonce dans son troisième alinéa que « le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l'encre en face de son nom sur la liste d'émargement » ; que le deuxième alinéa de l'article L.64 du même code dispose, dans sa rédaction résultant de l'article 9 de la loi précitée, que « lorsqu'un électeur se trouve dans l'impossibilité de signer, l'émargement prévu par le troisième alinéa de l'article L.62-I est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante :
 »L'électeur ne peul signer lui-même " ;

8. Considérant que le requérant fait valoir que, contrairement à ces dispositions, les listes d'émargement dans la commune de Villenave-d'Ornon comportent, pour le premier tour de, scrutin, sept émargements effectués au moyen d'une croix ; qu'il fait état également de ce que, dans la même commune, les signatures apposées par dix-sept électeurs lors du premier tour diffèrent de celles apposées lors du second tour de scrutin ;

9. Considérant, d'une part, qu'il est constant que dans la commune de Villenave-d'Ornon le contrôle de l'identité des électeurs a été effectué dans le respect des dispositions des articles
L. 62 et R. 60 du code électoral ; qu'aucune réclamation relative aux conditions d'émargement des électeurs n'a été portée sur les procès-verbaux des opérations électorales ; que, sous réserve d'un écart d'une unité relevé dans les premier et neuvième bureaux de la commune, il n'y a pas de discordance entre le nombre des émargements et le nombre des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne ;

10. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que les sept électeurs qui avaient émargé d'une croix et quatorze des électeurs dont les signatures apposées sur les listes d'émargement paraissaient différer entre le premier et le second tour de scrutin ont reconnu formellement avoir voté lors du premier tour de scrutin ;

11. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments d'appréciation que les manquements dénoncés par le requérant, aussi regrettables soient-ils, ne sont pas de nature, en l'espèce, à avoir exercé une influence sur les résultats du scrutin ;

En ce qui concerne la participation au scrutin d'une personne radiée de la liste :

12. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'une électrice radiée de la liste électorale ait voté au premier tour de scrutin ;

Sur les moyens relatifs aux opérations de dépouillement :

13. Considérant que M. Manière soutient que des bulletins de vote qui lui étaient favorables ont été retirés de l'urne destinée aux élections européennes et demande que lesdits bulletins lui soient attribués ;

14. Considérant que les élections au Parlement européen et le premier tour de scrutin de l'élection législative partielle dans la troisième circonscription de la Gironde, bien qu'organisés le même jour, constituent des scrutins distincts ; que si, eu égard au fait que ces deux élections se déroulaient le même jour et dans les mêmes locaux, un défaut grave d'organisation de ces consultations serait susceptible d'affecter leur régularité, tel n'est pas le cas en l'espèce ;

15. Considérant que si le requérant fait état d'irrégularités dans les opérations de dépouillement du premier bureau de la commune de Villenave-d'Ornon, il résulte de l'instruction que les feuilles de dépouillement ont été signées sans réserve par le président et les scrutateurs et qu'aucune observation ne figure à leur sujet dans le procès-verbal des opérations électorales afférent à ce bureau ;

16. Considérant qu'il résulte de l'examen des procès-verbaux des opérations électorales qui se sont déroulées le 18 juin 1989 dans le premier et le neuvième bureau de la commune de Villenave-d'Ornon que le nombre des bulletins et des enveloppes trouvés dans les urnes excède de deux unités celui des émargements ; qu'en outre, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, dans la commune précitée la participation au premier tour de scrutin de trois électeurs ne peut être tenue pour régulière ; que toutefois, même si l'on retranche cinq suffrages du nombre des voix recueillies respectivement par M. Castagnera et par M. Barande dans l'ensemble de la circonscription cela n'a pas pour effet de modifier à l'issue du premier tour de scrutin les conditions de déroulement du second tour ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête susvisée de M. Manière doit être rejetée ;

Décide :
Article premier :
La requête susvisée de M. Mamère est rejetée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 novembre 1989, où siégeaient : MM. Robert BADINTER, président, Daniel MAYER, Léon JOZEAU-MARIGNÉ, Robert FABRE, Francis MOLLET-VIÉVILLE, Jacques LATSCHA, Jean CABANNES, Jacques ROBERT.

Journal officiel du 11 novembre 1989, page 14100
Recueil, p. 93
ECLI : FR : CC : 1989 : 89.1130.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.8. Dépouillement
  • 8.3.6.8.3. Validité des bulletins
  • 8.3.6.8.3.5. Utilisation, au second tour, de bulletins imprimés pour le premier tour

Grief tenant à ce que les listes d'émargements comportaient pour le premier tour de scrutin 7 émargements effectués au moyen d'une croix et que les signatures apposées par 17 électeurs lors du premier tour différaient de celles apposées lors du second tour. Le contrôle de l'identité des électeurs a été effectué dans le respect des dispositions des articles L. 62 et R. 60 du code électoral. Aucune réclamation relative aux conditions d'émargement des électeurs n'a été portée sur les procès-verbaux. Sous réserve d'un écart d'une unité dans 2 bureaux de vote, il n'y a pas de discordance entre le nombre des émargements et le nombre des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne. Par ailleurs, tous les électeurs visés par le requérant à l'exception de trois d'entre eux ont reconnu formellement avoir voté lors du premier tour de scrutin. Les manquements dénoncés, aussi regrettables soient-ils, ne sont pas de nature à avoir exercé une influence sur les résultats du scrutin.

(89-1130 AN, 07 novembre 1989, cons. 8, 9, 10, 11, Journal officiel du 11 novembre 1989, page 14100)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.8. Dépouillement
  • 8.3.6.8.3. Validité des bulletins
  • 8.3.6.8.3.6. Simultanéité de deux scrutins le même jour

Grief tiré de ce que des bulletins de vote favorables au requérant ont été retirés de l'urne destinés aux élections européennes. Les élections au Parlement européen et le premier tour de scrutin bien qu'organisés le même jour constituaient des scrutins distincts. Si, eu égard au fait que ces deux élections se déroulaient le même jour et dans les mêmes locaux, un défaut grave d'organisation de ces consultations serait susceptible d'affecter leur régularité, tel n'a pas été le cas eu l'espèce.

(89-1130 AN, 07 novembre 1989, cons. 14, Journal officiel du 11 novembre 1989, page 14100)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.8. Dépouillement
  • 8.3.6.8.8. Différences de signatures entre le premier et le second tour

Grief tenant à ce que les listes d'émargements comportaient pour le premier tour de scrutin 7 émargements effectués au moyen d'une croix et que les signatures apposées par 17 électeurs lors du premier tour différaient de celles apposées lors du second tour. Le contrôle de l'identité des électeurs a été effectué dans le respect des dispositions des articles L. 62 et R. 60 du code électoral. Aucune réclamation relative aux conditions d'émargement des électeurs n'a été portée sur les procès-verbaux. Sous réserve d'un écart d'une unité dans 2 bureaux de vote, il n'y a pas de discordance entre le nombre des émargements et le nombre des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne. Par ailleurs, tous les électeurs visés par le requérant à l'exception de trois d'entre eux ont reconnu formellement avoir voté lors du premier tour de scrutin. Les manquements dénoncés, aussi regrettables soient-ils, ne sont pas de nature à avoir exercé une influence sur les résultats du scrutin.

(89-1130 AN, 07 novembre 1989, cons. 8, 9, 10, 11, Journal officiel du 11 novembre 1989, page 14100)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.8. Dépouillement
  • 8.3.6.8.9. Irrégularités et incidents divers (voir également ci-dessus : Organisation du dépouillement)

Grief tiré de ce que des bulletins de vote favorables au requérant ont été retirés de l'urne destinée aux élections européennes. Les élections au Parlement européen et le premier tour de scrutin bien qu'organisés le même jour constituaient des scrutins distincts. Si, eu égard au fait que ces deux élections se déroulaient le même jour et dans les mêmes locaux, un défaut grave d'organisation de ces consultations serait susceptible d'affecter leur régularité, tel n'a pas été le cas en l'espèce.

(89-1130 AN, 07 novembre 1989, cons. 14, Journal officiel du 11 novembre 1989, page 14100)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
  • 8.3.11.1. Irrégularités qui ne modifient pas le résultat
  • 8.3.11.1.4. Irrégularités au premier tour sans incidence sur la situation des candidats pour le second
  • 8.3.11.1.4.4. Contentieux

Procès-verbaux faisant apparaître au premier tour que le nombre de bulletins excédait de deux unités celui des émargements dans un bureau et que la participation de trois électeurs ne pouvait être tenue pour régulière. Toutefois même le retrait de 5 suffrages du nombre de voix recueillies par les deux candidats arrivés en tête dans l'ensemble de la circonscription n'a pas eu pour effet de modifier à l'issue du premier tour de scrutin les conditions de déroulement du second tour.

(89-1130 AN, 07 novembre 1989, cons. 16, Journal officiel du 11 novembre 1989, page 14100)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
  • 8.3.11.2. Irrégularités ne donnant pas lieu à rectifications
  • 8.3.11.2.2. Annulation de certains votes au premier tour

Procès-verbaux faisant apparaître au premier tour que le nombre de bulletins excédait de deux unités celui des émargements dans un bureau et que la participation de trois électeurs ne pouvait être tenue pour régulière. Toutefois même le retrait de 5 suffrages du nombre de voix recueillies par les deux candidats arrivés en tête dans l'ensemble de la circonscription n'a pas eu pour effet de modifier à l'issue du premier tour de scrutin les conditions de déroulement du second tour.

(89-1130 AN, 07 novembre 1989, cons. 16, Journal officiel du 11 novembre 1989, page 14100)
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