Décision

Décision n° 88-1093 AN du 25 novembre 1988

A.N., Bouches-du-Rhône (6ème circ.)
Annulation

Le Conseil constitutionnel,

Vu la requête présentée par M. Bernard Tapie, demeurant à Paris, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 22 juin 1988, et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 5 et 12 juin 1988 dans la 6e circonscription des Bouches-du-Rhône pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu les observations en défense présentées par M. Guy Teissier, député, enregistrées comme ci-dessus le 7 juillet 1988 ;

Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur et la réponse à ces observations, présentée par M. Guy Tessier, enregistrées comme ci-dessus les 19 et 23 septembre 1988 ;

Vu les observations présentées par M. Bernard Tapie et les réponses à ces observations présentées par M. Guy Teissier, enregistrées comme ci-dessus les 22 septembre et 21 octobre 1988 ;

Vu la demande de mesure d'instruction présentée par M. Bernard Tapie, enregistrée comme ci-dessus le 22 septembre 1988 ;

Vu la décision ordonnant une enquête rendue le 7 octobre 1988 par la section chargée de l'instruction et les observations sur cette enquête présentées par MM. Guy Teissier et Bernard Tapie, enregistrées comme ci-dessus les 24 et 26 octobre 1988 ;

Vu les observations complémentaires en défense présentées par M. Guy Teissier et la réponse à ces observations, présentée par M. Bernard Tapie, enregistrées comme ci-dessus, les 23 et 24 novembre 1988 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l'article 59 de la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Le rapporteur ayant été entendu,

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. Teissier concernant le grief relatif aux votes par procuration :

1. Considérant que, dans le délai de dix jours imparti par l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée pour contester les opérations électorales, M. Tapie a invoqué un grief tiré de ce que de multiples irrégularités entacheraient l'établissement des procurations dans la 6e circonscription des Bouches-du-Rhône, et souligné la méconnaissance de certaines des formalités exigées par le code électoral ; que le requérant est recevable à préciser après l'expiration du délai de recours la portée de ce grief en faisant état d'autres vices de forme affectant l'établissement des procurations ;

Sur le bien-fondé de ce grief :

2. Considérant qu'à l'occasion des élections des 5 et 12 juin 1988 dans la 6e circonscription des Bouches-du-Rhône, plusieurs centaines de procurations ont été dressées, au commissariat de police du 9e arrondissement de Marseille, par des délégués figurant sur la liste agréée par le président du tribunal d'instance de Marseille du 25 janvier 1988 ; que cependant cette désignation ne leur donnait pas compétence pour les signer ; qu'en outre, trois cent trente-trois procurations ont été établies au domicile d'électeurs ou dans des établissements d'hospitalisation ou de soins où séjournaient des électeurs, sans qu'au préalable les intéressés aient sollicité le déplacement d'un officier de police judiciaire ou d'un délégué dans les conditions requises par les articles R. 72 et R. 73 du code électoral ; qu'un grand nombre de ces procurations n'ont pas été accompagnées de l'une des justifications énumérées par le décret n° 76-158 du 12 février 1976 ; qu'enfin, certaines d'entre elles ne sont pas signées par le mandant ;

3. Considérant que ces irrégularités, par leur multiplicité et par leur importance, sont de nature à affecter la validité de plusieurs centaines de votes émis par les bénéficiaires de ces procurations ; que, compte tenu du fait que l'élection de M. Teissier n'a été acquise que par une avance de quatre-vingt-quatre voix, il y a lieu en conséquence de l'annuler,

Décide :
Article premier :
L'élection de M. Guy Teissier en qualité de député de la sixième circonscription des Bouches-du-Rhône est annulée.
Article 2 - La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 23 et 25 novembre (988, où siégeaient : MM. Robert BADINTER, président ; Louis JOXE, Robert LECOURT, Daniel MAYER, Léon JOZEAU-MARIGNÉ, Georges VEDEL, Robert FABRE, Francis MOLLET-VIÉVILLE, Jacques LATSCHA.

Journal officiel du 26 novembre 1988, page 14752
Recueil, p. 246
ECLI : FR : CC : 1988 : 88.1093.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.5. Vote par procuration
  • 8.3.6.5.1. Établissement des procurations
  • 8.3.6.5.1.2. Demandes de déplacement de l'officier de police judiciaire - attestations

L'occasion des élections, plusieurs centaines de procurations ont été dressées, dans un commissariat de police de la circonscription, par des délégués figurant sur la liste agréée par le président du tribunal d'instance. Cette désignation, cependant, ne leur donnait pas compétence pour signer les procurations. En outre, 333 procurations ont été établies au domicile d'électeurs ou dans des établissements d'hospitalisation ou de soins où séjournaient des électeurs, sans qu'au préalable les intéressés aient sollicité le déplacement d'un officier de police judiciaire ou d'un délégué dans les conditions requises par les articles R. 72 et R. 73 du code électoral. Un grand nombre de ces procurations n'ont pas été accompagnées de l'une des justifications énumérées par le décret n° 76-158 du 12 février 1976. Enfin, certaines d'entre elles ne sont pas signées par le mandant. Ces irrégularités, par leur multiplicité et leur importance, sont de nature à affecter la validité de plusieurs centaines de votes émis par les bénéficiaires de ces procurations. Compte tenu du fait que l'élection n'a été acquise que par une avance de 84 voix, il y lieu de l'annuler.

(88-1093 AN, 25 novembre 1988, cons. 2, 3, Journal officiel du 26 novembre 1988, page 14752)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.5. Vote par procuration
  • 8.3.6.5.4. Situations particulières
  • 8.3.6.5.4.3. Compétence des délégués

Pour un nombre supérieur à celui de l'écart de voix séparant les deux candidats, des électeurs ont voté au second tour de scrutin en utilisant des procurations établies par des délégués figurant sur la liste agréée par le président du tribunal d'instance de J., en application des dispositions du troisième alinéa de l'article R. 72 du code électoral. Si les délégués ne sont compétents que pour se déplacer, afin de recueillir les mandats des personnes malades ou infirmes visées par le deuxième alinéa de l'article R. 72, l'irrégularité commise n'est pas de nature, dans les circonstances de l'espèce, à entraîner le retranchement des suffrages correspondants.

(88-1093 AN, 25 novembre 1988, cons. 2, 3, Journal officiel du 26 novembre 1988, page 14752)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.9. Contentieux - Griefs
  • 8.3.9.3. Griefs nouveaux
  • 8.3.9.3.1. Existence

Le requérant est recevable à préciser, après l'expiration du délai de recours, la portée d'un grief invoqué dans ce délai en faisant état d'autres vices de forme se rattachant à ce premier grief.

(88-1093 AN, 25 novembre 1988, cons. 1, Journal officiel du 26 novembre 1988, page 14752)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.10. Contentieux - Instruction
  • 8.3.10.3. Incidents de procédure, demandes particulières, non-lieu à statuer
  • 8.3.10.3.3. Enquêtes

Décision du 7 octobre 1988 ordonnant une enquête sur le déroulement des opérations électorales d'une circonscription.

(88-1093 AN, 25 novembre 1988, Journal officiel du 26 novembre 1988, page 14752)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
  • 8.3.11.1. Irrégularités qui ne modifient pas le résultat
  • 8.3.11.1.5. Irrégularités qui ne modifient pas le résultat en raison des circonstances particulières de l'élection
  • 8.3.11.1.5.1. Électorat

L'écart des voix, qui souvent n'est pas expressément mentionné, est là encore un des principaux éléments d'appréciation. Pour un nombre supérieur à celui de l'écart de voix séparant les deux candidats, des électeurs ont voté au second tour de scrutin en utilisant des procurations établies par des délégués figurant sur la liste agréée par le président du tribunal d'instance de A., en application des dispositions du troisième alinéa de l'article R. 72 du code électoral. Si les délégués ne sont compétents que pour se déplacer, afin de recueillir les mandats des personnes malades ou infirmes visées par le deuxième alinéa de l'article R. 72, l'irrégularité commise n'est pas de nature, dans les circonstances de l'espèce, à entraîner le retranchement des suffrages correspondants.

(88-1093 AN, 25 novembre 1988, cons. 1, Journal officiel du 26 novembre 1988, page 14752)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
  • 8.3.11.3. Irrégularités donnant lieu à rectifications
  • 8.3.11.3.4. Organisation du scrutin
  • 8.3.11.3.4.3. Vote par procuration

Des irrégularités relatives à l'établissement des procurations, par leur multiplicité et leur importance, sont de nature à affecter la validité de plusieurs centaines de votes émis par les bénéficiaires de ces procurations. Compte tenu du fait que l'élection n'a été acquise que par 84 voix, il y a lieu de l'annuler.

(88-1093 AN, 25 novembre 1988, cons. 3, Journal officiel du 26 novembre 1988, page 14752)
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