Décision n° 88-1062 AN du 21 octobre 1988
Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête présentée par M. Gérard Leonard, demeurant à Saint-Max, Meurthe-et-Moselle, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 22 juin 1988, et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 5 et 12 juin 1988 dans la deuxième circonscription de Meurthe-et-Moselle pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu les observations en défense présentées par M. Job Durupt, député, enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 20 juillet 1988 ;
Vu le mémoire en réplique présenté par M. Gérard Leonard et la réponse à ce mémoire, présentée par M. Job Durupt, enregistrés au secrétariat général du Conseil constitutionnel les 3 août et 2 septembre 1988 ;
Vu les observations, présentées par le ministre de l'intérieur et les réponses à ces observations, présentées par MM. Gérard Leonard et Job Durupt, enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel les 29 juillet, 1er et 2 septembre 1988 ;
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Sur les conclusions dirigées contre les opérations électorales du 5 juin 1988 :
1. Considérant que les opérations électorales du premier tour de scrutin qui se sont déroulées le 5 juin 1988 dans la deuxième circonscription de Meurthe-et-Moselle n'ont pas donné lieu à l'élection d'un député ; que, dès lors, les conclusions, de la requête de M. Leonard dirigées contre ces opérations ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions dirigées contre les opérations électorales du 12 juin 1988 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des articles L 62 et L. 63 du code électoral qu'il ne peut être mis à la disposition des électeurs qu'une seule urne par bureau de vote ; que corrélativement, et par application des articles R. 44 et R. 47 du même code, il ne peut y avoir plus d'un assesseur et plus d'un délégué pour chaque candidat en présence ; que c'est par suite en violation de ces prescriptions que trois urnes ont été mises à la disposition des électeurs dans l'unique bureau de vote de la commune de Tomblaine ; que, dans ces circonstances, il n'a pu être satisfait aux dispositions réglementaires relatives à la composition du bureau de vote ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que, dans la commune de Tomblaine et contrairement aux dispositions de l'article R 63 du code électoral, les électeurs n'ont pas été à même de circuler librement autour des tables sur lesquelles était opéré le dépouillement sans qu'ait été invoquée une nécessité d'ordre public faisant obstacle à l'exercice de ce droit ;
4. Considérant enfin que dans la commune de Tomblaine les dispositions de l'article L. 65 du code électoral relatives au dépouillement du scrutin n'ont pas été respectées ;
5. Considérant que ces irrégularités successives ont été de nature à entraver l'usage normal par les électeurs et l'un des candidats de leur droit de contrôle sur la régularité du scrutin ; que, du fait de l'ensemble de ces irrégularités, le Conseil constitutionnel n'est pas en mesure de vérifier la sincérité des résultats du vote ; que, dans ces conditions, il y a lieu d'annuler les résultats des opérations électorales dans la commune de Tomblaine et, par voie de conséquence, eu égard au faible écart de voix séparant les deux candidats de la deuxième circonscription de Meurthe-et-Moselle, d'annuler l'élection de M. Durupt,
Décide :
Article premier :
L'élection de M. Job Durupt, en qualité de député de la deuxième circonscription de Meurthe-et-Moselle, est annulée.
Article 2 - Le surplus des conclusions de la requête de M. Gérard Leonard est rejeté.
Article 3 - La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 octobre 1988, où siégeaient : MM. Robert BADINTER, président, Louis JOXE, Robert LECOURT, Daniel MAYER, Léon JOZEAU-MARIGNÉ, Georges VEDEL, Robert FABRE, Jacques LATSCHA.
Journal officiel du 25 octobre 1988, page 13419
Recueil, p. 174
ECLI : FR : CC : 1988 : 88.1062.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
8.3.6.3. Délégués des candidats
La mise à la disposition des électeurs, contrairement aux dispositions des articles L. 62 et L. 63 du code électoral, de trois urnes pour un seul bureau, alors que par application des articles R. 44 et R. 47 du même code, il ne peut y avoir plus d'un assesseur et plus d'un délégué pour chaque candidat, n'a pas permis de satisfaire aux dispositions réglementaires relatives à la composition du bureau de vote. Cette irrégularité et d'autres irrégularités relatives aux conditions dans lesquelles s'est effectué le dépouillement du scrutin ont été de nature à entraver l'usage normal, par les électeurs et l'un des candidats en présence de leur droit de contrôle sur la régularité du scrutin. Du fait de l'ensemble de ces irrégularités, le Conseil constitutionnel n'est pas en mesure de vérifier la sincérité des résultats du vote. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler les résultats des opérations électorales de ce bureau et, par voie de conséquence, eu égard au faible écart de voix séparant les deux candidats, d'annuler l'élection.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
- 8.3.6.8. Dépouillement
8.3.6.8.1. Organisation du dépouillement
Contrairement aux dispositions de l'article R. 63 du code électoral, les électeurs n'ont pas été à même de circuler librement autour des tables sur lesquelles était opéré le dépouillement sans qu'ai été invoquée une nécessité d'ordre public faisant obstacle à l'exercice de ce droit et, en outre, les dispositions de l'article L. 65 du code électoral n'ont pas été respectées. Ces irrégularités et une autre irrégularité relative à la composition du bureau de vote ont été de nature à entraver l'usage normal, par les électeurs et l'un des candidats en présence, de leur droit de contrôle sur la régularité du scrutin. Du fait de l'ensemble de ces irrégularités, le Conseil constitutionnel n'est pas en mesure de vérifier la sincérité des résultats de vote. Dans ces considérations, il y a lieu d'annuler les résultats des opérations électorales de ce bureau et, par voie de conséquence, eu égard au faible écart de voix séparant les deux candidats, d'annuler l'élection.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.8. Contentieux - Recevabilité
- 8.3.8.1. Dépôt de la requête
- 8.3.8.1.6. Irrecevabilité des conclusions
8.3.8.1.6.13. Divers
Les conclusions d'une requête dirigée contre les opérations électorales du premier tour de scrutin n'ayant pas donné lieu à la désignation d'un député sont irrecevables.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
- 8.3.11.3. Irrégularités donnant lieu à rectifications
- 8.3.11.3.4. Organisation du scrutin
8.3.11.3.4.1. Déroulement du scrutin
Des irrégularités successives ont été commises dans un bureau de vote : la mise à la disposition des électeurs, contrairement aux dispositions des articles L. 62 et L. 63 du code électoral, de trois urnes pour un seul bureau, alors que par application des articles R. 44 et R. 47 du même code, il ne peut y avoir plus d'un assesseur et plus d'un délégué pour chaque candidat, n'a pas permis de satisfaire aux dispositions réglementaires relatives à la composition du bureau de vote : les électeurs, contrairement aux dispositions de l'article R. 63 du code électoral, n'ont pas été à même de circuler librement autour des tables sur lesquelles était opéré le dépouillement sans qu'ait été invoquée une nécessité d'ordre public faisant obstacle à l'exercice de ce droit - les dispositions de l'article L. 65 du code électoral relatives au dépouillement n'ont pas été respectées. Ces irrégularités successives ont été de nature à entraver l'usage normal, par les électeurs et l'un des candidats en présence de leur droit de contrôle sur la régularité du scrutin. Du fait de l'ensemble de ces irrégularités, le Conseil constitutionnel n'est pas en mesure de vérifier la sincérité des résultats du vote. Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler les résultats des opérations électorales de ce bureau et, par voie de conséquence, eu égard du faible écart de voix séparant les deux candidats, d'annuler l'élection.