Décision

Décision n° 87-241 DC du 19 janvier 1988

Loi portant statut du territoire de la Nouvelle-Calédonie
Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 28 décembre 1987, par MM Pierre Joxe, Lionel Jospin, Jean Anciant, Jean Auroux, Jean-Marc Ayrault, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Alain Barrau, Philippe Bassinet, Jean Beaufils, André Billardon, Gilbert Bonnemaison, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron (Ille-et-Vilaine), Pierre Bourguignon, Mme Denise Cacheux, MM Alain Calmat, Guy Chanfrault, Alain Chénard, Didier Chouat, André Clert, Jean-Hugues Colonna, Michel Delebarre, Freddy Deschaux-Beaume, Jean-Pierre Destrade, Mmes Georgina Dufoix, Martine Frachon, M Gérard Fuchs, Mme Françoise Gaspard, MM Maurice Janetti, Jean Lacombe, André Laignel, Mme Catherine Lalumière, MM Michel Lambert, Christian Laurissergues, Georges Le Baill, Jean-Yves Le Déaut, Robert Le Foll, André Ledran, Mme Ginette Leroux, MM François Loncle, Martin Malvy, Philippe Marchand, Michel Margnes, Joseph Menga, Pierre Métais, Gilbert Mitterrand, Mme Christiane Mora, M Jean Oehler, Mme Jacqueline Osselin, MM François Patriat, Jean Peuziat, Christian Pierret, Jean-Claude Portheault, Philippe Puaud, Jean-Jacques Queyranne, Noël Ravassard, Jean Rigal, Mme Yvette Roudy, MM Dominique Saint-Pierre, Michel Sapin, Mmes Odile Sicard, Gisèle Stievenard, MM Olivier Stirn, Guy Vadepied, Michel Vauzelle, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi portant statut du territoire de la Nouvelle-Calédonie.

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que ne sont pas conformes à la Constitution les articles 10, 12, 40, 45 et 124 de la loi portant statut du territoire de la Nouvelle-Calédonie soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ;

2. Considérant qu'en vertu des articles 10 et 12 de la loi, le conseil exécutif comprend un président, les présidents des quatre conseils de région et cinq membres élus par le congrès du territoire au scrutin de liste à la représentation proportionnelle ; que, d'après l'article 40, les décisions de ce conseil sont prises à la majorité relative des membres présents ; que, toutefois, une majorité qualifiée des deux tiers est requise en certaines matières ; qu'il en va ainsi, en premier lieu, des délibérations relatives au projet de budget à soumettre au congrès ; qu'est visée, en deuxième lieu, la fixation des règles applicables à l'organisation des services et établissements publics territoriaux, à l'enseignement dans les établissements relevant de la compétence du territoire, aux restrictions quantitatives à l'importation ; que la majorité qualifiée est exigée, enfin, pour la fixation du programme annuel d'importation, la détermination du montant annuel d'allocation de devises demandé à l'État, l'exécution de travaux et ouvrages publics ou l'acquisition de terres dans les conditions définies aux 7 ° et 10 ° de l'article 31 ; que, selon l'article 124, lorsque l'absence de la majorité qualifiée requise est de nature à compromettre les intérêts généraux du territoire, le haut-commissaire de la République, pour le cas où à la suite d'une nouvelle délibération la majorité qualifiée n'a toujours pu être atteinte, se voit conférer la possibilité d'arrêter les décisions en cause aux lieu et place du conseil exécutif ;

3. Considérant que l'article 45 de la loi prévoit la nomination d'un secrétaire général par le conseil exécutif avec mission, notamment, de proposer à ce conseil la nomination aux emplois de direction mentionnés à l'article 32 et de nommer lui-même aux autres emplois de l'administration territoriale ;

4. Considérant que, selon les auteurs de la saisine, ces diverses dispositions méconnaissent le principe de la libre administration des collectivités territoriales ;

5. Considérant que si, en vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus », chacune d'elles le fait « dans les conditions prévues par la loi » ; qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution « la loi détermine les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources » ; qu'enfin, selon l'article 74 de la Constitution, les territoires d'outre-mer ont « une organisation particulière tenant compte de leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République », cette organisation étant « définie et modifiée par la loi » ;

6. Considérant qu'il résulte, d'une part, de l'article 74 que le législateur, compétent pour fixer l'organisation particulière de chacun des territoires d'outre-mer en tenant compte de ses intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République, peut prévoir, pour l'un d'entre eux, des règles d'organisation répondant à sa situation spécifique, distinctes de celles antérieurement en vigueur comme de celles applicables dans les autres collectivités territoriales ; qu'il ressort, d'autre part, de l'article 72 que, pour s'administrer librement, le territoire doit, dans les conditions qu'il appartient à la loi de définir, disposer d'une assemblée délibérante élue dotée d'attributions effectives ;

7. Considérant que, sur le fondement de l'article 74 de la Constitution, il est loisible au législateur, compte tenu de la situation particulière de la Nouvelle-Calédonie, d'instituer, outre le congrès du territoire, un conseil exécutif composé d'élus, non seulement chargé de préparer et de mettre en oeuvre les délibérations du congrès, mais également doté de pouvoirs propres ; que, sur le même fondement, le législateur a pu prévoir qu'en certaines matières, limitativement énumérées, les décisions de ce conseil ne pourront être prises qu'à la majorité qualifiée des deux tiers des membres présents ; qu'aucun principe, non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce que la loi permette au haut-commissaire de la République d'exercer un pouvoir de substitution, au cas où, à la suite d'une nouvelle délibération, l'absence de majorité qualifiée persisterait et lorsque cette situation serait de nature à compromettre les intérêts généraux du territoire ;

8. Considérant que les articles 72 et 74 de la Constitution ne font pas obstacle à ce que la loi crée un emploi de secrétaire général et que son titulaire, dont la nomination comme le remplacement relèvent du conseil exécutif, reçoive compétence, d'une part, pour proposer à ce conseil la nomination aux emplois de direction de l'administration territoriale et, d'autre part, pour procéder au recrutement concernant les autres emplois ;

9. Considérant, dès lors, que les articles contestés de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne sont pas contraires à la Constitution ;

10. Considérant qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen ;

Décide :
Article premier :
La loi portant statut du territoire de la Nouvelle-Calédonie n'est pas contraire à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Journal officiel du 21 janvier 1988, page 1025
Recueil, p. 31
ECLI : FR : CC : 1988 : 87.241.DC

Les abstracts

  • 14. ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE
  • 14.1. PRINCIPES GÉNÉRAUX
  • 14.1.6. Rôle de l'État
  • 14.1.6.3. Pouvoir de sanction et de substitution du préfet

Aucun principe, non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce que la loi permette au délégué du Gouvernement dans un territoire d'outre-mer d'exercer un pouvoir de substitution, au cas où, à la suite d'une nouvelle délibération, l'absence de majorité qualifiée au conseil exécutif persisterait et lorsque cette situation serait de nature à compromettre les intérêts généraux du territoire.

(87-241 DC, 19 janvier 1988, cons. 7, Journal officiel du 21 janvier 1988, page 1025)
  • 14. ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE
  • 14.6. TERRITOIRES D'OUTRE MER (pour mémoire)
  • 14.6.1. Notion d'organisation particulière
  • 14.6.1.1. Principe

Il résulte, d'une part, de l'article 74 de la Constitution que le législateur, compétent pour fixer l'organisation particulière de chacun des territoires d'outre-mer en tenant compte de ses intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République, peut prévoir, pour l'un d'entre eux, des règles d'organisation répondant à sa situation spécifique, distinctes de celles applicables dans les autres collectivités territoriales. Il ressort, d'autre part, de l'article 72 que pour s'administrer librement, le territoire doit, dans les conditions qu'il appartient à la loi de définir, disposer d'une assemblée délibérante élue dotée d'attributions effectives.

(87-241 DC, 19 janvier 1988, cons. 6, Journal officiel du 21 janvier 1988, page 1025)
  • 14. ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE
  • 14.6. TERRITOIRES D'OUTRE MER (pour mémoire)
  • 14.6.2. Prérogatives réservées à l'État

Aucun principe, non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce que la loi permette au délégué du Gouvernement dans un territoire d'outre-mer d'exercer un pouvoir de substitution, au cas où, à la suite d'une nouvelle délibération, l'absence de majorité qualifiée au conseil exécutif persisterait et lorsque cette situation serait de nature à compromettre les intérêts généraux du territoire.

(87-241 DC, 19 janvier 1988, cons. 7, Journal officiel du 21 janvier 1988, page 1025)
  • 14. ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DE LA RÉPUBLIQUE
  • 14.6. TERRITOIRES D'OUTRE MER (pour mémoire)
  • 14.6.3. Compétences des institutions propres des territoires

Sur le fondement de l'article 74 de la Constitution, il est loisible au législateur, compte tenu de la situation particulière de la Nouvelle-Calédonie d'instituer, outre le congrès du territoire, un conseil exécutif composé d'élus, non seulement chargé de préparer et de mettre en œuvre les délibérations du congrès, mais également doté de pouvoirs propres. Sur le même fondement, le législateur a pu prévoir qu'en certaines matières, limitativement énumérées, les décisions de ce conseil ne pourront être prises qu'à la majorité qualifiée des deux tiers des membres présents.

(87-241 DC, 19 janvier 1988, cons. 7, Journal officiel du 21 janvier 1988, page 1025)

Les articles 72 et 74 de la Constitution ne font pas obstacle à ce que la loi crée un emploi de secrétaire général auprès du conseil exécutif institué dans un territoire d'outre-mer et que son titulaire, dont la nomination comme le remplacement relèvent du conseil exécutif, reçoive compétence, d'une part, pour proposer à ce conseil la nomination aux emplois de direction de l'administration territoriale et, d'autre part, pour procéder au recrutement concernant les autres emplois.

(87-241 DC, 19 janvier 1988, cons. 8, Journal officiel du 21 janvier 1988, page 1025)
À voir aussi sur le site : Saisine par 60 députés, Références doctrinales.
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