Décision n° 86-994 AN du 3 juillet 1986
Le Conseil constitutionnel,
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique relative au Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Vu la requête et le mémoire ampliatif présentés par M. Daniel Lipka, demeurant 16 rue Salvador-Allende, à Gauchy, Aisne, enregistrés respectivement les 20 mars et 29 avril 1986 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à demander l'annulation des élections législatives du 16 mars 1986 dans le département de l'Aisne ;
Vu les observations en défense présentées par MM. André Rossi, Jean-Claude Lamant, Jean-Pierre Balligand et Bernard Lefranc, députés, enregistrées les 24, 25 et 28 avril 1986 et les observations en réplique présentées par M. Daniel Lipka, enregistrées le 12 mai 1986 ;
Vu la réponse présentée par M. André Rossi sur les observations en défense, enregistrée le 23 mai 1986 ;
Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur, enregistrées le 2 mai 1986, et les réponses à ces observations présentées par MM. Daniel Lipka et Jean-Claude Lamant, enregistrées les 21 et 23 mai 1986 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Sur le grief relatif aux conséquences d'une décision de l'autorité judiciaire :
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Lipka a déposée le 23 février 1986 à la préfecture de l'Aisne la candidature aux élections législatives d'une liste intitulée « Liste d'union de l'opposition libérale » ; qu'après versement du cautionnement cette candidature a fait l'objet d'un enregistrement le 26 février 1986 ; que le même jour, M. Pierre Daunizeau a assigné devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Laon M. Lipka aux fins qu'il soit fait interdiction à ce dernier d'utiliser la dénomination « Liste d'union de l' opposition libérale » ; que, bien qu'ayant obtenu le renvoi de Maire à l'audience du 3 mars 1986 à 9 h 30, M. Lipka a été défaillant ce jour-là ; que, dans ces circonstances, le président du tribunal de grande instance de Laon a rendu, le 5 mars 1986, une ordonnance enjoignant à M. Lipka, sous astreinte, de cesser d'utiliser la dénomination « Liste d'union de l'opposition libérale » ;
2. Considérant que M. Lipka fait valoir devant le Conseil constitutionnel que l'ordonnance du juge des référés a été rendue à une date à laquelle il ne lui était plus possible, compte tenu des dispositions combinées des articles L. 155 et L. 157 du code électoral, de déposer une nouvelle déclaration de candidature modifiant l'intitulé de la liste qu'il avait fait enregistrer et qu'ainsi lui-même et ses colistiers ont été mis dans l'impossibilité de diffuser leurs bulletins et leurs documents de propagande et de participer utilement au scrutin ;
3. Considérant qu'en vertu de l'article 59 de la Constitution, le contentieux de l'élection des députés relève de la compétence du Conseil constitutionnel ; que les décisions administratives de même que les jugements rendus par le tribunal administratif dans les cas mentionnés aux articles L. 159 et L.O. 160 du code électoral, qui sont relatifs à l'enregistrement ou au refus d'enregistrement des déclarations de candidature, constituent des décisions préliminaires aux opérations électorales et ne peuvent être contestés que devant le juge de l'élection ; qu'il suit de là qu'il n'appartient pas aux juridictions de l'ordre judiciaire d'enjoindre à un candidat de cesser d'utiliser la dénomination d'une liste dont la candidature a été enregistrée conformément aux dispositions de l'article L. 155 du code électoral ;
4. Mais considérant qu'en l'espèce, et si regrettable que soit la situation créée par l'intervention de l'ordonnance du 5 mars 1986 du juge des référés, il résulte de l'instruction, et spécialement des propres déclarations du requérant, que le nombre de voix que la liste conduite par M. Lipka aurait pu recueillir aurait été sensiblement inférieur à celui qui lui eût permis d'obtenir l'attribution d'un siège ou d'influer sur la répartition des sièges entre les listes en présence ; que, dans ces conditions, le grief invoqué ne peut être retenu ;
Sur le grief tiré de l'existence de manœuvres visant à obtenir le retrait de la liste conduite par M. Lipka :
5. Considérant que ce grief est distinct de celui fondé sur l'incidence d'une décision de l'autorité judiciaire, qui était seul invoqué dans la requête initiale ; qu'il n'a été présenté que dans un mémoire complémentaire, enregistré au Conseil constitutionnel après l'expiration du délai de dix jours prévu à l'article 33 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; qu'il est par suite irrecevable ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. Lipka doit être rejetée ;
Décide :
Article premier :
La requête de M. Daniel Lipka est rejetée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.Délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 3 juin et 3 juillet 1986, où siégeaient : MM. Robert BADINTER, président, Louis JOXE, Robert LECOURT, Daniel MAYER, Léon JOZEAU-MARIGNÉ, Pierre MARCILHACY, Robert FABRE, Maurice-René SIMONNET.
Journal officiel du 4 juillet 1986, page 8345
Recueil, p. 95
ECLI : FR : CC : 1986 : 86.994.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.2. Candidatures
- 8.3.2.3. Déclaration de candidature
8.3.2.3.2. Candidatures de liste
Candidat assigné devant le juge civil des référés pour se voir interdire l'utilisation de la dénomination choisie pour sa liste. En définitive, aucune décision de justice pouvant avoir une incidence tant sur sa candidature que sur le déroulement de la campagne ne lui a été opposée. Grief tiré de citations devant le juge judiciaire écarté.
Liste enregistrée conformément aux dispositions de l'article L. 155 du code électoral. Il n'appartient pas aux juridictions de l'ordre judiciaire d'enjoindre au candidat de cesser d'utiliser la dénomination de cette liste, les décisions préliminaires aux opérations électorales relevant de la compétence du seul Conseil constitutionnel, juge de l'élection des députés. En l'espèce, la situation créée par la décision de l'autorité judiciaire est sans influence sur les résultats de l'élection.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.7. Contentieux - Compétence
- 8.3.7.1. Étendue de la compétence du Conseil constitutionnel
8.3.7.1.1. Décisions préliminaires
Le contentieux de l'élection des députés, qui comprend les contestations relatives aux décisions préliminaires aux opérations électorales, relève de la compétence du Conseil constitutionnel. Il n'appartient pas aux juridictions de l'ordre judiciaire d'enjoindre à un candidat de cesser d'utiliser la dénomination d'une liste dont la candidature a été enregistrée conformément aux dispositions de l'article L. 155 du code électoral. La situation créée par la décision de l'autorité judiciaire est toutefois, dans les circonstances de l'espèce, sans influence sur les résultats de l'élection.
Il n'appartient qu'au Conseil constitutionnel, juge de l'élection, de connaître des contestations des décisions de la commission de propagande relatives à la diffusion des bulletins de vote, à leur dénomination et à leur graphisme. L'autorité judiciaire n'a pas compétence pour intervenir dans le déroulement de ces opérations préliminaires.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.9. Contentieux - Griefs
- 8.3.9.3. Griefs nouveaux
8.3.9.3.1. Existence
Le grief tiré de l'existence de manœuvres visant à obtenir le retrait d'une liste est distinct du grief fondé sur les incidences d'une décision de l'autorité judiciaire, qui était seul invoqué dans la requête initiale. Présenté après l'expiration du délai de recours, le nouveau grief est irrecevable.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
- 8.3.11.1. Irrégularités qui ne modifient pas le résultat
- 8.3.11.1.2. Irrégularités qui, en raison de l'écart des voix, ne modifient pas le résultat
8.3.11.1.2.4. Propagande
Décision de l'autorité judiciaire enjoignant à un candidat de cesser d'utiliser la dénomination de sa liste dont la candidature a été enregistrée conformément aux dispositions de l'article L. 155 du code électoral. La situation créée par cette décision est, en l'espèce, sans influence sur les résultats de l'élection.
Décision de l'autorité judiciaire enjoignant à un candidat de cesser d'utiliser la dénomination de sa liste dont la candidature a été enregistrée conformément aux dispositions de l'article L. 155 du code électoral. La situation créée par cette décision est, en l'espèce, sans influence sur les résultats de l'élection.