Décision n° 86-986/1006/1015 AN du 8 juillet 1986
Le Conseil constitutionnel,
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
1 ° Vu les requêtes n° 86-986 présentées par M. Christian Dancale, demeurant 11 rue de Châteaudun, à Toulouse, Haute-Garonne, enregistrées les 12 et 19 mars 1986 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant, d'une part, à l'annulation des élections législatives du 16 mars 1986 en Haute-Garonne et, d'autre part, en ce qui concerne la requête enregistrée le 19 mars, à défaut d'annulation de ces élections au remboursement des frais de campagne électorale engagés par lui ;
Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur, enregistrées le 11 avril 1986 et les réponses à ces observations présentées par M. Christian Dancale, enregistrées les 22 et 23 avril 1986 ;
Vu les observations en défense présentées par MM. Alex Raymond, Pierre Ortet, Jacques Roger-Machart, Gérard Bapt et MM. Dominique Baudis, Jean Diebold, Pierre Montastruc et Pierre Baudis, remplaçant à l'Assemblée nationale de M. Dominique Baudis, députés, enregistrées les 29 et 30 avril 1986 ;
2 ° Vu la requête n° 86-1006 présentée par M. Gérard Houteer, demeurant 28 chemin de la Côte-de-Bétance, à Muret, Haute-Garonne, enregistrée le 26 mars 1986 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et demandant d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées pour les élections législatives dans le département de la Haute-Garonne le dimanche 16 mars 1986, les résultats proclamés à l'issue de ces élections, ensemble la décision du préfet, commissaire de la République de la Haute-Garonne, refusant tout à la fois l'enregistrement de la liste « Pour l'avenir de la démocratie » et, à défaut, la saisine du tribunal administratif pour statuer sur l'enregistrement de cette liste et, en tant que de besoin, le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 6 mars 1986 ;
Vu les observations en défense présentées par MM. Alex Raymond, Pierre Ortet, Jacques Roger-Machart, Gérard Bapt et MM. Dominique Baudis, Jean Diebold, Pierre Montastruc et Pierre Baudis, remplaçant à l'Assemblée nationale de M. Dominique Baudis, députés, enregistrées les 29 et 30 avril 1986 et la réponse à ces observations présentée par M. Gérard Houteer, enregistrée le 22 mai 1986 ;
Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur, enregistrées le 7 mai 1986, et la réponse à ces observations présentée par MM. Alex Raymond, Pierre Ortet, Jacques Roger-Machard et Gérard Bapt, enregistrée le 4 juin 1986 ;
Vu les nouvelles observations en défense présentées par MM. Alex Raymond, Pierre Ortet, Jacques Roger-Machart, Gérard Bapt et MM. Dominique Baudis, Jean Diebold, Pierre Montastruc et Pierre Baudis, enregistrées les 4 et 6 juin 1986, et la réponse à ces observations présentée par M. Gérard Houteer, enregistrée le 23 juin 1986 ;
3 ° Vu la requête n° 86-1015 présentée par M. Georges Salvan, demeurant 2 promenade des Lices, à Rabastens, Tarn, parvenue au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 27 mars 1986 et enregistrée le 28 mars 1986, et tendant à obtenir réparation du préjudice subi du fait du refus de l'enregistrement de la liste « Pour l'avenir de la démocratie » sur laquelle il figurait ;
Vu les observations en défense présentées par MM. Alex Raymond, Pierre Ortet, Jacques Roger-Machart, Gérard Bapt et MM. Dominique Baudis, Jean Diebold, Pierre Montastruc et Pierre Baudis, remplaçant à l'Assemblée nationale de M. Dominique Baudis, députés, enregistrées les 29 et 30 avril 1986 et les réponses à ces observations présentées par M. Georges Salvan, enregistrées les 14 et 15 mai 1986 ;
Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur, enregistrées le 7 mai 1986 ;
4 ° Vu la décision ordonnant une enquête rendue le 12 juin 1986 par la section chargée de l'instruction ;
Vu le procès-verbal d'audition de MM. Fouquet, secrétaire général du rassemblement des usagers des services publics, des contribuables et des groupements de défense (R.U.C.) et Follet, chargé des questions électorales au R.U.C, en date du 23 juin 1986 ;
Vu les procès-verbaux d'audition de MM. Vilars et Salvan et de Mmes Vidal et Lillo, dont les noms figuraient sur la liste déposée par le R.U.C. dans le département des Hautes-Alpes, et de M. Lillo, époux de Mme Lillo, en date des 23, 24, 26 et 27 juin 1986 ;
Vu les observations sur ces procès-verbaux d'audition présentées par MM. Dominique Baudis, Jean Diebold, Pierre Montastruc et Pierre Baudis, remplaçant à l'Assemblée nationale de M. Dominique Baudis, et MM. Alex Raymond, Pierre Ortet, Jacques Roger-Machart et Gérard Bapt, députés, enregistrées les 3 et 4 juillet 1986, et par M. Gérard Houteer, enregistrées le 4 juillet 1986 ;
5 °Vu les autres pièces produites et jointes aux dossiers ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les requêtes susvisées sont relatives aux mêmes opérations électorales ; qu'il convient de les joindre pour qu'il y soit statué par une même décision ;
Sur la requête de M. Gérard Houteer :
Sur les conclusions relatives à la décision en date du 25 février 1986 du commissaire de la République de la Haute-Garonne :
2. Considérant que l'article L. 156 du code électoral dispose, dans sa rédaction issue de la loi n° 85-690 du 10 juillet 1985, que : « Nul ne peut être candidat dans plus d'une circonscription électorale ni sur plus d'une liste. Est nul et non avenu l'enregistrement de listes portant le nom d'une ou plusieurs personnes ayant fait acte de candidature dans une autre circonscription ou figurant sur une autre liste de candidats » ; que, selon l'article L. 159 du même code, si une déclaration de candidature ne remplit pas les conditions prévues aux articles précédents, le préfet saisit dans les vingt-quatre heures le tribunal administratif qui statue dans les trois jours, la décision du tribunal ne pouvant être contestée que devant le Conseil constitutionnel saisi de l'élection ; qu'en vertu de l'article L. 161, deuxième alinéa, le récépissé définitif de déclaration de candidature n'est délivré que si la candidature est conforme aux prescriptions des lois en vigueur ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 174 : « Les voix données aux listes comprenant un candidat qui a fait acte de candidature sur plusieurs listes sont considérées comme nulles ; ces listes ne peuvent obtenir aucun siège » ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si une candidature contrevient aux prescriptions prohibant les candidatures multiples, elle est nulle et non avenue ; que, dès lors, il appartient au tribunal administratif, saisi sans condition de délai par le représentant de l'état dans le département, de constater cette nullité ;
4. Considérant que la déclaration de candidature de la liste conduite par M. Houteer a été déposée le 21 février à 10 h 15 à la préfecture de la Haute-Garonne ; que le commissaire de la République a été informé le 24 février par le ministère de l'intérieur que M. Salvan, candidat sur cette liste, figurait également sur la liste « Rassemblement des usagers des services publics, des contribuables et des groupements de défense » (R.U.C.), déposée le 21 février 1986 à 8 h 50 dans le département des Hautes-Alpes ; que le dépôt dans les Hautes-Alpes était donc antérieur au dépôt en Haute-Garonne ;
5. Considérant que le commissaire de la République du département de la Haute-Garonne n'aurait pas dû refuser l'enregistrement de la candidature de la liste conduite par M. Houteer mais aurait dû saisir le tribunal administratif, ainsi d'ailleurs que l'intéressé le lui avait expressément demandé ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 6 mars 1986 ;
6. Considérant que les dispositions des articles L. 159 et L.O. 160 du code électoral donnent compétence au seul commissaire de la République pour saisir le tribunal administratif d'une déclaration de candidature ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif, qui avait été saisi par M. Houteer, a, par le jugement attaqué, estimé que l'intéressé n'avait pas qualité pour contester devant lui la validité de la décision du commissaire de la République refusant d'enregistrer sa liste et a, pour ce motif, rejeté sa requête ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation des opérations électorales :
7. Considérant, d'une part, que la volonté de M. Salvan d'être candidat sur la liste conduite par M. Houteer ne peut être contestée ; que le moyen selon lequel le domicile indiqué sur la déclaration de candidature n'aurait pas été son domicile au sens de l'article 102 du code civil mais un domicile d'élection, est sans incidence sur la validité de sa candidature sur cette liste ; que, d'autre part, si le nom de M. Salvan était également mentionné sur la liste présentée par le R.U.C. dans le département des Hautes-Alpes, l'intéressé a déclaré ne jamais avoir fait acte de candidature dans ce département et a immédiatement contesté, par une action devant le juge pénal, l'authenticité de sa signature ;
8. Considérant, par ailleurs, qu'il résulte de l'enquête ordonnée par la section chargée de l'instruction que deux des trois autres membres figurant sur la liste du R.U.C. dans les Hautes-Alpes ont, dans leur déposition faite sous serment, affirmé ne jamais avoir signé la déclaration de candidature du R.U.C. dans ce département ;
9. Considérant dans ces conditions que la candidature de M. Salvan sur la liste du R.U.C. dans les Hautes-Alpes et, par voie de conséquence, sa double candidature qui a conduit à écarter l'enregistrement de la liste de M. Houteer dans la Haute-Garonne ne sont pas établies ; que, dès lors, M. Houteer est fondé à soutenir que c'est à tort que sa liste n'a pas été enregistrée ;
10. Considérant que, dans ces circonstances, la non-participation de la liste conduite par M. Houteer, député sortant, a été de nature à affecter les résultats du scrutin et à modifier éventuellement la répartition des sièges entre les listes en présence ; qu'ainsi l'élection contestée doit être annulée ;
Sur la requête de M. Georges Salvan :
11. Considérant que les conclusions présentées par M. Salvan en vue d'obtenir indemnisation du préjudice subi du fait du refus d'enregistrement de la liste conduite par M. Houteer ne relèvent pas de la compétence du Conseil constitutionnel ; qu'elles doivent par suite être rejetées ;
Sur les requêtes de M. Christian Dancale :
Sur la demande d'annulation des opérations électorales :
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des opérations électorales ;
Sur la demande de remboursement des frais de campagne électorale engagés par le requérant :
13. Considérant qu'il n'appartient au Conseil constitutionnel de connaître de conclusions tendant au remboursement des frais de campagne électorale que si ces conclusions sont présentées au soutien d'une requête mettant en cause le nombre de suffrages obtenus par les candidats ; que la requête de M. Dancale, qui ne satisfait pas à cette exigence, doit, dès lors, être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Décide :
Article premier : L'élection législative à laquelle il a été procédé le 16 mars 1986 dans le département de la Haute-Garonne est annulée, ensemble la décision du commissaire de la République refusant l'enregistrement de la candidature de la liste conduite par M. Gérard Houteer dans le département de la Haute-Garonne. Le surplus des conclusions de la requête de M. Gérard Houteer est rejeté.
Article 2 : La requête de M. Georges Salvan est rejetée.
Article 3 : II n'y a lieu de statuer sur les conclusions des requêtes de M. Christian Dancale tendant à l'annulation des opérations électorales. Le surplus des conclusions de la requête enregistrée le 19 mars 1986 est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 juillet 1986, où siégeaient : MM. Robert BADINTER, président, Louis JOXE, Robert LECOURT, Daniel MAYER, Léon JOZEAU-MARIGNÉ, Pierre MARCILHACY, Georges VEDEL, Robert FABRE et Maurice-René SIMONNET.
Journal officiel du 9 juillet 1986, page 8571
Recueil, p. 97
ECLI : FR : CC : 1986 : 86.986.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.2. Candidatures
- 8.3.2.3. Déclaration de candidature
- 8.3.2.3.3. Recevabilité de la déclaration de candidature
8.3.2.3.3.2. Recours du préfet devant le tribunal administratif (voir également : Déclaration de candidature - Candidatures de liste - Refus de déclaration de candidature)
Est nulle et non avenue une candidature qui contrevient aux prescriptions prohibant les candidatures multiples. La nullité ne peut être constatée que par le tribunal administratif saisi à cet effet par le représentant de l'État dans le département. En raison du caractère d'ordre public de cette nullité, le tribunal peut être saisi sans condition de délai.
Les articles L. 159 et L. 160 du code électoral donnant compétence au seul commissaire de la République pour saisir le tribunal administratif d'une déclaration de candidature, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé qu'un candidat n'avait pas qualité pour contester devant lui la validité d'une candidature.
Seul le représentant de l'État dans le département a qualité pour saisir le tribunal administratif d'une déclaration de candidature. Un candidat est sans qualité pour saisir le tribunal administratif d'une contestation de la validité de la décision du représentant de l'État dans le département refusant d'enregistrer sa candidature.
Le représentant de l'État dans le département n'a pas qualité pour refuser l'enregistrement de la candidature d'une liste qui ne répond pas aux exigences posées par l'article L. 156 du code électoral. Il doit saisir le tribunal administratif.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.7. Contentieux - Compétence
- 8.3.7.2. Questions n'entrant pas dans la compétence du Conseil constitutionnel
8.3.7.2.1. Contrôle de la validité des candidatures
Les articles L. 159 et L. 160 du code électoral donnant compétence au seul commissaire de la République pour saisir le tribunal administratif d'une déclaration de candidature, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé qu'un candidat n'avait pas qualité pour contester devant lui la validité d'une candidature.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.7. Contentieux - Compétence
- 8.3.7.2. Questions n'entrant pas dans la compétence du Conseil constitutionnel
8.3.7.2.4. Remboursement des frais de propagande
Il n'appartient au Conseil constitutionnel de connaître de conclusions tendant au remboursement des frais de campagne électorale que si ces conclusions sont présentées au soutien d'une requête mettant en cause le nombre de suffrages obtenus par les candidats. Requête qui ne satisfait pas à cette exigence, rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.7. Contentieux - Compétence
- 8.3.7.2. Questions n'entrant pas dans la compétence du Conseil constitutionnel
8.3.7.2.17. Divers
Le Conseil constitutionnel n'est pas compétent pour connaître de conclusions tendant à obtenir indemnisation du préjudice subi du fait du refus d'enregistrement d'une liste.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.10. Contentieux - Instruction
- 8.3.10.3. Incidents de procédure, demandes particulières, non-lieu à statuer
8.3.10.3.3. Enquêtes
Enquête ordonnée par la section du Conseil constitutionnel chargée de l'instruction en vue d'établir l'existence ou non d'une double candidature à l'origine de la non-participation d'une liste.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.10. Contentieux - Instruction
- 8.3.10.3. Incidents de procédure, demandes particulières, non-lieu à statuer
8.3.10.3.5. Non-lieu à statuer
Annulation de l'élection sur une première requête. Non-lieu à statuer sur les conclusions d'une deuxième requête tendant aux mêmes fins.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
- 8.3.11.3. Irrégularités donnant lieu à rectifications
8.3.11.3.4. Organisation du scrutin
La double candidature qui a conduit à écarter l'enregistrement d'une liste n'est pas établie. La non-participation de cette liste a été, en l'espèce, de nature à affecter les résultats du scrutin et à modifier éventuellement la répartition des sièges entre les listes en présence. Annulation.