Décision n° 81-961 SEN du 3 décembre 1981
Le Conseil constitutionnel,
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu la requête présentée par M. Arthur Paecht demeurant à Mar-Vivo, 83500 La Seyne, enregistrée le 7 octobre 1981 à la préfecture du Var et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 27 septembre 1981 dans le département du Var pour la désignation d'un sénateur ;
Vu les observations en défense présentées par Mme Le Bellegou-Béguin, sénateur, enregistrées le 28 octobre 1981 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;
Vu les observations en réplique présentées par M. Arthur Paecht, enregistrées comme ci-dessus le 6 novembre 1981 ;
Vu les observations présentées par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de la décentralisation, enregistrées le 10 novembre 1981 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;
Sur le grief tiré de l'irrégularité de la composition du collège électoral sénatorial :
1. Considérant que, pour demander l'annulation de l'élection de Mme Le Bellegou-Béguin, M. Paecht soutient que le collège électoral sénatorial était irrégulièrement composé en ce qu'il ne comprenait pas les suppléants qui auraient dû être désignés par le conseil municipal de Sanary en application des articles L. 286 et L. 289 du code électoral ; que par là il entend contester la régularité du tableau des électeurs sénatoriaux établi et publié par arrêté préfectoral du 10 septembre 1981 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 292 du code électoral : « Des recours contre le tableau des électeurs sénatoriaux établi par le préfet peuvent être présentés par tout membre du collège électoral sénatorial du département. Ces recours sont présentés au tribunal administratif. La décision de celui-ci ne peut être contestée que devant le Conseil constitutionnel saisi de l'élection... » ; qu'il résulte de ces dispositions que M. Paecht, membre du collège électoral sénatorial, avait la faculté d'invoquer devant le tribunal administratif le moyen tiré de l'irrégularité de la composition dudit collège ; que, faute d'avoir saisi le tribunal administratif, il n'est pas recevable à invoquer cette irrégularité pour la première fois devant le Conseil constitutionnel ;
Sur le grief tiré de l'ouverture tardive du scrutin :
3. Considérant que, s'il résulte de l'instruction que le scrutin a été ouvert à huit heures cinquante-cinq et non à huit heures trente comme le prescrit le décret du 7 août 1981, ce retard dû aux formalités de constitution des bureaux de sections de vote n'a pas été de nature à fausser le résultat du scrutin ;
Sur le grief tiré de l'apposition d'une affiche annonçant le désistement d'un candidat :
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après le premier tour de scrutin une affiche blanche a été apposée à proximité des lieux de vote par les élus d'un parti politique pour faire connaître le désistement du candidat de ce parti et inciter les électeurs au report des votes sur Mme Le Bellegou-Béguin ; que, d'une part, si l'article L. 48 du code électoral réserve l'impression sur papier blanc aux affiches des « actes émanés de l'autorité », l'affiche dont il s'agit était manuscrite ; que, d'autre part, aucune disposition du code électoral ne fait obligation au candidat qui se retire de faire connaître lui-même sa décision ; que, dès lors, M. Paecht n'est pas fondé à soutenir que l'apposition de l'affiche litigieuse a pu exercer une influence sur la sincérité du scrutin ;
Sur le grief tiré de l'atteinte au secret du vote :
5. Considérant que, si certains électeurs se sont abstenus d'utiliser les isoloirs, ces irrégularités qui n'ont fait l'objet d'aucune observation au procès-verbal et dont il n'est pas allégué qu'elles aient été commises sous l'effet de contraintes ou de pressions, n'ont pas été de nature à porter atteinte à la sincérité du scrutin ;
Sur le grief tiré de l'absence de contrôle de l'identité des électeurs :
6. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la circonstance que des électeurs auraient été admis à voter sans que soit exigée d'eux la production d'un titre d'identité ait permis l'émission de votes frauduleux ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Paecht n'est pas fondé à demander l'annulation de l'élection de Mme Le Bellegou-Béguin ;
Décide :
Article premier :
La requête susvisée de M. Arthur Paecht est rejetée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée au Sénat et publiée au Journal officiel de la République française.Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 3 décembre 1981, où siégeaient : MM. Roger FREY, président, MONNERVILLE, JOXE, GROS, LECOURT, BROUILLET, VEDEL, SEGALAT, PÉRETTI.
Journal officiel du 4 décembre 1981, page 3312
Recueil, p. 231
ECLI : FR : CC : 1981 : 81.961.SEN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
- 8.4.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
- 8.4.3.1. Affiches
8.4.3.1.2. Contenu
Apposition par des élus d'un parti politique d'une affiche blanche manuscrite à proximité des lieux de vote d'une élection sénatoriale faisant connaître le désistement du candidat de ce parti et incitant ses électeurs à se prononcer en faveur du candidat proclamé élu. Pas d'atteinte à la sincérité du scrutin. L'article L. 48 du code électoral qui réserve à l'administration l'impression d'affiches sur papier blanc concerne les affiches imprimées et non manuscrites. Aucune disposition de ce code n'impose à un candidat, qui se retire, de faire connaître lui-même sa décision.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
- 8.4.6. Opérations électorales
- 8.4.6.3. Déroulement du scrutin
8.4.6.3.3. Durée du scrutin
Scrutin sénatorial ouvert avec vingt-cinq minutes de retard en raison de la constitution des bureaux de section de vote. Irrégularité sans influence en l'espèce.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
- 8.4.6. Opérations électorales
- 8.4.6.3. Déroulement du scrutin
8.4.6.3.6. Isoloirs
Le fait pour des électeurs de s'abstenir de passer par l'isoloir, dans la mesure où il ne résulte ni de contraintes ni de pressions, ne constitue pas une irrégularité suffisante pour porter atteinte à la sincérité du scrutin.
Si, lors du premier tour de scrutin pour l'élection sénatoriale, des électeurs en nombre limité, n'ont pas utilisé l'isoloir, cette irrégularité, qui n'a pas fait l'objet d'observations au procès-verbal, n'a pas été commise sous l'effet de pressions ni de la contrainte et n'a pas, dans les circonstances de l'affaire, altéré la sincérité du scrutin.
C.E., 19 juin 1957, Élections cantonales de Saint-Pierreville, Lebon, p. 403
C.E., 21 février 1968, Commune de La-Fare-en-Champsaur, Lebon, p. 957
C.E., 12 mai 1972, Élections cantonales de Saint-Louis-de-Marie-Galante, Lebon, p. 1093
- 8. ÉLECTIONS
- 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
- 8.4.7. Contentieux - Compétence
- 8.4.7.1. Étendue de la compétence du Conseil constitutionnel
- 8.4.7.1.3. Contrôle des jugements des tribunaux administratifs
8.4.7.1.3.2. Jugement portant sur la composition du collège électoral sénatorial
Contestation de la régularité du tableau des électeurs sénatoriaux. Compétence du tribunal administratif. Grief non recevable s'il est présenté pour la première fois devant le Conseil constitutionnel.