Décision

Décision n° 81-958 AN du 19 novembre 1981

A.N., Réunion (2ème circ.)
Rejet

Le Conseil constitutionnel,

Vu l'article 59 de la Constitution ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu la requête présentée par M. Paul Vergés, candidat, demeurant : 87, rue Pasteur, à Saint-Denis-de-la-Réunion, enregistrée le 2 juillet 1981 à la préfecture de la Réunion et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 21 juin 1981 dans la deuxième circonscription de la Réunion pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;

Vu le mémoire ampliatif présenté par M. Paul Vergès, enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 8 juillet 1981 ;

Vu les observations présentées par le secrétaire d'Etat auprès du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de la décentralisation, chargé des départements et des territoires d'outre-mer, enregistrées comme ci-dessus le 19 septembre 1981 ;

Vu les observations en défense présentées par M. Jean Fontaine, député, enregistrées le 30 septembre 1981 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;

Vu les observations en réplique présentées par M. Paul Vergés, enregistrées comme ci-dessus le 15 octobre 1981 ;

Vu les observations en duplique présentées par M. Jean Fontaine, député, enregistrées comme ci-dessus le 29 octobre 1981 ;

Vu les nouvelles observations présentées par M. Paul Vergès, enregistrées comme ci-dessus le 13 novembre 1981 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Ouï le rapporteur en son rapport ;

Sur les griefs relatifs aux votes par procuration :

1. Considérant que le nombre relativement élevé des votes par procuration dans certaines communes ne saurait faire présumer une fraude ; que, de même, le fait que nombre des mandataires auraient été des employés communaux ou des parents ou alliés de conseillers municipaux ne saurait fonder une annulation des votes par procuration dont il s'agit ;

2. Considérant que, si M. Paul Verges allègue que des procurations auraient été établies à l'insu des mandants, nombre des attestations produites à l'appui de ce grief ont été désavouées par leurs auteurs qui ont indiqué avoir été amenés à les signer à la suite de manoeuvres ; que, même à supposer établies les contraventions aux dispositions des articles L. 71 à L. 78, R. 72 à R. 80, L. 107, L. 111, L. 113 et L. 114 du code électoral pour lesquelles une plainte a été déposée, le nombre des votes affectés de telles irrégularités ne suffirait pas pour remettre en cause le résultat de l'élection ;

3. Considérant que, dans les communes de Cilaos, Saint-Leu, et dans le 23è bureau de la commune de Saint-Paul les divergences numériques, relevées par le requérant, entre les votes par procuration portés sur les procès-verbaux et ceux qui ont été enregistrés sur les listes d'émargement s'expliquent par l'absence sur les listes d'émargement de certaines indications relatives aux votes par procuration ; qu'il résulte des vérifications effectuées que cette anomalie n'a eu pour effet ni d'empêcher le contrôle de l'identité des mandataires et celui de la régularité des procurations, ni d'affecter le décompte des votes ; qu'ainsi, ces votes émis par procuration doivent être regardés comme valables ;

Sur les griefs relatifs au déroulement de la campagne électorale :

4. Considérant que, si les partisans de M. Jean Fontaine, tout comme ceux du requérant, se sont livrés à une propagande massive et parfois tardive, il n'est pas établi que la propagande en faveur de M. Fontaine, en présentant de façon analogue à celle utilisée lors de précédentes consultations électorales les positions du parti communiste réunionnais et celles des représentants locaux du parti socialiste, ait dépassé les limites de la polémique électorale et ait pu constituer une manoeuvre de dernière heure ou ait pu tromper les électeurs ;

5. Considérant qu'à supposer établi le fait allégué par le requérant que des agents et du matériel des communes auraient été utilisés au cours de la campagne électorale par le candidat proclamé élu, cette irrégularité selon des articles de presse produits par le requérant lui-même, aurait été également commise par celui-ci ;

6. Considérant que neuf lettres, présentant jusque dans la dactylographie de remarquables similitudes, adressées une semaine avant le premier tour de scrutin au secrétaire d'Etat chargé des départements et territoires d'outre-mer par des habitants de Saint-Paul manifestement illettrés, ne sauraient démontrer la réalité de pressions alléguées par le requérant ;

7. Considérant que, si plusieurs incidents ont eu lieu pendant la campagne électorale, il résulte de l'instruction que la majorité de ceux-ci ne saurait être attribuée aux partisans de M. Jean Fontaine ; que certains des incidents mentionnés par le préfet ne se sont pas déroulés dans la deuxième circonscription ; que, si deux incidents graves sont signalés par le préfet, l'un est relatif à un litige d'ordre privé et l'autre, dont la victime est un ami politique de M. Jean Fontaine, a eu lieu après la clôture du scrutin ; qu'ainsi le requérant n'est pas fondé à prétendre que le candidat proclamé élu a entretenu un climat de violence susceptible de troubler le déroulement de la campagne ;

8. Considérant que l'utilisation des trois couleurs nationales sur des vignettes et des boîtes d'allumettes ne saurait avoir conféré un caractère officiel à la candidature de M. Jean Fontaine ;

9. Considérant que, si un mandataire de M. Paul Vergés a eu des difficultés pour consulter, entre les deux tours, les listes électorales de la commune de Saint-Leu, il n'est pas contesté qu'il a finalement obtenu satisfaction après intervention du préfet ;

Sur le déroulement des opérations de vote :

10. Considérant qu'il n'est pas établi par les pièces du dossier que des pressions auraient été exercées sur les électeurs à l'occasion de leur transport sur les lieux de vote, trois des documents produits par le requérant à l'appui de ce grief concernant d'ailleurs l'élection présidentielle du 10 mai 1981 ;

11. Considérant qu'il n'est pas établi que la présence dans les enveloppes de doubles bulletins au nom de M. Jean Fontaine, qui aurait été constatée au moment du dépouillement des votes dans les bureaux de La Rivière-Saint-Louis aurait eu pour effet de compromettre l'anonymat du vote ; que, d'ailleurs, les assesseurs désignés par M. Paul Vergés n'ont pas fait état sur les procès-verbaux du nombre anormalement élevé de tels votes ;

12. Considérant que le grief relatif à la composition du 22è bureau de vote de Saint-Paul a été soulevé pour la première fois dans des observations enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 15 octobre 1981, soit après l'expiration du délai prévu par l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; que ce moyen nouveau ne peut donc être retenu ;

Sur le décompte des suffrages :

13. Considérant que c'est à bon droit que, dans chaque bureau, l'excédent du nombre des bulletins par rapport à celui des émargements a été retranché du nombre des voix obtenues par le candidat arrivé en tête dans le bureau et non de celui des suffrages obtenus par le candidat proclamé élu ;

14. Considérant que de tout ce qui précède il résulte que la requête susvisée de M. Paul Vergès doit être rejetée ;

Décide :
Article premier :
La requête susvisée de M. Paul Vergès est rejetée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 novembre 1981, où siégeaient MM. Roger FREY, président, MONNERVILLE, JOXE, GROS, LECOURT, BROUILLET, VEDEL, SEGALAT, PÉRETTI.

Journal officiel du 21 novembre 1981, page 3178
Recueil, p. 210
ECLI : FR : CC : 1981 : 81.958.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.1. Opérations préalables au scrutin
  • 8.3.1.1. Listes électorales
  • 8.3.1.1.1. Établissement des listes électorales
  • 8.3.1.1.1.5. Communication et consultation des listes électorales

Simple difficulté pour consulter les listes électorales entre les deux tours de scrutin. Pas d'irrégularité.

(81-958 AN, 19 novembre 1981, cons. 9, Journal officiel du 21 novembre 1981, page 3178)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.17. Irrégularités diverses de propagande

L'utilisation sur des vignettes et des boîtes d'allumettes des trois couleurs nationales ne saurait être considéré comme conférant un caractère officiel à une candidature.

(81-958 AN, 19 novembre 1981, cons. 8, Journal officiel du 21 novembre 1981, page 3178)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.4. Campagne électorale - Pressions, interventions, manœuvres
  • 8.3.4.1. Nature des pressions, interventions, manœuvres
  • 8.3.4.1.6. Utilisation de moyens de l'administration
  • 8.3.4.1.6.3. Personnel

Utilisation par un candidat proclamé élu d'agents et de matériel d'une commune. Irrégularité qui, à la supposer établie, est sans influence, des faits identiques ayant été relevés à l'encontre du requérant.

(81-958 AN, 19 novembre 1981, cons. 5, Journal officiel du 21 novembre 1981, page 3178)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.5. Vote par procuration
  • 8.3.6.5.1. Établissement des procurations
  • 8.3.6.5.1.2. Demandes de déplacement de l'officier de police judiciaire - attestations

Une divergence numérique relevée entre le nombre des votes par procuration porté sur les procès-verbaux et celui enregistré sur les listes d'émargement, qui résulte de l'absence sur ces listes de certaines indications relatives aux votes par procuration n'a eu pour effet ni d'empêcher le contrôle d'identité des mandataires et celui de la régularité des procurations, ni d'affecter le décompte des votes. Absence de tout élément faisant présumer une fraude.

(81-958 AN, 19 novembre 1981, cons. 3, Journal officiel du 21 novembre 1981, page 3178)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.5. Vote par procuration
  • 8.3.6.5.1. Établissement des procurations
  • 8.3.6.5.1.5. Choix personnel du mandataire

Ni le nombre relativement élevé des votes par procuration dans une commune ni le fait que nombre de mandataires auraient été employés, parents ou alliés de conseillers municipaux de cette commune, ne sauraient faire présumer l'existence d'une fraude.

(81-958 AN, 19 novembre 1981, cons. 1, Journal officiel du 21 novembre 1981, page 3178)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.8. Dépouillement
  • 8.3.6.8.3. Validité des bulletins
  • 8.3.6.8.3.4. Marques

Présence dans des enveloppes de doubles bulletins. Pas de mention sur les procès-verbaux d'un nombre anormalement élevé de tels votes.

(81-958 AN, 19 novembre 1981, cons. 11, Journal officiel du 21 novembre 1981, page 3178)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.6. Opérations électorales
  • 8.3.6.8. Dépouillement
  • 8.3.6.8.5. Nombre des émargements différent de celui des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne
  • 8.3.6.8.5.1. Jurisprudence antérieure aux élections législatives de 1988

Excédent du nombre des bulletins par rapport à ceux des émargements. C'est à bon droit que cet excédent a été retranché du nombre des voix obtenues par le candidat arrivé en tête dans les bureaux considérés.

(81-958 AN, 19 novembre 1981, cons. 13, Journal officiel du 21 novembre 1981, page 3178)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.9. Contentieux - Griefs
  • 8.3.9.3. Griefs nouveaux
  • 8.3.9.3.1. Existence

Griefs invoqués pour la première fois dans un mémoire déposé après l'expiration du délai de dix jours fixé par l'article 33 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et présentant le caractère de griefs nouveaux. Griefs irrecevables.

(81-958 AN, 19 novembre 1981, cons. 12, Journal officiel du 21 novembre 1981, page 3178)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.10. Contentieux - Instruction
  • 8.3.10.2. Preuve
  • 8.3.10.2.2. Affirmation des parties qui ne sont corroborées par aucun élément de preuve

Nombreuses irrégularités alléguées mais non prouvées.

(81-958 AN, 19 novembre 1981, cons. 2, Journal officiel du 21 novembre 1981, page 3178)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.10. Contentieux - Instruction
  • 8.3.10.2. Preuve
  • 8.3.10.2.4. Attestations

Attestations désavouées par leurs auteurs qui déclarent les avoir signées à la suite de manœuvres. Neuf lettres faisant état de pressions, présentant jusque dans la dactylographie de remarquables similitudes, adressées par des citoyens manifestement illettrés au Secrétaire d'État chargé des départements et territoires d'outre-mer, ne constituent pas une preuve.

(81-958 AN, 19 novembre 1981, cons. 2, Journal officiel du 21 novembre 1981, page 3178)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.10. Contentieux - Instruction
  • 8.3.10.2. Preuve
  • 8.3.10.2.5. Faits non pertinents pour prouver la fraude ou l'irrégularité alléguée

Ni le nombre relativement élevé des votes par procuration dans une commune ni le fait que nombre de mandataires auraient été employés, parents ou alliés de conseillers municipaux de cette commune, ne sauraient faire présumer l'existence d'une fraude.

(81-958 AN, 19 novembre 1981, cons. 1, Journal officiel du 21 novembre 1981, page 3178)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
  • 8.3.11.1. Irrégularités qui ne modifient pas le résultat
  • 8.3.11.1.1. Irrégularités dont il n'est pas établi qu'elles aient permis des fraudes
  • 8.3.11.1.1.2. Propagande

Propagande massive et parfois tardive imputable tant au requérant qu'au candidat proclamé élu. Dans ce contexte, la reprise par le candidat proclamé élu, d'arguments utilisés lors de précédentes campagnes électorales et relatifs à des prises de position imputées à des partis politiques, ne dépassant pas les limites de la polémique électorale, ne constitue pas une manœuvre de dernière heure.

(81-958 AN, 19 novembre 1981, cons. 4, Journal officiel du 21 novembre 1981, page 3178)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
  • 8.3.11.3. Irrégularités donnant lieu à rectifications
  • 8.3.11.3.1. Annulation de certains votes
  • 8.3.11.3.1.3. Nombre des émargements différent de celui des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne : jurisprudence antérieure aux élections législatives de 1988

Excédent du nombre des bulletins par rapport à ceux des émargements. C'est à bon droit que cet excédent a été retranché du nombre des voix obtenues par le candidat arrivé en tête dans les bureaux considérés.

(81-958 AN, 19 novembre 1981, cons. 13, Journal officiel du 21 novembre 1981, page 3178)
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