Décision n° 81-912 AN du 12 novembre 1981
Le Conseil constitutionnel,
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi, organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le Code électoral ;
Vu la requête présentée par M. Raoul, Jean Dumas, demeurant : 78, rue Ernest-Havet à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), enregistrée le 23 juin 1981 au secrétariat général du Conseil constitutionnel et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé le 14 juin 1981 dans la troisième circonscription du Val-de-Marne pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu les observations en défense présentées par M. Georges Gosnat, député, enregistrées le 10 juillet 1981 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;
Vu les observations en réplique présentées par M. Raoul, Jean Dumas, enregistrées comme ci-dessus le 28 juillet 1981 ;
Vu les observations présentées par le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation, enregistrée le 21 août 1981 au secrétariat général du Conseil constitutionnel ;
Vu les nouvelles observations présentées par M. Georges Gosnat, enregistrées comme ci-dessus le 10 septembre 1981 ;
Vu les nouvelles observations présentées par M. Raoul, Jean Dumas, enregistrées comme ci-dessus le 18 septembre 1981 ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;
Sur le grief tiré de l'irrégularité de la tenue d'une liste d'émargements :
1. Considérant qu'il n'est pas établi que la copie de la liste électorale constituant la liste d'émargements du huitième bureau de vote de Vitry-sur-Seine n'a pas été déposée, comme le prescrit l'article R. 53 du code électoral, sur la table autour de laquelle siégeait le bureau de vote et qu'il n'a pas été procédé aux émargements conformément aux dispositions de l'article R. 61 du même Code ;
Sur le décompte des suffrages exprimés et des voix recueillies par le candidat élu :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des constatations de membres des vingt-septième et quarante-troisième bureaux de vote de Vitry-sur-Seine, consignées aux procès-verbaux, que la présidente du premier de ces bureaux a été surprise alors qu'en votant elle introduisait plusieurs bulletins de vote dans l'urne et qu'un électeur a agi de même au quarante-troisième bureau ; qu'eu égard aux responsabilités attribuées par le Code électoral aux présidents des bureaux de vote en vue de veiller à la régularité du scrutin et, pour le quarante-troisième bureau de vote, à l'importance de la différence entre le nombre des émargements et le nombre des enveloppes trouvées dans l'urne, ces irrégularités portent gravement atteinte à la régularité du scrutin dans ces deux bureaux de vote ; qu'il y lieu, dès lors, d'annuler le résultat du scrutin dans ces deux bureaux et de diminuer, à ce titre, de 1551 le nombre de suffrages exprimés et de 755 le nombre des voix obtenues par M. Georges Gosnat ;
3. Considérant, en second lieu, que l'examen des procès-verbaux des opérations électorales des autres bureaux de vote fait apparaître des disparités entre le nombre des enveloppes et bulletins trouvés dans les urnes et le nombre des émargements ; qu'il y a lieu de retenir, pour chacun de ces bureaux de vote, le moins élevé de ces deux nombres et de diminuer corrélativement le nombre des suffrages exprimés ainsi que celui des voix recueillies par le candidat le plus favorisé ; que cette rectification a été opérée par le bureau de vote centralisateur pour les bureaux dans lesquels le nombre des émargements était supérieur à celui des enveloppes et bulletins trouvés dans les urnes ; qu'il y a lieu, pour les bureaux de vote dans lesquels la discordance est en sens inverse, de diminuer, à ce titre, de 12 le nombre des suffrages exprimés et de 12 voix le nombre des suffrages recueillis par M. Georges Gosnat ;
4. Considérant enfin, qu'après rectification d'une erreur matérielle, les chiffres figurant à la rubrique « totaux » du procès-verbal centralisateur de la commune de Vitry-sur-Seine correspondent à l'addition des résultats des bureaux de vote de cette commune et ne sont donc pas entachés d'erreur de calcul ;
5. Considérant que, de ce qui précède, il résulte que le nombre des suffrages exprimés dans la circonscription doit être ramené de 54 821 à 53 258 ; que le nombre de suffrages qu'un candidat doit avoir obtenus pour être élu au premier tour doit être ramené de 27 411 à 26 629 et que le nombre de voix recueillies par M. Georges Gosnat doit être ramené de 27 523 à 26 756 ; que celui-ci conserve la majorité absolue des suffrages exprimés ainsi qu'un nombre de voix excédant le quart des 79 392 électeurs inscrits dans la circonscription ;
Sur les griefs relatifs à la validité des votes :
6. Considérant que les deux électeurs qui ont voté au vingt-troisième bureau d'Ivry-sur-Seine en présentant des cartes d'électeur des neuvième et vingt-septième bureaux de vote de cette commune avaient été rayés des listes électorales de ces deux bureaux pour être inscrits au vingt-troisième bureau et n'ont donc pas voté deux fois ;
7. Considérant que c'est à bon droit que le vingt-troisième bureau de vote d'Ivry-sur-Seine et le neuvième bureau de vote de Vitry ont, chacun, déclaré nul un bulletin de vote émis en faveur de M. Raoul, Jean Dumas, au motif que ceux-ci portaient des signes de reconnaissance ; que, par contre, deux bulletins de vote au nom de M. Raoul, Jean Dumas portant des taches qui n'ont pas le caractère de signes de reconnaissance ont été annulés à tort par les quatorzième et trente-neuvième bureaux de vote à Vitry ; que, toutefois, la rectification qu'il y a lieu d'opérer à ce titre en faveur de M. Raoul, Jean Dumas est sans influence sur le résultat du scrutin ;
Sur les griefs relatifs au dépouillement du scrutin :
8. Considérant que, si, dans deux bureaux de vote de Vitry-sur-Seine et dans trois bureaux de vote d'Ivry, il a été procédé simultanément au décompte des émargements et au dépouillement du scrutin, contrairement aux dispositions des articles L. 65 et R. 61 du code électoral, il n'est pas établi que l'irrégularité ainsi commise ait eu pour effet de permettre des fraudes ou de provoquer des erreurs de calcul ; que le décompte des émargements dans le quarante-deuxième bureau de vote de Vitry ayant été effectué dans des conditions régulières, le président de ce bureau de vote pouvait arrêter la liste d'émargements sans prescrire un nouveau décompte ;
9. Considérant que les pointages du nombre des électeurs venant de voter auxquels se sont livrés, au cours de la journée, des représentants de certains candidats, ne sauraient prévaloir, en l'absence d'autres indices de fraude ou d'erreur, sur les chiffres mentionnés tant sur les listes d'émargements que sur les procès-verbaux ;
10. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il ait été procédé dans des conditions irrégulières au décompte des bulletins de vote dans le quarante-deuxième bureau de vote de Vitry ; qu'enfin, les allégations selon lesquelles, dans le cinquième bureau de vote de cette commune, un paquet de cent enveloppes aurait été subtilisé ne sont pas assorties de précisions et d'éléments de preuve permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête ne saurait être accueillie ;
Décide :
Article premier :
La requête de M. Raoul, Jean Dumas est rejetée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 novembre 1981, où siégeaient : MM. Roger FREY, président, MONNERVILLE, JOXE, GROS, LECOURT, BROUILLET, VEDEL, SEGALAT, PÉRETTI.
Journal officiel du 13 novembre 1981, page 3115
Recueil, p. 198
ECLI : FR : CC : 1981 : 81.912.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
- 8.3.6.4. Déroulement du scrutin
8.3.6.4.13. Incidents divers
Président d'un bureau de vote surpris en introduisant lors de son vote plusieurs bulletins dans l'urne. Électeurs surpris à agir de même dans un autre bureau de vote. Eu égard, dans le premier cas, aux responsabilités attribuées par le code électoral aux présidents de bureaux de vote et compte tenu, dans le second cas, du rapprochement entre ce fait et l'importante discordance entre le nombre des émargements et le nombre des bulletins et enveloppes, ces irrégularités portent gravement atteinte à la régularité du scrutin. Annulation du résultat du scrutin dans ces 2 bureaux et diminution des suffrages exprimés.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
- 8.3.6.8. Dépouillement
8.3.6.8.1. Organisation du dépouillement
Dépouillement du scrutin dans des conditions non conformes à l'article L. 65 du code électoral (décompte des émargements et dépouillement du scrutin simultanés), grief non retenu, dès lors qu'il n'est pas établi que cette irrégularité ait eu pour effet de faciliter des fraudes ou des erreurs de calcul. Le décompte des émargements ayant été effectué régulièrement dans un bureau, le président pouvait en arrêter la liste sans prescrire un nouveau décompte.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
- 8.3.6.8. Dépouillement
- 8.3.6.8.3. Validité des bulletins
8.3.6.8.3.4. Marques
Bulletins portant des signes de reconnaissance. Annulation régulière par le bureau de vote. Validité de 2 bulletins portant des taches n'ayant pas le caractère de signes de reconnaissance. Rectification des résultats, sans influence sur le scrutin.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.6. Opérations électorales
- 8.3.6.8. Dépouillement
- 8.3.6.8.5. Nombre des émargements différent de celui des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne
8.3.6.8.5.1. Jurisprudence antérieure aux élections législatives de 1988
Disparité entre le nombre des émargements et le nombre des enveloppes et bulletins. La commission de recensement des votes a opéré, à bon droit, la rectification dans certains bureaux dans lesquels le nombre des émargements était supérieur au nombre des enveloppes et bulletins en retenant, par bureau, le moins élevé de ces nombres et en diminuant corrélativement le nombre des suffrages exprimés ainsi que celui des voix recueillies par le candidat le plus favorisé. Il y a lieu à procéder de même pour les bureaux dans lesquels la discordance et en sens inverse. Rectifications opérées par la décision.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.10. Contentieux - Instruction
- 8.3.10.2. Preuve
8.3.10.2.3. Appréciation au regard des procès-verbaux
Les pointages du nombre des électeurs effectués par des délégués d'un candidat ne sauraient prévaloir, en l'absence d'autres indices de fraude ou d'erreur, sur les chiffres mentionnés sur les listes d'émargements et sur les procès-verbaux.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.10. Contentieux - Instruction
- 8.3.10.2. Preuve
8.3.10.2.5. Faits non pertinents pour prouver la fraude ou l'irrégularité alléguée
Il n'y a pas lieu d'accueillir le grief selon lequel deux électeurs ont voté dans un bureau en présentant des cartes d'électeur d'autres bureaux, dès lors que ces électeurs ont été rayés des listes électorales des bureaux mentionnés sur leur carte d'électeur pour être inscrits dans le bureau où ils ont voté et n'ont donc pas voté deux fois.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
- 8.3.11.3. Irrégularités donnant lieu à rectifications
- 8.3.11.3.1. Annulation de certains votes
8.3.11.3.1.3. Nombre des émargements différent de celui des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne : jurisprudence antérieure aux élections législatives de 1988
Disparité entre le nombre des émargements et le nombre des enveloppes et bulletins. La commission de recensement des votes a opéré, à bon droit, la rectification dans certains bureaux dans lesquels le nombre des émargements était supérieur au nombre des enveloppes et bulletins en retenant par bureau, le moins élevé de ces nombres et en diminuant corrélativement le nombre des suffrages exprimés ainsi que celui des voix recueillies par le candidat le plus favorisé. Il y a lieu à procéder de même pour les bureaux dans lesquels la discordance est en sens inverse. Rectification opérée par la décision.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.11. Contentieux - Appréciation des faits par le Conseil constitutionnel
- 8.3.11.3. Irrégularités donnant lieu à rectifications
8.3.11.3.2. Annulation des votes dans un ou plusieurs bureaux
Président d'un bureau de vote surpris en introduisant lors de son vote plusieurs bulletins dans l'urne. Électeur surpris à agir de même dans un autre bureau de vote. Eu égard, dans le premier cas, aux responsabilités attribuées par le code électoral aux présidents de bureaux de vote et compte tenu, dans le second cas, du rapprochement entre ce fait et l'importante discordance entre le nombre des émargements et le nombre des bulletins et enveloppes, ces irrégularités portent gravement atteinte à la régularité du scrutin. Annulation du résultat du scrutin dans ces 2 bureaux et la diminution des suffrages exprimés.