Décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980
Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 30 juin 1980 par MM Marcel Champeix, Edgar Tailhades, Félix Ciccolini, Mlle Irma Rapuzzi, MM Maurice Vérillon, Maurice Pic, Noël Berrier, Robert Pontillon, Michel Darras, Raymond Courrière, Pierre Noé, André Méric, Emile Durieux, Paul Mistral, Guy Durbec, Marcel Brégégère, Mme Cécile Goldet, MM Louis Longequeue, Charles Alliès, Gilbert Belin, Marcel Debarge, Tony Larue, Robert Laucournet, Robert Guillaume, Maxime Javelly, Philippe Machefer, Marcel Mathy, André Barroux, Henri Tournan, Jean Geoffroy, Jacques Carat, Georges Spénale, Michel Moreigne, Claude Fuzier, Antoine Andrieux, Maurice Janetti, René Chazelle, Franck Sérusclat, Gérard Minvielle, Robert Schwint, Edgard Pisani, Roger Quilliot, Henri Duffaut, Bernard Parmantier, Albert Pen, Jean Varlet, Edouard Soldani, Marcel Souquet, Georges Dagonia, Louis Perrein, Bernard Chochoy, Jacques Bialski, Léon Eeckhoutte, Jean Nayrou, Roland Grimaldi, Jean Péridier, Robert Lacoste, Emile Vivier, Roger Rinchet, Jean Béranger, Josy Moinet, sénateurs,
et le 4 juillet 1980, par MM Maurice Andrieux, Gustave Ansart, Robert Ballanger, Paul Balmigère, Mme Myriam Barbera, MM Jean Bardol, Jean-Jacques Barthe, Alain Bocquet, Gérard Bordu, Daniel Boulay, Irénée Bourgois, Jacques Brunhes, Georges Bustin, Henry Canacos, Jacques Chaminade, Mmes Angèle Chavatte, Jacqueline Chonavel, M Roger Combrisson, Mme Hélène Constans, MM Michel Couillet, César Depietri, Bernard Deschamps, Guy Ducoloné, André Duroméa, Lucien Dutard, Charles Fiterman, Mmes Paulette Fost, Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM Dominique Frelaut, Edmond Garcin, Marceau Gauthier, Pierre Girardot, Mme Colette Goeuriot, MM Pierre Goldberg, Georges Gosnat, Roger Gouhier, Mme Marie-Thérèse Goutmann, MM Maxime Gremetz, Georges Hage, Guy Hermier, Mme Adrienne Horvath, MM Marcel Houël, Parfait Jans, Jean Jarosz, Emile Jourdan, Jacques Jouve, Pierre Juquin, Maxime Kalinsky, André Lajoinie, Georges Lazzarino, Mme Chantal Leblanc, MM Joseph Legrand, Alain Léger, François Leizour, Daniel Le Meur, Roland Leroy, Louis Maisonnat, Georges Marchais, Fernand Marin, Albert Maton, Gilbert Millet, Robert Montdargent, Mme Gisèle Moreau, MM Maurice Nilès, Louis Odru, Antoine Porcu, Vincent Porelli, Mmes Jeanine Porte, Colette Privat, MM Jack Ralite, Roland Renard, René Rieubon, Marcel Rigout, Emile Roger, Hubert Ruffe, André Soury, Marcel Tassy, André Tourné, Théo Vial-Massat, Lucien Villa, René Visse, Robert Vizet, Claude Wargnies, Pierre Zarka, députés, dans les conditions prévues à l'article 61 (alinéa 2) de la Constitution, du texte de la loi portant validation d'actes administratifs, telle qu'elle a été adoptée par le Parlement ;
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;
1. Considérant que la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel prononce non la validation des dispositions du décret n° 77-679 du 29 juin 1977 relatives à la désignation des représentants du personnel au comité technique paritaire central des enseignants de statut universitaire annulées par une décision du Conseil d'État statuant au contentieux en date du 18 avril 1980, mais la validation des décrets pris après consultation dudit comité technique paritaire central ainsi que celle des actes réglementaires et non réglementaires pris sur la base de ces décrets ;
2. Considérant qu'il résulte des débats parlementaires que le législateur, avec l'assentiment du Gouvernement, a, par là, entendu préserver le fonctionnement continu du service public et le déroulement normal des carrières du personnel des conséquences d'éventuelles décisions contentieuses qui viendraient à annuler, comme ayant été prises sans consultation régulière du comité technique paritaire, les décrets visés par la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ainsi que d'autres éventuelles décisions contentieuses qui viendraient annuler des actes réglementaires ou non réglementaires pris sur la base de ces décrets ;
3. Considérant que, sauf en matière pénale, la loi peut comporter des dispositions rétroactives ; qu'il n'était donc pas interdit au législateur de valider, rétroactivement, les décrets pris après consultation du comité technique paritaire central des personnels enseignants de statut universitaire institué par le décret du 29 juin 1977 ;
4. Considérant, de même, que la validation des décrets visés par la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a pour effet de rendre inopérant le grief selon lequel les actes réglementaires ou non réglementaires pris sur le fondement de ces textes auraient été dépourvus de base légale ; qu'ainsi le législateur était conduit à valider ces actes ;
5. Considérant que, selon les auteurs des deux saisines, les dispositions de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel comporteraient une intervention du législateur dans le fonctionnement de la justice et seraient contraires au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs ; qu'en effet, cette loi serait de nature à entraîner le rejet de recours actuellement pendants devant la juridiction administrative ;
6. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 64 de la Constitution en ce qui concerne l'autorité judiciaire et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en ce qui concerne, depuis la loi du 24 mai 1872, la juridiction administrative, que l'indépendance des juridictions est garantie ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le Gouvernement ; qu'ainsi, il n'appartient ni au législateur ni au Gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d'adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence ;
7. Mais considérant que ces principes de valeur constitutionnelle ne s'opposent pas à ce que, dans l'exercice de sa compétence et au besoin, sauf en matière pénale, par la voie de dispositions rétroactives, le législateur modifie les règles que le juge a mission d'appliquer ; qu'ainsi le fait que la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel intervient dans une matière ayant donné lieu à des recours actuellement pendants n'est pas de nature à faire regarder cette loi comme non conforme à la Constitution ;
8. Considérant que les auteurs de l'une des saisines font valoir qu'en validant, fût-ce avec l'accord du Gouvernement, des actes administratifs ne relevant pas des matières réservées à la compétence du législateur, la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a méconnu les dispositions des articles 34 et 37 de la Constitution ;
9. Considérant que le législateur, compétent, aux termes de l'article 34 de la Constitution, pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales, accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'État avait, pour des raisons d'intérêt général, la faculté d'user de son pouvoir de prendre des dispositions rétroactives afin de régler, comme lui seul, en l'espèce, pouvait le faire, les situations nées de l'annulation du décret du 29 juin 1977 et, pour cela, de valider les décrets qui avaient été pris après consultation du comité technique paritaire central ainsi que les actes réglementaires ou non réglementaires pris sur leur base ;
10. Considérant, enfin, qu'il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution de la loi soumise à son examen,
Décide :
Article premier :
La loi portant validation d'actes administratifs soumise à l'examen du Conseil constitutionnel est déclarée conforme à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.Journal officiel du 24 juillet 1980, page 1868
Recueil, p. 46
ECLI : FR : CC : 1980 : 80.119.DC
Les abstracts
- 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
- 1.4. PRINCIPES FONDAMENTAUX RECONNUS PAR LES LOIS DE LA RÉPUBLIQUE
- 1.4.3. Principes retenus
1.4.3.3. Indépendance de la juridiction administrative
- 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
- 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
- 3.7.8. Fonction publique
- 3.7.8.1. Domaine de la loi - Garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et assimilés
3.7.8.1.5. Dispositions rétroactives - Validations législatives
Le législateur, compétent, aux termes de l'article 34 de la Constitution, pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'État avait, pour des raisons d'intérêt général, la faculté d'user de son pouvoir de prendre des dispositions rétroactives afin de régler, comme lui seul, en l'espèce, pouvait le faire, les situations nées de l'annulation du décret du 29 juin 1977 et, pour x, de valider les décrets qui avaient été pris après consultation du comité technique paritaire central ainsi que les actes réglementaires ou non réglementaires pris sur leur base.
- 4. DROITS ET LIBERTÉS
- 4.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS
- 4.2.2. Garantie des droits
- 4.2.2.4. Sécurité juridique
4.2.2.4.1. Atteinte à un acte ou à une situation légalement acquise
Sauf en matière pénale, la loi peut comporter des dispositions rétroactives ; il n'est donc pas interdit au législateur de valider, rétroactivement, les décrets pris après consultation du comité paritaire central des personnels enseignants de statut universitaire institué par le décret du 29 juin 1977 annulé par le Conseil d'État. De même, la validation des décrets visés par la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a pour effet de rendre inopérant le grief selon lequel les actes réglementaires ou non réglementaires pris sur le fondement de ces textes auraient été dépourvus de base légale ; ainsi le législateur était conduit à valider ces actes.
- 4. DROITS ET LIBERTÉS
- 4.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS
- 4.2.2. Garantie des droits
- 4.2.2.4. Sécurité juridique
- 4.2.2.4.2. Autre mesure rétroactive
4.2.2.4.2.1. Conditions de la rétroactivité
Le législateur, compétent, aux termes de l'article 34 de la Constitution, pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'État avait, pour des raisons d'intérêt général, la faculté d'user de son pouvoir de prendre des dispositions rétroactives afin de régler, comme lui seul, en l'espèce, pouvait le faire, les situations nées de l'annulation du décret du 29 juin 1977 et de valider les décrets qui avaient été pris après consultation du comité technique paritaire central ainsi que les actes réglementaires ou non réglementaires pris sur leur base.
- 4. DROITS ET LIBERTÉS
- 4.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS
- 4.2.2. Garantie des droits
- 4.2.2.4. Sécurité juridique
- 4.2.2.4.2. Autre mesure rétroactive
- 4.2.2.4.2.2. Validation législative
4.2.2.4.2.2.1. Principes
Le législateur, compétent, aux termes de l'article 34 de la Constitution, pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'État avait, pour des raisons d'intérêt général, la faculté d'user de son pouvoir de prendre des dispositions rétroactives afin de régler, comme lui seul, en l'espèce, pouvait le faire, les situations nées de l'annulation du décret du 29 juin 1977 et pour valider les décrets qui avaient été pris après consultation du comité technique paritaire central ainsi que les actes réglementaires ou non réglementaires pris sur leur base.
- 4. DROITS ET LIBERTÉS
- 4.2. PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS
- 4.2.2. Garantie des droits
- 4.2.2.4. Sécurité juridique
- 4.2.2.4.2. Autre mesure rétroactive
- 4.2.2.4.2.2. Validation législative
4.2.2.4.2.2.7. Portée de la validation
Sauf en matière pénale, la loi peut comporter des dispositions rétroactives ; il n'est donc pas interdit au législateur de valider, rétroactivement, les décrets pris après consultation du comité paritaire central des personnels enseignants de statut universitaire institué par le décret du 29 juin 1977 annulé par le Conseil d'État ; de même, la validation des décrets visés par la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a pour effet de rendre inopérant le grief selon lequel les actes réglementaires ou non réglementaires pris sur le fondement de ces textes auraient été dépourvus de base légale ; ainsi le législateur était conduit à valider ces actes.
- 12. JURIDICTIONS ET AUTORITÉ JUDICIAIRE
- 12.1. JURIDICTIONS ET SÉPARATION DES POUVOIRS
- 12.1.2. Indépendance de la justice et des juridictions
- 12.1.2.1. Principe
12.1.2.1.2. Juridiction administrative
Il résulte des dispositions de l'article 64 de la Constitution en ce qui concerne l'autorité judiciaire et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en ce qui concerne, depuis la loi du 24 mai 1872, la juridiction administrative, que l'indépendance des juridictions est garantie ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le Gouvernement, non plus qu'aucune autorité administrative.
- 12. JURIDICTIONS ET AUTORITÉ JUDICIAIRE
- 12.1. JURIDICTIONS ET SÉPARATION DES POUVOIRS
- 12.1.2. Indépendance de la justice et des juridictions
- 12.1.2.2. Applications
12.1.2.2.3. Validations législatives (voir également Titre 4 Droits et liberté - Sécurité juridique)
Il résulte des dispositions de l'article 64 de la Constitution en ce qui concerne l'autorité judiciaire et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en ce qui concerne, depuis la loi du 24 mai 1872, la juridiction administrative, que l'indépendance des juridictions est garantie ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le gouvernement ; ainsi, il n'appartient ni au législateur ni au gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d'adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence ; mais, ces principes de valeur constitutionnelle ne s'opposent pas à ce que, dans l'exercice de sa compétence et au besoin, sauf en matière pénale, par la voie de dispositions rétroactives, le législateur modifie les règles que le juge a mission d'appliquer ; ainsi le fait que la loi soumise à l'examen du Conseil Constitutionnel intervient dans une matière ayant donné lieu à des recours actuellement pendants n'est pas de nature à faire regarder cette loi comme non conforme à la Constitution.
Il n'appartient pas au législateur de censurer les décisions des juridictions en validant la nomination de magistrats qui a été annulée par une décision de Conseil d'État, ce qui reviendrait à enfreindre le principe de la séparation des pouvoirs.