Décision n° 80-116 DC du 17 juillet 1980
Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 20 juin 1980 par MM Maurice Andrieux, Gustave Ansart, Robert Ballanger, Paul Balmigère, Mme Myriam Barbera, MM Jean Bardol, Jean-Jacques Barthe, Alain Bocquet, Gérard Bordu, Daniel Boulay, Irénée Bourgois, Jacques Brunhes, Georges Bustin, Henry Canacos, Jacques Chaminade, Mmes Angèle Chavatte, Jacqueline Chonavel, M Roger Combrisson, Mme Hélène Constans, MM Michel Couillet, César Depietri, Bernard Deschamps, Guy Ducoloné, André Duroméa, Lucien Dutard, Charles Fiterman, Mmes Paulette Fost, Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM Dominique Frelaut, Edmond Garcin, Marceau Gauthier, Pierre Girardot, Mme Colette Goeuriot, MM Pierre Goldberg, Georges Gosnat, Roger Gouhier, Mme Marie-Thérèse Goutmann, MM Maxime Gremetz, Georges Hage, Guy Hermier, Mme Adrienne Horvath, MM Marcel Houël, Parfait Jans, Jean Jarosz, Emile Jourdan, Jacques Jouve, Pierre Juquin, Maxime Kalinsky, André Lajoinie, Georges Lazzarino, Mme Chantal Leblanc, MM Joseph Legrand, Alain Léger, François Leizour, Daniel Le Meur, Roland Leroy, Raymond Maillet, Louis Maisonnat, Georges Marchais, Fernand Marin, Albert Maton, Gilbert Millet, Robert Montdargent, Mme Gisèle Moreau, MM Maurice Nilès, Louis Odru, Antoine Porcu, Vincent Porelli, Mmes Jeanine Porte, Colette Privat, MM Jack Ralite, Roland Renard, René Rieubon, Marcel Rigout, Emile Roger, Hubert Ruffe, André Soury, Marcel Tassy, André Tourné, Théo Vial-Massat, Lucien Villa, René Visse, Robert Vizet, Claude Wargnies, Pierre Zarka, députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la convention franco-allemande additionnelle à la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, dont la loi adoptée par le Parlement le 17 juin 1980 a autorisé la ratification ;
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;
1. Considérant que plus de soixante députés à l'Assemblée nationale ont, par application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, déclaré soumettre au Conseil constitutionnel, pour examen de sa conformité à celle-ci, « la convention franco-allemande additionnelle à la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 », dont la ratification a été autorisée par une loi adoptée par le Parlement le 17 juin 1980 et non encore promulguée ; qu'une telle demande doit s'entendre comme concernant la loi autorisant la ratification et entraîne, par voie de conséquence, l'examen de la convention franco-allemande additionnelle signée le 24 octobre 1974 ;
2. Considérant que la convention franco-allemande additionnelle à la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale prévoit, dans son article III-1, que la demande d'un juge de l'État requérant, en vue d'une perquisition, d'une saisie ou d'une remise d'objets a, dans l'État requis, la même valeur qu'une décision judiciaire rendue aux même fins dans cet État et, en son article IV, qu'il sera satisfait aux demandes de l'État requérant tendant à permettre que les autorités intéressées et les personnes en cause assistent à l'exécution des commissions rogatoires, si la législation de l'État requis ne s'y oppose pas ; que les auteurs de la saisine soutiennent que ces stipulations seraient contraires au principe de la souveraineté nationale, à l'indépendance de l'autorité judiciaire, garantie par l'article de la Constitution et au droit d'asile ;
3. Considérant qu'au nombre des dispositions générales de la convention européenne figurent l'article 1er dont le paragraphe 2 précise que la convention ne s'applique pas aux infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun et l'article 2 aux termes duquel : « l'entraide judiciaire pourra être refusée : a) si la demande se rapporte à des infractions considérées par la partie requise soit comme des infractions politiques, soit comme des infractions connexes à des infractions politiques, soit comme des infractions fiscales ; b) si la partie requise estime que l'exécution de la demande est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de son pays » ; que si la convention franco-allemande exclut la faculté de refuser l'entraide judiciaire en raison de la seule nature fiscale de l'infraction, elle laisse subsister les autres dispositions précitées ; qu'il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutiennent les auteurs de la saisine, la convention franco-allemande n'est pas contraire au principe de la souveraineté nationale ;
4. Considérant que la convention franco-allemande n'apporte aucune atteinte à la règle qui découle du principe de la souveraineté nationale, selon laquelle les autorités judiciaires françaises, telles qu'elles sont définies par la loi française, sont seules compétentes pour accomplir en France, dans les formes prescrites par cette loi, les actes qui peuvent être demandés par une autorité étrangère au titre de l'entraide judiciaire en matière pénale ; que les garanties de l'indépendance de ces autorités demeurent pour l'accomplissement de ces actes les mêmes que celles dont elles disposent dans l'exécution d'actes analogues demandés par les autorités françaises ; que, dans ces conditions, la convention additionnelle n'est pas contraire à l'article 64 de la Constitution ;
5. Considérant qu'aucune disposition de la convention additionnelle n'ouvre la possibilité de porter atteinte au droit d'asile, tel qu'il est proclamé par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, réaffirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
6. Considérant, enfin, qu'il est soutenu que la convention franco-allemande serait contraire à la Constitution en tant qu'elle dérogerait à une convention en vigueur, à savoir la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale, du 20 avril 1959 ;
7. Considérant qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, lorsqu'il est saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'apprécier la conformité d'un engagement international ; que, dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner la conformité de la convention franco-allemande aux stipulations de la convention européenne ;
8. Considérant qu'en l'espèce, il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen ;
Décide :
Article premier :
La loi autorisant la ratification de la convention franco-allemande additionnelle à la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 est conforme à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.Journal officiel du 19 juillet 1980, page 1835
Recueil, p. 36
ECLI : FR : CC : 1980 : 80.116.DC
Les abstracts
- 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
- 1.3. PRINCIPES AFFIRMÉS PAR LE PRÉAMBULE DE LA CONSTITUTION DE 1946
1.3.5. Alinéa 4 - Droit d'asile
- 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
- 1.9. NORMES DE RÉFÉRENCE NON RETENUES ET ÉLÉMENTS NON PRIS EN CONSIDÉRATION
- 1.9.1. Normes de référence non retenues pour le contrôle de constitutionnalité des lois
- 1.9.1.1. Traités et accords internationaux
1.9.1.1.1. Affirmation du principe
Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi en application de l'article 61 de la Constitution d'une loi autorisant la ratification d'un traité, d'apprécier la conformité de ce traité à d'autres traités ou engagements internationaux.
- 4. DROITS ET LIBERTÉS
- 4.12. DROIT DES ÉTRANGERS ET DROIT D'ASILE
- 4.12.4. Droit d'asile
- 4.12.4.2. Mise en œuvre
- 4.12.4.2.1. Application des conventions internationales
4.12.4.2.1.2. Convention additionnelle à la Convention européenne d'entraide en matière pénale
Aucune disposition de la convention additionnelle à la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale n'ouvre la possibilité de porter atteinte au droit d'asile, tel qu'il est proclamé par le Préambule de la Constitution de 1946, réaffirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958.
- 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
- 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
- 7.2.4. Caractéristiques du contrôle de constitutionnalité a priori
- 7.2.4.1. Fondements du contrôle
7.2.4.1.2. Contrôle indirect (article 61 alinéa 2)
Les députés ont, par application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, déclaré soumettre au Conseil constitutionnel pour examen de sa conformité à celle-ci, " la Convention franco-allemande additionnelle à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale ", dont la ratification a été autorisée par une loi adoptée par le Parlement et non encore promulguée. Une telle demande doit s'entendre comme concernant la loi autorisant la ratification et entraîne, par voie de conséquence, l'examen de la Convention franco-allemande additionnelle.
- 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
- 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
- 7.2.4. Caractéristiques du contrôle de constitutionnalité a priori
- 7.2.4.5. Normes de référence du contrôle
- 7.2.4.5.1. Normes de référence non prises en compte
7.2.4.5.1.1. Exclusion des engagements internationaux
Moyen tiré de ce qu'il n'est pas établi que la convention soit conforme au droit communautaire. Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, lorsqu'il est saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'apprécier la conformité d'un engagement international aux stipulations d'un traité ; dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner si la convention dont la loi déférée autorise l'approbation serait contraire au traité instituant la Communauté économique européenne ou aux actes pris par les institutions communautaires sur le fondement de ce traité.
- 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
- 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
- 7.2.5. Examen de la conformité à la Constitution
- 7.2.5.2. Absence de nécessité de réviser la Constitution
7.2.5.2.13. Entraide judiciaire internationale
La Convention franco-allemande additionnelle à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale prévoit que la demande d'un juge de l'État requérant en vue d'une perquisition, d'une saisie ou d'une remise d'objet a, dans l'État requis, la même valeur qu'une décision judiciaire rendue aux mêmes fins dans cet État, et qu'il sera satisfait aux demandes de l'État requérant tendant à permettre que les autorités intéressées et les personnes mises en cause assistent à l'exécution des commissions rogatoires, si la législation de l'État requis ne s'y oppose pas ; au nombre des dispositions générales de la Convention européenne, figure l'article 1er dont le paragraphe 2 précise que la Convention ne s'applique pas aux infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun et l'article 2 aux termes duquel : "l'entraide judiciaire pourra être refusée : a) si la demande se rapporte à des infractions considérées par la partie requise, soit comme des infractions politiques, soit comme des infractions connexes à des infractions politiques, soit comme des infractions fiscales ; b) si la partie requise estime que l'exécution de la demande est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de son pays" ; si la Convention franco-allemande exclut la faculté de refuser l'entraide judiciaire en raison de la seule nature fiscale de l'infraction, elle laisse subsister les autres dispositions précitées ; il résulte de ce qui précède que la Convention franco-allemande n'est pas contraire au principe de la souveraineté nationale.
La règle selon laquelle les autorités judiciaires française, telles qu'elles sont définies par la loi française, seules- compétentes pour accomplir en France, dans les formes prescrites par cette loi, les actes qui peuvent être demandés par une autorité étrangère au titre de l'entraide judiciaire en matière pénale découle du principe de la souveraineté nationale.
Aucune disposition de la Convention franco-allemande additionnelle à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale n'ouvre la possibilité de porter atteinte au droit d'asile, tel qu'il est proclamé par le Préambule de la Constitution de 1946, réaffirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958.
- 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
- 7.3. TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX EN VIGUEUR
- 7.3.3. Compétence du Conseil constitutionnel
7.3.3.1. Incompétence de principe du Conseil constitutionnel pour contrôler la conventionalité des lois
Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord international.
Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, saisi en application de l'article 61 de la Constitution d'une loi autorisant la ratification d'un traité d'apprécier la conformité de ce traité à d'autres traités ou engagements internationaux.
- 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
- 11.3. CHAMP D'APPLICATION DU CONTRÔLE DE CONFORMITÉ À LA CONSTITUTION
- 11.3.2. Étendue de la compétence du Conseil constitutionnel
- 11.3.2.1. Lois adoptées par le Parlement
11.3.2.1.2. Lois autorisant la ratification d'un traité
Saisi sur le fondement du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution d'une loi autorisant la ratification d'un traité, le Conseil constitutionnel examine la conformité à la Constitution tant du texte de la loi que du traité dont la ratification est autorisée.
- 12. JURIDICTIONS ET AUTORITÉ JUDICIAIRE
- 12.1. JURIDICTIONS ET SÉPARATION DES POUVOIRS
- 12.1.2. Indépendance de la justice et des juridictions
- 12.1.2.1. Principe
12.1.2.1.1. Juridiction judiciaire
La convention franco-allemande additionnelle à la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale n'apporte aucune atteinte à la règle qui découle du principe de la souveraineté nationale, selon laquelle les autorités judiciaires françaises, telles qu'elles sont définies par la loi française, sont seules compétentes pour accomplir en France, dans les formes prescrites par cette loi, les actes qui peuvent être demandés par une autorité étrangère au titre de l'entraide judiciaire en matière pénale ; les garanties de l'indépendance de ces autorités demeurent pour l'accomplissement de ces actes les mêmes que celles dont elles disposent dans l'exécution d'actes analogues demandés par les autorités françaises ; dans ces conditions, la convention additionnelle n'est pas contraire à l'article 64 de la Constitution.