Décision n° 78-95 DC du 27 juillet 1978
Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 1er juillet 1978 par MM Léon EECKHOUTTE, Edgar TAILHADES, Marcel DEBARGE, Jean NAYROU, René DEBESSON, Paul MISTRAL, Marcel CHAMPEIX, Robert LAUCOURNET, Henri TOURNAN, Michel MOREIGNE, Georges DAGONIA, Henri DUFFAUT, André MERIC, Marcel MATHY, Antoine ANDRIEUX, Claude FUZIER, Gilbert BELIN, Félix CICCOLINI, Raymond COURRIERE, Jean GEOFFROY, Louis LONGEQUEUE, Bernard PARMANTIER, Jean PERIDIER, Jean-Jacques PERRON, Roger RINCHET, Georges SPENALE, Charles ALLIES, Jean VARLET, Emile VIVIER, Pierre NOE, André BARROUX, Philippe MACHEFER, Noël BERRIER, Marcel BREGEGERE, Gérard MINVIELLE, Michel DARRAS, Maurice PIC, Edgard PISANI, Robert PONTILLON, Roger QUILLIOT, Mle Irma RAPUZZI, MM Marcel SOUQUET, Robert SCHWINT, Maxime JAVELLY, Auguste BILLIEMAZ, Jean MERCIER, Jean BERANGER, France LECHENAULT, Maurice JANETTI, Jacques CARAT, René CHAZELLE, Roland GRIMALDI, Louis PERREIN, Maurice VERILLON, Josy MOINET, Franck SERUSCLAT, Anicet LE PORS, Guy SCHMAUS, Marcel GARGAR, Serge BOUCHENY, Camille VALLIN, Pierre GAMBOA, Fernand LEFORT, sénateurs, et le 3 juillet 1978 par MM André DELEHEDDE, Louis MEXANDEAU, Christian NUCCI, Guy BECHE, Joseph FRANCESCHI, Christian PIERRET, Bernard DEROSIER, Jean POPEREN, Claude MICHEL, Pierre FORGUES, Laurent FABIUS, Henri EMMANUELLI, Jacques MELLICK, Marcel GARROUSTE, Christian LAURISSERGUES, Jacques SANTROT, Claude EVIN, Maurice POURCHON, Robert AUMONT, Georges LEMOINE, René GAILLARD, Gilbert FAURE, François AUTAIN, Roland BEIX, Dominique DUPILET, Henri MICHEL, Gilbert SENES, Charles PISTRE, Roger DUROURE, Roland HUGUET, Martin MALVY, Edmond VACANT, Jean AUROUX, Philippe MADRELLE, Pierre PROUVOST, Gérard BAPT, Michel CREPEAU, André SAINT-PAUL, Jean-Michel BOUCHERON, Alain HAUTECOEUR, Jacques LAVEDRINE, Rodolphe PESCE, Raymond FORNI, Michel ROCARD, Lucien PIGNION, Jean LAURAIN, Jean-Pierre CHEVENEMENT, Jacques HUYGHUES DES ETAGES, Louis DARINOT, Alain CHENARD, André BILLARDON, Hubert DUBEDOUT, Maurice MASQUERE, Pierre JOXE, Alex RAYMOND, Roland FLORIAN, André CHANDERNAGOR, Charles HERNU, Jean-Pierre COT, Maurice BRUGNON, Paul QUILES, Raoul BAYOU, Bernard MADRELLE, Joseph VIDAL, Jacques CAMBOLIVE, Alain RICHARD, députés à l'Assemblée nationale, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, du texte de la loi complétant les dispositions de l'article 7 de la loi n° 60-791 du 2 août 1960 relative à l'enseignement et à la formation professionnelle agricoles telle qu'elle a été adoptée par le Parlement ;
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;
Vu la loi du 2 août 1960 relative à l'enseignement et à la formation professionnelle agricoles ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;
En ce qui concerne la demande présentée par les députés ;
1. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article premier de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances : « lorsque des dispositions d'ordre législatif ou réglementaire doivent entraîner des charges nouvelles, aucun projet de loi ne peut être définitivement voté, aucun décret ne peut être signé, tant que ces charges n'ont pas été prévues, évaluées et autorisées dans les conditions fixées par la présente ordonnance » ;
2. Considérant que l'expression : « aucun projet de loi ne peut être définitivement voté », figurant au quatrième alinéa de l'article premier de l'ordonnance du 2 janvier 1959, destinée à préciser et compléter les dispositions de la Constitution relatives aux lois de finances, ne saurait être entendue que dans le cadre des dispositions de la Constitution elle-même et, plus précisément, de ses articles 34 à 51 ; que doit donc être écartée une interprétation littérale qui méconnaitrait les dispositions des articles 34 à 51 précitées et qui aurait pour effet de priver de sanction, jusqu'à la promulgation de la loi de finances de l'année ou d'une des lois de finances rectificatives afférentes à ladite année, tout ou partie du travail parlementaire et serait, comme telle, de nature à porter atteinte aux prérogatives du Parlement ;
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article premier de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances : « les lois de finances déterminent la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'État, compte tenu d'un équilibre économique et financier qu'elles définissent » ;
4. Considérant qu'il résulte du rapprochement des premier et quatrième alinéas de l'article premier de l'ordonnance du 2 janvier 1959 avec les dispositions des articles 2 et 16 de la même ordonnance relatives au principe de l'annualité budgétaire, que l'interdiction énoncée au quatrième alinéa de l'article premier a pour objet de faire obstacle à ce que l'équilibre économique et financier défini par la loi des finances de l'année, modifiée, le cas échéant, par la voie de lois de finances rectificatives, ne soit pas compromis par des charges nouvelles résultant de l'application de textes législatifs ou réglementaires dont les incidences sur cet équilibre, dans le cadre de l'année, n'auraient pu, au préalable, être appréciées et prises en compte par une des lois de finances susmentionnées ;
5. Considérant que la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel dispose, en son article 2, que l'application des mesures d'aide financière qu'elle prévoit, sera, dans la limite des crédits inscrits chaque année dans les lois de finances, conduite progressivement sur une période de cinq ans à partir du 1er janvier 1979 ;
6. Considérant que l'entrée en application de cette loi étant reportée au-delà du 31 décembre 1978, celle-ci n'entraîne aucune charge nouvelle en 1978 et, par suite, n'affectera pas l'équilibre économique et financier tel qu'il a été établi par la loi de finances pour 1978 ; qu'elle n'est pas davantage susceptible de compromettre l'équilibre qui sera défini par les lois de finances des années ultérieures, dès lors que, comme il est précisé à l'article 2 de la loi, il appartiendra, pour chacune de ces années, au Parlement, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances relatif à ladite année, de statuer sur l'ouverture de crédits destinés à faire face aux charges afférentes à l'application de la loi dont il s'agit ;
7. Considérant, enfin, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article premier de l'ordonnance du 2 janvier 1959 : « Les autorisations de programme peuvent être groupées dans des lois dites »lois de programme" ; que ce texte ne fait aucune obligation de regrouper dans une loi de programme les autorisations de programme afférentes à l'échelonnement dans le temps de la contribution de l'État aux frais d'investissement des établissements reconnus ou agréés, prévue à l'alinéa 3 de l'article 7 quater ajouté à la loi du 2 août 1960 par la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ;
8. Considérant que, dans ces conditions, le Parlement, en adoptant définitivement la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, n'a pas méconnu les dispositions de l'article premier de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;
En ce qui concerne la demande présentée par les sénateurs :
9. Considérant que le cinquième alinéa de l'article 7 bis de la loi du 2 août 1960, tel qu'il résulte de l'article premier de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, a pour effet de subordonner l'application de la loi nouvelle à la conclusion obligatoire de conventions passées entre le ministre de l'agriculture et les organisations représentatives de l'enseignement agricole privé ; qu'en adoptant ce texte le législateur a méconnu les dispositions de l'article 21 de la Constitution relatives à l'exécution des lois et à l'exercice du pouvoir réglementaire ;
10. Considérant, par voie de conséquence, que les termes suivants, introduits par voie d'amendement parlementaire au deuxième alinéa de l'article 7 quater de cette loi, « les missions définies dans les conventions visées à l'article 7 bis, et » doivent également être regardés comme ayant été adoptés en méconnaissance des dispositions de la Constitution ;
11. Considérant qu'il ne résulte ni des amendements dont sont issues, dans leur rédaction actuelle, les dispositions précitées, ni des débats auxquels l'examen du projet de loi a donné lieu devant le Parlement, que lesdites dispositions soient inséparables de l'ensemble du texte de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ;
Décide :
Article premier :
Sont déclarées non conformes à la Constitution les dispositions du cinquième alinéa de l'article 7 bis ajouté à la loi du 2 août 1960 relative à l'enseignement et à la formation professionnelle agricoles par la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ainsi que, au deuxième alinéa de l'article 7 quater, les mots « les missions définies dans les conventions visées à l'article 7 bis et ».Article 2 :
Les autres dispositions de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel sont déclarées conformes à la Constitution.Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.Journal officiel du 29 juillet 1978, page 2948
Recueil, p. 26
ECLI : FR : CC : 1978 : 78.95.DC
Les abstracts
- 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
- 3.5. POUVOIR RÉGLEMENTAIRE
- 3.5.1. Pouvoir réglementaire national - Autorités compétentes
3.5.1.2. Gouvernement
- 6. FINANCES PUBLIQUES
- 6.1. PRINCIPES BUDGÉTAIRES ET FISCAUX
- 6.1.6. Principe d'équilibre
6.1.6.1. Contenu
L'article 1er, alinéa 4, de l'ordonnance du 2 janvier 1959 interdit uniquement que soit compromis l'équilibre économique et financier d'une année, tel qu'il résulte des lois de finances y afférentes, par des mesures législatives qui autorisent des charges nouvelles dont les incidences n'auraient pas pu, au préalable, être appréciées et prises en compte dans une de ces lois de finances. Le regroupement des autorisations de programme dans une " loi de programme " est une simple faculté. La loi soumise au Conseil constitutionnel n'affecte pas l'équilibre défini par la loi de finances pour 1978 puisque les mesures financières qu'elle prévoit n'entreront en application qu'à partir du 1er juillet 1979. Elle ne peut pas compromettre non plus l'équilibre qui sera défini ultérieurement puisqu'elle prévoit que, chaque année, le Parlement sera appelé à statuer sur les crédits qui seront inscrits dans la loi de finances, et dans la limite desquels les aides financières pourront être accordées.
La prohibition énoncée par le quatrième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 a pour objet de faire obstacle à ce qu'une loi permette des dépenses nouvelles alors que ses incidences sur l'équilibre financier de l'année ou sur celui d'exercices ultérieurs n'auraient pas été appréciées et prises en compte, antérieurement par des lois de finances.
- 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
- 11.8. SENS ET PORTÉE DE LA DÉCISION
- 11.8.4. Caractère séparable ou non des dispositions déclarées inconstitutionnelles
11.8.4.1. Critère de distinction
- 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
- 11.8. SENS ET PORTÉE DE LA DÉCISION
- 11.8.4. Caractère séparable ou non des dispositions déclarées inconstitutionnelles
- 11.8.4.3. Inséparabilité des dispositions non conformes à la Constitution et de tout ou partie du reste de la loi
- 11.8.4.3.3. Inséparabilité au sein d'un même article (exemples)
11.8.4.3.3.1. Cas d'inséparabilité