Décision n° 78-94 DC du 14 juin 1978
Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 17 mai 1978 par le Président du Sénat, conformément aux dispositions de l'article 61 de la Constitution, d'une résolution en date du 9 mai 1978 tendant à modifier les articles 24, 19, 42, 44, 45 et 60 bis du Règlement du Sénat ;
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, et notamment ses articles 17, alinéa 2, 19, 20 et 23 ;
En ce qui concerne celles des dispositions de l'article premier de la résolution soumise à l'examen du Conseil constitutionnel qui, à l'article 24 du Règlement du Sénat, tendent à modifier les conditions dans lesquelles est vérifiée, au regard de l'article 40 de la Constitution, la recevabilité des propositions de loi formulées par les sénateurs :
1. Considérant que les modifications dont il s'agit ont pour objet de confier à la Commission des Finances la vérification de cette recevabilité et que ce contrôle ne s'exercerait que postérieurement à l'annonce par le Président du Sénat du dépôt des propositions de loi formulées par les sénateurs et seulement lorsqu'une exception d'irrecevabilité aurait été soulevée à leur encontre par le Gouvernement, la Commission des Finances, la commission saisie au fond ou tout sénateur ;
2. Considérant que l'article 40 de la Constitution dispose : « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques soit la création ou l'aggravation d'une charge publique » ;
3. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de cet article qu'il établit une irrecevabilité de caractère absolu et fait donc obstacle à ce que la procédure législative s'engage à l'égard de propositions de loi irrecevables formulées par des sénateurs et, dès lors, à ce que le dépôt de ces propositions soit annoncé en séance publique par le Président du Sénat ;
4. Considérant, en conséquence, que le respect de l'article 40 de la Constitution exige qu'il soit procédé à un examen systématique de la recevabilité, au regard de cet article, des propositions de loi formulées par les sénateurs, et cela antérieurement à l'annonce par le Président de leur dépôt et donc avant qu'elles ne puissent être imprimées, distribuées et renvoyées en commission, afin que soit annoncé le dépôt des seules propositions qui, à l'issue de cet examen, n'auront pas été déclarées irrecevables ;
5. Considérant qu'il appartient à chaque assemblée parlementaire de déterminer les modalités d'exercice de ce premier contrôle et, notamment, l'autorité chargée de l'exercer ; que, par ailleurs, il est nécessaire que puisse être constatée, au cours de la procédure législative, l'irrecevabilité des propositions qui auraient, à tort, été déclarées recevables au moment où elles étaient formulées ;
6. Considérant que de ce qui précède il résulte que les dispositions de l'article premier de la résolution soumise au Conseil constitutionnel qui concernent la vérification de la recevabilité, au regard de l'article 40 de la Constitution, des propositions de loi formulées par les sénateurs, et qui auraient pour effet de restreindre la portée de cette vérification, ne sont pas conformes à la Constitution ;
En ce qui concerne les autres dispositions de l'article premier et celles des articles 2, 3, 4, 5, 5 bis, 6 et 7 de la résolution soumise à l'examen du Conseil constitutionnel :
7. Considérant qu'aucune de ces dispositions n'est contraire à la Constitution ;
Décide :
Article premier .- Les dispositions relatives au contrôle de la recevabilité, au regard de l'article 40 de la Constitution, des propositions de loi formulées par les sénateurs, qui figurent à l'article premier de la résolution soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, sont déclarées non conformes à la Constitution.
Article 2 :
Les autres dispositions de la résolution soumise à l'examen du Conseil constitutionnel sont déclarées conformes à la Constitution.Article 3 :
La présente décision sera notifiée au Président du Sénat et publiée au Journal officiel de la République française.Journal officiel du 15 juin 1978, page 2396
Recueil, p. 15
ECLI : FR : CC : 1978 : 78.94.DC
Les abstracts
- 6. FINANCES PUBLIQUES
- 6.2. PROCÉDURE D'EXAMEN
- 6.2.6. Droit d'amendement parlementaire (article 40)
6.2.6.1. Procédure d'examen de la recevabilité financière des amendements
Le contrôle de recevabilité des lois au regard de l'article 40 de la Constitution doit être systématique et antérieur et l'engagement de la procédure législative. Les assemblées sont libres de désigner l'autorité chargée de statuer sur la recevabilité. Au cours de la procédure législative, il doit être possible de constater l'irrecevabilité de propositions de lois qui auraient été déclarées à tort recevables lors du premier contrôle. Par conséquent, la suppression du contrôle de recevabilité effectuée par le bureau du Sénat préalablement à l'enregistrement du dépôt des propositions de loi de sénateurs n'est pas conforme aux dispositions de l'article 40 de la Constitution.
- 10. PARLEMENT
- 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
- 10.3.1. Initiative
- 10.3.1.2. Propositions de loi
10.3.1.2.2. Recevabilité au regard de l'article 40 de la Constitution
Le contrôle de recevabilité des lois au regard de l'article 40 doit être systématique et antérieur à l'enregistrement de la procédure législative. Les assemblées sont libres de désigner l'autorité chargée de statuer sur la recevabilité. Au cours de la procédure législative, il doit être possible de constater l'irrecevabilité de proposition de loi qui auraient été déclarées à tort recevables lors du premier contrôle. Par conséquent, la suppression du contrôle de recevabilité effectué par le bureau du Sénat préalablement à l'enregistrement du dépôt des propositions de loi de sénateurs n'est pas conforme aux dispositions de l'article 40 de la Constitution.