Décision n° 78-100 DC du 29 décembre 1978
Le conseil constitutionnel,
Saisi le 21 décembre 1978 par MM Alain SAVARY, Gaston DEFFERRE, Laurent FABIUS, Jean-Pierre COT, André CHANDERNAGOR, Jean POPEREN, Jacques SANTROT, Christian LAURISSERGUES, Henri EMMANUELLI, Pierre FORGUES, Alain RICHARD, Robert AUMONT, René GAILLARD, Michel MANET, Guy BECHE, Yvon TONDON, Paul QUILES, Philippe MARCHAND, Louis MEXANDEAU, André CELLARD, Roger DUROURE, André BILLARDON, Jacques LAVEDRINE, Christian NUCCI, François AUTAIN, Pierre JAGORET, André DELEHEDDE, Henri LAVIELLE, Raoul BAYOU, Edmond VACANT, Georges LEMOINE, Mme Marie JACQ, MM Pierre GUIDONI, Henri MICHEL, Rolang HUGUET, Roland BEIX, Maurice BRUGNON, Maurice MASQUERE, Raymond JULIEN, Jacques CAMBOLIVE, Gérard HOUTEER, François MASSOT, Joseph VIDAL, Roland FLORIAN, Louis Le PENSEC, Jean-Pierre CHEVENEMENT, Georges FILLIOUD, Mme Edwige AVICE, MM Jean-Michel BAYLET, Alain VIVIEN, Claude MICHEL, Martin MALVY, Maurice ANDRIEU, Jean-Pierre DEFONTAINE, Alain HAUTECOEUR, Jean-Michel BOUCHERON, Henri DARRAS, André LAURENT, Alain FAUGARET, Louis DARINOT, Lucien PIGNON, Jacques-Antoine GAU, Gilbert SENES, Gérard HAESEBROECK, Arthur NOTEBART, André SAINT-PAUL, députés à l'Assemblée Nationale, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, du texte de la loi de finances rectificative pour 1978, telle qu'elle a été adoptée par le Parlement et, notamment, de son article 16 ;
Saisi le 22 décembre 1978 par MM Maurice ANDRIEUX, Gustave ANSART, Robert BALLANGER, Paul BALMIGERE, Mme Myriam BARBERA, MM Jean BARDOL, Jean-Jacques BARTHE, Alain BOCQUET, Gérard BORDU, Daniel BOULAY, Irénée BOURGOIS, Jacques BRUNHES, Georges BUSTIN, Henry CANACOS, Mme Angèle CHAVATTE, M Jacques CHAMINADE, Mme Jacqueline CHONAVEL, M Roger COMBRISSON, Mme Hélène CONSTANS, MM Michel COUILLET, César DEPIETRI, Bernard DESCHAMPS, Guy DUCOLONE, André DUROMEA, Lucien DUTARD, Charles FITERMAN, Mmes Paulette FOST, Jacqueline FRAYSSE-CAZALIS, MM Dominique FRELAUT, Edmond GARCIN, Marceau GAUTHIER, Pierre GIRARDOT, Mme Colette GOEURIOT, MM Pierre GOLDBERG, Georges GOSNAT, Roger GOUHIER, Mme Marie-Thérèse GOUTMANN, MM Maxime GREMETZ, Georges HAGE, Guy HERMIER, Mme Adrienne HORVATH, MM Marcel HOUEL, Parfait JANS, Jean JAROSZ, Emile JOURDAN, Jacques JOUVE, Pierre JUQUIN, Maxime KALINSKY, André LAJOINIE, Paul LAURENT, Georges LAZZARINO, Mme Chantal LEBLANC, MM Alain LEGER, Joseph LEGRAND, François LEIZOUR, Daniel LE MEUR, Roland LEROY, Raymond MAILLET, Louis MAISONNAT, Georges MARCHAIS, Fernand MARIN, Albert MATON, Gilbert MILLET, Robert MONTDARGENT, Mme Gisèle MOREAU, MM Maurice NILES, Louis ODRU, Antoine PORCU, Vincent PORELLI, Mmes Jeanine PORTE, Colette PRIVAT, MM Jack RALITE, Roland RENARD, René RIEUBON, Marcel RIGOUT, Emile ROGER, Hubert RUFFE, André SOURY, Marcel TASSY, André TOURNE, Théo VIAL-MASSAT, Lucien VILLA, René VISSE, Robert VIZET, Claude WARGNIES, Piere ZARKA, députés à l'Assemblée nationale, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, du texte de la loi de finances rectificative pour 1978 telle qu'elle a été adoptée par le Parlement et, notamment, des articles 24 à 49 de ladite loi ;
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l'ordonnance du 2 janvier 1959, portant loi organique relative aux lois de finances ;
Ouï le rapporteur en son rapport ;
1. Considérant que les deux demandes susvisées sont relatives à la même loi ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ; :
En ce qui concerne l'article 16 de la loi relatif à la prise de participation de l'Etat dans le capital de la société des Avions Marcel Dassault-Breguet-Aviation et à l'affectation de certaines recettes au financement de cette prise de participation :
2. Considérant que, selon les auteurs de la saisine, cet article comporterait une compensation entre des créances éventuelles et futures de l'Etat sur la société des Avions Marcel Dassault-Breguet-Aviation et la dette résultant pour l'Etat du prix à payer pour l'acquisition d'actions de cette société ;
3. Considérant que l'article 16 de la loi de finances rectificative pour 1978 n'établit pas une telle compensation, laquelle ne pourrait exister que si la même personne morale ou physique créancière de l'Etat au titre de l'acquisition des actions était en même temps sa débitrice, ce qui n'est pas le cas ; qu'en effet, les créances éventuelles et futures de l'Etat sur la société des Avions Marcel Dassault-Breguet-Aviation, au titre aussi bien du remboursement des avances consenties par lui pour le soutien et le développement des programmes de cette société que du paiement par elle des redevances dûes à l'Etat en raison des marchés d'études et conventions, ne peuvent pas être compensées avec les dettes de l'Etat envers les autres personnes physiques ou morales propriétaires des actions cédées à l'Etat ;
4. Considérant que, contrairement à ce qui figure dans l'exposé des motifs et aux déclarations faites au nom du Gouvernement au cours des débats parlementaires, il résulte des termes mêmes de l'article 16 de la loi soumise au Conseil constitutionnel que ce texte a pour objet et aura pour seul effet d'autoriser, non une cession de créances de l'Etat, non plus qu'une dation en paiement de créances de l'Etat, mais l'affectation de certaines recettes à certaines dépenses ;
5. Considérant qu'il n'est pas exact, comme il est soutenu, « que la ressource n'est pas évaluée et que la dépense n'est, par suite, ni évaluée ni inscrite » ; qu'il résulte en effet des termes de l'article 16 que la dépense est fixée à 540 millions de francs et que les recettes affectées au paiement de cette dépense seront limitées à la même somme ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances : "... Certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses... L'affectation par procédure particulière au sein du budget général ou d'un budget annexe est décidée par voie réglementaire dans les conditions prévues à l'article 19. Dans tous les autres cas, l'affectation est exceptionnelle et ne peut résulter que d'une disposition de la loi de finances, d'initiative gouvernementale ..." ; que l'affectation prévue à l'article 16 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel est au nombre de celles qui, en vertu de la dernière phrase précitée de l'article 18, peuvent résulter d'une disposition de loi de finances d'initiative gouvernementale ; qu'ainsi cette affectation a été opérée en conformité avec les dispositions ci-dessus rappellées ;
7. Considérant que les opérations qui seront effectuées en application de l'article 16 devront, pour chaque exercice, être soumises au Parlement sous l'une des formes déterminées par l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;
8. Considérant que, de tout ce qui précède, il résulte que l'article 16 de la loi de finances rectificative pour 1978 a été adoptée dans le respect des dispositions sur l'affectation de recettes qui figurent dans l'ordonnance précitée du 2 janvier 1959 ;
En ce qui concerne les articles 24 à 49, relatifs à l'adaptation de la législation sur la taxe à la valeur ajoutée à la sixième directive du Conseil des Communautés européennes :
9. Considérant qu'il est soutenu que ces articles auraient été introduits dans la loi de finances rectificative en méconnaissance des prescriptions de l'article 42 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, aux termes duquel ; « Aucun article additionnel, aucun amendement à un projet de loi de finances ne peut être présenté, sauf s'il tend à supprimer ou à réduire effectivement une dépense, à créer ou à accroître une recette ou à assurer le contrôle des dépenses publiques » ;
10. Considérant que l'initiative d'introduire dans la loi soumise au Conseil constitutionnel les articles qui, adoptés par le Parlement, ont reçu les numéros allant de 24 à 49, a été prise par le Premier ministre, à la date du 5 décembre 1978, par le dépôt d'une deuxième lettre rectificative au projet de loi de finances rectificative pour 1978 ; que ce dépôt a été annoncé à l'Assemblée nationale le 5 décembre 1978 et qu'il a été indiqué par le président de séance que la lettre rectificative serait imprimée sous le n° 749, distribuée, et renvoyée à la Commission des finances, de l'économie générale et du plan ; qu'elle a donné lieu à l'établissement d'un second rapport supplémentaire au nom de ladite commission, déposé, sous le n° 767, le 7 décembre 1978 ;
11. Considérant ainsi que les articles 24 à 49 de la loi de finances rectificative pour 1978 ne résultent pas du vote d'amendements tendant à insérer dans cette loi des articles additionnels mais, ayant leur origine dans une lettre rectificative déposée par le Premier ministre, ont été soumis à bon droit à la procédure prévue par l'article 42 de la Constitution pour l'examen et le vote du texte d'un projet de loi ;
12. Considérant, en conséquence, que les dispositions de l'article 42 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, qui ne vise que les amendements et les articles additionnels présentés sous forme d'amendement, n'étaient pas applicables aux articles figurant dans cette deuxième lettre rectificative au projet de loi de finances rectificative pour 1978 ; que, par suite, contrairement à ce que soutiennent les auteurs de la saisine, les articles 24 à 49 de la loi de finances rectificative pour 1978 n'ont pas été adoptés en méconnaissance des dispositions de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;
13. Considérant qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen ;
Décide :
Article premier :
Les dispositions de la loi de finances rectificative pour 1978 soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne sont pas contraires à la Constitution.Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.Journal officiel du 30 décembre 1978
Recueil, p. 38
ECLI : FR : CC : 1978 : 78.100.DC
Les abstracts
- 6. FINANCES PUBLIQUES
- 6.1. PRINCIPES BUDGÉTAIRES ET FISCAUX
- 6.1.4. Principe d'universalité
- 6.1.4.1. Contenu
6.1.4.1.2. Principe de non-affectation
Une compensation ne peut exister que si les mêmes personnes, morales ou physiques, sont à la fois créancières et débitrices. Tel n'est pas le cas : la dépense autorisée est fixée à un maximum, et les recettes affectées au paiement de cette dépense sont limitées à la même somme. Cette affectation de recettes est conforme aux dispositions de l'article 18 de la loi organique relative aux lois de finances puisqu'il s'agit d'une affectation exceptionnelle résultant d'une disposition de la loi de finances, d'initiative gouvernementale. Quatre opérations prévues devront, pour chaque exercice, être soumises au Parlement sous l'une des formes déterminées par la loi organique relative aux lois de finances.
- 6. FINANCES PUBLIQUES
- 6.1. PRINCIPES BUDGÉTAIRES ET FISCAUX
- 6.1.4. Principe d'universalité
- 6.1.4.2. Exceptions
6.1.4.2.1. Affectation à des organismes tiers
Une compensation ne peut exister que si les mêmes personnes, morales ou physiques, sont à la fois créancières et débitrices. Tel n'est pas le cas : la dépense autorisée est fixée à un maximum et les recettes affectées au paiement de cette dépense sont limitées à la même somme. Cette affectation de recettes est conforme aux dispositions de l'article 18 de la loi organique relative aux lois de finances puisqu'il s'agit d'une affectation exceptionnelle résultant d'une disposition de la loi de finances, d'initiative gouvernementale. Quatre opérations prévues devront, pour chaque exercice, être soumises au Parlement sous l'une des formes déterminées par la loi organique relative aux lois de finances.
- 10. PARLEMENT
- 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
- 10.3.1. Initiative
- 10.3.1.1. Projets de loi
10.3.1.1.5. Lettre rectificative
L'article 42 de l'ordonnance portant loi organique relative aux lois de finances ne vise que les amendements et les articles additionnels présentés sous forme d'amendements. La procédure à laquelle est soumise une lettre rectificative (et qui a été régulièrement suivie en l'espèce) est celle qui est fixée par la Constitution (article 42) pour l'examen et le vote d'un projet de loi.
- 10. PARLEMENT
- 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
- 10.3.1. Initiative
- 10.3.1.2. Propositions de loi
10.3.1.2.2. Recevabilité au regard de l'article 40 de la Constitution
L'article 42 de l'ordonnance portant loi organique relative aux lois de finances ne vise que les amendements et les articles additionnels présentés sous forme d'amendements. La procédure à laquelle est soumise une lettre rectificative (et qui a été régulièrement suivie en l'espèce) est celle qui est fixée par la Constitution (article 40) pour l'examen et le vote d'un projet de loi.
- 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
- 11.7. EXAMEN DE LA CONSTITUTIONNALITÉ
- 11.7.2. Conditions de prise en compte d'éléments extrinsèques au texte de la loi
11.7.2.1. Approche exégétique