Décision

Décision n° 77-99 L du 20 juillet 1977

Nature juridique de dispositions contenues dans divers textes relatifs à la Cour de cassation, à l'organisation judiciaire et aux juridictions pour enfants
Partiellement réglementaire

Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 27 juin 1977 par le Premier Ministre, dans les conditions prévues à l'article 37, alinéa 2, de la Constitution, d'une demande tendant à l'appréciation de la nature juridique des dispositions contenues :
- dans la loi n° 67-523 du 3 juillet 1967 relative à la Cour de Cassation, en son article 1er, à l'alinéa 2, en tant qu'elles précisent le nombre des chambres de la Cour de Cassation, et à l'alinéa 3, en ses articles 2, 6, 7, 13 (1er alinéa), 17 et 18 ;
- à l'article 6, (1er alinéa), de l'ordonnance n° 58-1273 du 22 décembre 1958 relative à l'organisation judiciaire ;
- dans l'ordonnance n° 58-1274 du 22 décembre 1958 relative à l'organisation des juridictions pour enfants, en son article 1er, au 2ème alinéa de l'article 2 et au 3ème alinéa de l'article 3 ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 34, 37 et 62 ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 24, 25 et 26 ;

1. Considérant que la Cour de Cassation qui, seule, a pour mission de juger les pourvois contre les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions judiciaires constitue un ordre de juridiction au sens de l'article 34 de la Constitution ; que, par suite, ses règles constitutives relèvent également de la compétence du législateur ;

2. Considérant qu'au nombre des dispositions soumises à l'examen du Conseil constitutionnel figurent celles des articles 6 et 7 de la loi du 3 juillet 1967 relatives à la composition de la chambre mixte et à la composition de l'assemblée plénière ;

3. Considérant que la Cour de Cassation comporte des chambres spécialisées ainsi qu'une chambre mixte et une assemblée plénière ;

4. Considérant que le rôle de la chambre mixte est de mettre fin à d'éventuelles divergences entre les chambres spécialisées ou de départager les magistrats d'une même chambre ; qu'à cette fin, la loi prévoit que la chambre mixte réunit sous la présidence du Premier Président ou, si celui-ci est empêché, du président de chambre le plus ancien, des magistrats appartenant à au moins deux chambres et qu'elle ne peut statuer qu'en présence de tous ses membres ; que ces règles de composition qui ont pour but de permettre à la chambre mixte de remplir un rôle unificateur de la jurisprudence au sein même de la Cour de Cassation doivent être regardées comme des règles constitutives de cet ordre de juridiction ;

5. Considérant que la Cour de Cassation a pour mission de dire le droit de façon définitive quand la doctrine du premier arrêt de cassation n'a pas été adoptée par la Cour d'appel de renvoi ; que le législateur donne dans ce cas compétence à l'assemblée plénière, laquelle, présidée par le Premier Président ou, si celui-ci est empêché, par le président de chambre le plus ancien, réunit les présidents, les doyens et des conseillers de chacune des chambres spécialisées et ne peut statuer qu'en présence de tous ses membres ; que cette composition a pour but d'assurer une certaine stabilité à l'interprétation souveraine de la loi donnée par la Cour de Cassation et, ainsi, d'établir la sécurité du droit dans les domaines qui dépendent de son contrôle ; que ces règles de composition de l'assemblée plénière doivent, dès lors, être considérées comme des règles constitutives de la Cour de Cassation, lesquelles, par application de l'article 34 de la Constitution qui réserve au législateur la création de nouveaux ordres de juridiction, ne peuvent être établies ou modifiées que par la loi ;

6. Considérant que les dispositions de l'article 6 de la loi du 3 juillet 1967 qui donnent compétence au Premier Président pour constituer la chambre mixte et précisent qu'il agit alors par ordonnance, pour désigner les conseillers composant la chambre mixte et précisent qu'il le fait annuellement et sur proposition des présidents de chambre et, enfin, pour désigner un conseiller supplémentaire issu de la chambre à laquelle appartient le président de la chambre mixte, ainsi que les dispositions de l'article 7 de la même loi qui, d'une part, indiquent que la Cour de Cassation compte six chambres et, d'autre part, donnent compétence au premier président pour désigner les conseillers siégeant à l'assemblée plénière et précisent qu'il le fait annuellement sont relatives à la mise en oeuvre des règles de composition de ces formations et, dès lors, sont du domaine du règlement ;

7. Considérant que les autres dispositions soumises à l'examen du Conseil constitutionnel, relatives à des questions d'organisation judiciaire ou d'administration interne des juridictions, sans lien nécessaire avec la nature spécifique de celles-ci, ou à la compétence territoriale de certaines juridictions pénales, ne mettent en cause aucune des règles ou aucun des principes fondamentaux que l'article 34 de la Constitution réserve à la compétence du législateur ; que dès lors elles sont du domaine du règlement ;

Décide :
Article premier :
Ont le caractère législatif dans la mesure précisée dans les visas et dans les motifs de la présente décision, les dispositions susvisées des articles 6 et 7 de la loi n° 67-523 du 3 juillet 1967.
Article 2 :
Les autres dispositions soumises à l'examen du Conseil constitutionnel sont de nature réglementaire.
Article 3 :
La présente décision sera notifiée au Premier Ministre et publiée au Journal offficiel de la République française.

Journal officiel du 23 juillet 1977
Recueil, p. 63
ECLI : FR : CC : 1977 : 77.99.L

Les abstracts

  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
  • 3.7.3. Droit pénal. Contraventions, crimes et délits, procédure pénale, amnistie, ordres de juridiction et statut des magistrats
  • 3.7.3.5. Ordre de juridiction
  • 3.7.3.5.1. Création d'un nouvel ordre de juridiction - règles constitutives
  • 3.7.3.5.1.1. Cour de cassation

La Cour de cassation, qui, seule, a pour mission de juger les pourvois contre les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions judiciaires, constitue un ordre de juridiction. Par suite, ses règles constitutives relèvent également de la compétence du législateur. Sont des règles constitutives celles relatives à la composition de la chambre mixte, qui ont pour but de permettre à cette dernière de remplir un rôle unificateur de la jurisprudence au sein de la Cour de cassation, en mettant fin à d'éventuelles divergences entre les chambres spécialisées en départageant les magistrats d'une même chambre. Il en est de même des règles de composition de l'assemblée plénière, cette composition ayant pour but d'assurer une certaine stabilité à l'interprétation souveraine de la loi et ainsi d'établir la sécurité du choix dans les domaines dépendant de son contrôle. Ont, en revanche un caractère réglementaire les dispositions relatives à la mise en œuvre des règles de composition d'une juridiction formant un ordre particulier de juridiction ou de ses formations, les dispositions donnant compétence au premier président pour constituer la chambre mixte et pour en désigner les membres ainsi que ceux de l'assemblée plénière fixant les modalités d'exercice de ces compétences, le nombre des chambres de la Cour de cassation, les dispositions relatives à des questions d'organisation judiciaire ou d'administration interne des juridictions sans lien nécessaire avec la nature spécifique de celles-ci. Il en est de même des dispositions relatives à la compétence territoriale de certaines juridictions pénales.

(77-99 L, 20 juillet 1977, cons. 1, 4, 5, 6, 7, Journal officiel du 23 juillet 1977)
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