Décision

Décision n° 77-89 DC du 30 décembre 1977

Loi de finances pour 1978 et notamment ses articles premier et 38 ainsi que l'état A annexé
Conformité

Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 17 décembre 1977 par MM Pierre JOXE, Claude MICHEL, Charles JOSSELIN, René GAILLARD, Raymond FORNI, Christian LAURISSERGUES, Louis MEXANDEAU, Francis LEENHARDT, Jean POPEREN, Jacques-Antoine GAU, Louis DARINOT, Michel SAINTE-MARIE, Alain VIVIEN, Albert DENVERS, Louis LE PENSEC, Jacques HUYGHUES DES ETAGES, Dominique DUPILET, Pierre CHARLES, François ABADIE, André GUERLIN, André DELEHEDDE, Daniel BENOIST, Gilbert SENES, Antoine GAYRAUD, Henri LAVIELLE, Raoul BAYOU, André GRAVELLE, Joseph FRANCESCHI, Jean-Pierre COT, Mme Jacqueline THOME-PATENOTRE, MM Louis PHILIBERT, Guy BECK, Charles NAVEAU, André LEBON, Claude DELORME, Lucien PIGNION, Yves ALLAINMAT, Arsène BOULAY, Maurice BRUGNON, Georges FILLIOUD, Philippe MADRELLE, Louis EYRAUD, André POUTISSOU, André BOULLOCHE, Edmond VACANT, Yves LE FOLL, Gilbert FAURE, Roger DUROURE, Maurice LEGENDRE, André SAINT-PAUL, Roland HUGUET, Léonce CLERAMBEAUX, Louis BESSON, Marcel MASSOT, Pierre LAGORCE, Maurice BLANC, Antonin VER, Fernand BERTHOUIN, Maurice ANDRIEU, Jean BASTIDE, Robert AUMONT, Alex RAYMOND, Jean LABORDE, députés à l'Assemblée nationale, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, du texte de la loi de finances pour 1978, telle qu'elle a été adoptée par le Parlement et, notamment, des articles 1er et 38 de ladite loi ainsi que de l'état A annexé à cette loi ;
Saisi, d'autre part, d'une lettre de M Arsène BOULAY, député à l'Assemblée nationale, en date du 22 décembre 1977, d'une lettre de M Pierre BAS, député à l'Assemblée nationale, en date du 26 décembre 1977, et d'une lettre de MM Jean COLIN et Pierre CECCALDI-PAVARD, sénateurs, en date du 26 décembre 1977, tendant à soumettre à l'examen du Conseil constitutionnel d'autres dispositions de la même loi ;

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne ;

Vu la décision du Conseil des communautés européennes, en date du 21 avril 1970, relative au remplacement des contributions financières des Etats membres par des ressources propres aux communautés ;

Vu le règlement n° 1079-77 du Conseil des communautés européennes, en date du 17 mai 1977, relatif à un prélèvement de coresponsabilité et à des mesures destinées à élargir les marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers ;

Vu le règlement n° 1111-77 du Conseil des communautés européennes, en date du 17 mai 1977, établissant des dispositions communes pour l'isoglucose ;

Vu le règlement n° 1822-77 de la Commission des communautés européennes, en date du 5 août 1977, portant modalités d'application relatives à la perception du prélèvement de coresponsabilité instauré dans le secteur du lait et des produits laitiers ;

Ouï le rapporteur en son rapport ;

Sur la recevabilité :

1. Considérant que, s'il prévoit que les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel par des parlementaires, l'article 61, alinéa 2, de la Constitution réserve l'exercice de cette saisine à soixante députés ou soixante sénateurs ;

2. Considérant que le Conseil constitutionnel a été saisi le 22 décembre 1977 du texte de la loi de finances pour 1978 et, notamment, des articles 1er et 38 de ladite loi ainsi que de l'état A annexé à cette loi par plus de soixante députés à l'Assemblée nationale ; que cette saisine est recevable ;

3. Considérant que, postérieurement à cette date, MM Arsène BOULAY et Pierre BAS, députés à l'Assemblée nationale, par lettres individuelles, et MM Jean COLIN et Pierre CECCALDI-PAVARD, sénateurs, agissant conjointement, ont mis en cause devant le Conseil constitutionnel la conformité à la Constitution d'autres dispositions de cette même loi ; qu'il résulte du texte sus-rappelé de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution que, dans la mesure où les auteurs de ces lettres ont entendu déférer au Conseil la loi de finances pour 1978, leur saisine n'est pas recevable ;

Sur la conformité à la Constitution de la loi de finances pour 1978 :

4. Considérant que les dispositions soumises à l'examen du Conseil constitutionnel sont les articles 1er et 38 de la loi de finances pour 1978 ainsi que l'état A annexé à cette loi, en tant que ces textes prévoient la perception en France, d'une part, d'un prélèvement de coresponsabilité sur le lait et, d'autre part, d'un prélèvement à l'importation et d'une cotisation à la production d'isoglucose ;

En ce qui concerne le prélèvement de coresponsabilité sur le lait :

5. Considérant que ce prélèvement, institué par le règlement n° 1079-77 du Conseil des communautés européennes en date du 17 mai 1977 complété pour les modalités d'application par un règlement n° 1822-77 de la Commission en date du 5 août 1977, a pour objet de faire participer les producteurs de lait au financement des aides qu'ils reçoivent de la Communauté ;

6. Considérant qu'en raison tant du caractère de mesure d'ordre économique touchant à l'organisation du marché laitier qui s'attache au prélèvement que du contenu détaillé des prescriptions édictées par les règlements communautaires qui sont obligatoires dans tous leurs éléments et directement applicables dans tout État membre, en vertu de l'article 189 du traité du 25 mars 1957 régulièrement ratifié et publié en France, les dispositions qu'avaient à prendre les autorités nationales pour assurer l'exécution des règlements du 17 mai et du 5 août 1977 n'exigeaient pas l'intervention du Parlement ; que, dans ces conditions, la loi de finances pour 1978, en ne prévoyant aucune règle ni aucune inscription en recettes ou en dépenses relative au prélèvement de coresponsabilité ne méconnaît pas la Constitution ;

En ce qui concerne le prélèvement à l'importation et la cotisation à la production d'isoglucose :

7. Considérant, d'une part, que la perception en France de ce prélèvement et de cette cotisation, prévus par le règlement n° 1111-77 du Conseil des communautés européennes, en date du 17 mai 1977, est reconnue conforme à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel rendue ce jour à l'occasion de l'examen de la loi de finances rectificative pour 1977, sans qu'il soit besoin d'une intervention du Parlement autre que celle relative à la fixation des modalités de recouvrement de la cotisation sur l'isoglucose ;

8. Considérant, d'autre part, que ce prélèvement et cette cotisation constituent des ressources propres des Communautés et que la loi de finances pour 1978 se borne à en inscrire le produit sous les deux rubriques « Recettes » et « Prélèvements sur les recettes de l'État » selon les règles adoptées pour comptabiliser ces ressources propres ; que le choix de ces règles, qui ne découle pas d'une obligation imposée par les institutions communautaires, répond au souci de mettre le Parlement à même de prendre une vue d'ensemble des versements faits au budget des Communautés ; que, dans ces conditions, sur le seul point où elle traite du prélèvement et de la cotisation à la production d'isoglucose, la loi de finances pour 1978 n'est contraire à aucune disposition de la Constitution ;

9. Considérant qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen ;

Décide :
Article premier :
Sont déclarées irrecevables les demandes de MM Arsène BOULAY et Pierre BAS, députés à l'Assemblée nationale, et de MM Jean COLIN et Pierre CECCALDI-PAVARD, sénateurs.
Article 2 :
Les dispositions de la loi de finances pour 1978, soumise à l'examen du Conseil constitutionnel, ne sont pas contraires à la Constitution.
Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Journal officiel du 31 décembre 1977, page 6385
Recueil, p. 46
ECLI : FR : CC : 1977 : 77.89.DC

Les abstracts

  • 6. FINANCES PUBLIQUES
  • 6.5. CONTRIBUTIONS PUBLIQUES
  • 6.5.2. Prélèvements et cotisations communautaires

Par un règlement du 17 mai 1977, le Conseil des Communautés européennes a établi un prélèvement à l'importation et une cotisation à la production d'isoglucose, dont il a déterminé l'assiette et le taux, laissant aux États membres le soin de fixer les modalités de recouvrement de la cotisation. La cotisation à la production d'isoglucose, instituée en vue de régulariser le marché de ce produit dans le cadre de l'organisation du secteur du sucre, a le caractère d'une ressource propre communautaire en vertu d'une décision du Conseil des Communautés européennes du 21 avril 1970 régulièrement approuvée par la France et publiée. Elle échappe donc aux règles applicables en matière d'imposition nationale. En vertu du traité de Rome, les règlements arrêtés par le Conseil et la Commission des Communautés européennes sont obligatoires dans tous leurs éléments et directement applicables dans tout État membre sans qu'aucune intervention des autorités nationales soit nécessaire. L'intervention de ces autorités est limitée à l'adoption des modalités d'application laissées à leur initiative par les règlements communautaires. Les répercussions de la répartition des compétences ainsi opérée entre les institutions communautaires et les autorités nationales en ce qui concerne les conditions d'exercice de la souveraineté nationale et le jeu des règles de l'article 34 de la Constitution ne sont que la conséquence d'engagements internationaux souscrits par la France et entrés dans le champ de l'article 55 de la Constitution.

(77-89 DC, 30 décembre 1977, cons. 6, Journal officiel du 31 décembre 1977, page 6385)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.1. PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT INTERNATIONAL
  • 7.1.1. Droit public international
  • 7.1.1.1. Pacta sunt servanda

Force obligatoire des traités entrant dans le champ des prévisions de l'article 55 de la Constitution.

(77-89 DC, 30 décembre 1977, cons. 6, 7, Journal officiel du 31 décembre 1977, page 6385)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.4. Caractéristiques du contrôle de constitutionnalité a priori
  • 7.2.4.4. Actes exclus du contrôle
  • 7.2.4.4.2. Actes qui ne sont pas des traités ou accords au sens des articles 52 et 53 de la Constitution
  • 7.2.4.4.2.1. Actes d'application d'un traité n'ayant pas valeur de traité ou accord international

Les Règlements communautaires n'ont pas le caractère de traités ou accords internationaux au sens des articles 52 et 52 de la Constitution (solution implicite)

(77-89 DC, 30 décembre 1977, cons. 6, Journal officiel du 31 décembre 1977, page 6385)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.3. TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX EN VIGUEUR
  • 7.3.2. Primauté des traités et accords (article 55)
  • 7.3.2.2. Force obligatoire des traités et accords internationaux en vigueur

Force obligatoire des traités entrant dans le champ des prévisions de l'article 55 de la Constitution.

(77-89 DC, 30 décembre 1977, cons. 6, 7, Journal officiel du 31 décembre 1977, page 6385)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4. QUESTIONS PROPRES AU DROIT COMMUNAUTAIRE OU DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.4.3. Hiérarchie des normes
  • 7.4.3.2. Autorité du droit communautaire

Par un règlement du 17 mai 1977, le Conseil des Communautés européennes a établi un prélèvement à l'importation et une cotisation à la production d'isoglucose, dont il a déterminé l'assiette et le taux, laissant aux États membres le soin de fixer les modalités de recouvrement de la cotisation. La cotisation à la production d'isoglucose, instituée en vue de régulariser le marché de ce produit dans le cadre de l'organisation du secteur du sucre, a le caractère d'une ressource propre communautaire en vertu d'une décision du Conseil des Communautés européennes du 21 avril 1970 régulièrement approuvée par la France et publiée. Elle échappe donc aux règles applicables en matière d'imposition nationale. En vertu du traité de Rome, les règlements arrêtés par le Conseil et la Commission des Communautés européennes sont obligatoires dans tous leurs éléments et directement applicables dans tout État membre sans qu'aucune intervention des autorités nationales soit nécessaire. L'intervention de ces autorités est limitée à l'adoption des modalités d'application laissées à leur initiative par les règlements communautaires. Les répercussions de la répartition des compétences ainsi opérée entre les institutions communautaires et les autorités nationales en ce qui concerne les conditions d'exercice de la souveraineté nationale et le jeu des règles de l'article 34 de la Constitution ne sont que la conséquence d'engagements internationaux souscrits par la France et entrés dans le champ de l'article 55 de la Constitution.

(77-89 DC, 30 décembre 1977, cons. 6, Journal officiel du 31 décembre 1977, page 6385)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.4. RECEVABILITÉ DES SAISINES (article 61 de la Constitution)
  • 11.4.1. Conditions tenant aux auteurs de la saisine
  • 11.4.1.2. Irrecevabilité d'une saisine émanant de moins de soixante députés ou de moins de soixante sénateurs

Est irrecevable une saisine émanant de quatre parlementaires et dirigée contre la loi de finances pour 1978, alors que cette loi avait déjà été déférée au Conseil constitutionnel par plus de soixante députés à l'Assemblée nationale et que la nouvelle saisine portait sur des dispositions autres que celles critiquées par la première saisine. Cette circonstance fait obstacle à ce que les demandes présentées par les quatre parlementaires puissent être rattachées à la première saisine.

(77-89 DC, 30 décembre 1977, cons. 3, Journal officiel du 31 décembre 1977, page 6385)
À voir aussi sur le site : Saisine par 60 députés, Références doctrinales.
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