Décision

Décision n° 75-56 DC du 23 juillet 1975

Loi modifiant et complétant certaines dispositions de procédure pénale spécialement le texte modifiant les articles 398 et 398-1 du code de procédure pénale
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel,

Saisi le 30 juin 1975 par MM Charles ALLIES, Auguste AMIC, Antoine ANDRIEUX, Clément BALESTRA, André BARROUX, Gilbert BELIN, Frédéric BOURGUET, Marcel BREGEGERE, Jacques CARAT, Marcel CHAMPEIX, René CHAZELLE, Bernard CHOCHOY, Félix CICCOLINI, Raymond Courrière, Maurice COUTROT, René DEBESSON, Emile DURIEUX, Fernand DUSSERT, Léon EECKHOUTTE, Jean GEOFFROY, Pierre GIRAUD, Maxime JAVELLY, Georges LAMOUSSE, Robert LAUCOURNET, Marcel MATHY, André MERIC, Gérard MINVIELLE, Paul MISTRAL, Michel MOREIGNE, Jean NAYROU, Albert PEN, Jean PERIDIER, Pierre PETIT, Maurice PIC, Victor PROVO, Roger QUILLIOT, Mlle Irma RAPUZZI, MM Robert SCHWINT, Abel SEMPE, Marcel SOUQUET, Edgar TAILHADES, Henri TOURNAN, Jean VARLET, Maurice VERILLON, Emile VIVIER, Léopold HEDER, Edgard PISANI, Fernand POIGNANT, Louis BRIVES, Louis NAMY, Emile DIDIER, Edouard GRANGIER, Paul JARGOT, Pierre MARCILHACY, Guy SCHMAUS, Josy MOINET, René BILLERES, Auguste PINTON, Fernand LEFORT, Gérard EHLERS, Fernand CHATELAIN, Léandre LETOQUART, Louis VIRAPOULLE, Mme Hélène EDELINE, MM Pierre BROUSSE, Roger GAUDON, Mme Catherine LAGATU, MM James MARSON, Henri CAILLAVET, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61 de la Constitution du texte de la loi modifiant et complétant certaines dispositions de procédure pénale, telle qu'elle a été adoptée par le Parlement ;

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu le code de procédure pénale, notamment ses articles 398 et 398-1, tels qu'ils résultent de la loi du 29 décembre 1972 ;

Ouï le rapporteur en son rapport ;

1. Considérant que le Conseil constitutionnel a été, conformément à l'article 61 de la Constitution, régulièrement saisi par soixante-neuf sénateurs de la loi modifiant et complétant certaines dispositions de procédure pénale, spécialement du texte modifiant les articles 398 et 398-1 du code de procédure pénale ;

2. Considérant que les dispositions nouvelles de l'article 398-1 du code de procédure pénale laissent au président du tribunal de grande instance la faculté, en toutes matières relevant de la compétence du tribunal correctionnel à l'exception des délits de presse, de décider de manière discrétionnaire et sans recours si ce tribunal sera composé de trois magistrats, conformément à la règle posée par l'article 398 du code de procédure pénale, ou d'un seul de ces magistrats exerçant les pouvoirs conférés au président ;

3. Considérant que des affaires de même nature pourraient ainsi être jugées ou par un tribunal collégial ou par un juge unique, selon la décision du président de la juridiction ;

4. Considérant qu'en conférant un tel pouvoir l'article 6 de la loi déférée au Conseil constitutionnel, en ce qu'il modifie l'article 398-1 du code de procédure pénale, met en cause, alors surtout qu'il s'agit d'une loi pénale, le principe d'égalité devant la justice qui est inclus dans le principe d'égalité devant la loi proclamé dans la Déclaration des Droits de l'homme de 1789 et solennellement réaffirmé par le préambule de la Constitution ;

5. Considérant, en effet, que le respect de ce principe fait obstacle à ce que des citoyens se trouvant dans des conditions semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés par des juridictions composées selon des règles différentes ;

6. Considérant, enfin, que l'article 34 de la Constitution qui réserve à la loi le soin de fixer les règles concernant la procédure pénale, s'oppose à ce que le législateur, s'agissant d'une matière aussi fondamentale que celle des droits et libertés des citoyens, confie à une autre autorité l'exercice, dans les conditions ci-dessus rappelées, des attributions définies par les dispositions en cause de l'article 6 de la loi déférée au Conseil constitutionnel ;

7. Considérant que ces dispositions doivent donc être regardées comme non conformes à la Constitution ;

8. Considérant, de plus, qu'elles sont inséparables de celles du même article 6, premier alinéa, de la loi déférée au Conseil constitutionnel, qui abrogent les trois derniers alinéas de l'article 398 du code de procédure pénale ;

9. Considérant qu'en l'état il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen ;

Décide :

Article premier :
Sont déclarées non conformes à la Constitution les dispositions de l'article 6 de la loi modifiant et complétant certaines dispositions du code de procédure pénale en tant d'une part, qu'elles abrogent les trois derniers alinéas de l'article 398 du code de procédure pénale et, d'autre part, qu'elles abrogent et remplacent les dispositions de l'article 398-1 de ce code.

Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Journal officiel du 24 juillet 1975, page 7533
Recueil, p. 22
ECLI : FR : CC : 1975 : 75.56.DC

Les abstracts

  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.3. ÉTENDUE ET LIMITES DE LA COMPÉTENCE LÉGISLATIVE
  • 3.3.4. Incompétence négative
  • 3.3.4.1. Cas d'incompétence négative
  • 3.3.4.1.1. Droit pénal et procédure pénale
  • 3.3.4.1.1.1. Champ d'application de la loi pénale

L'article 34 de la Constitution qui réserve à la loi le soin de fixer les règles concernant la procédure pénale, s'oppose à ce que le législateur, s'agissant d'une matière aussi fondamentale que celle des droits et libertés des citoyens, confie à une autre autorité l'exercice des attributions définies par les nouvelles dispositions de l'article 398-1 du code de procédure pénale qui laisse au président du tribunal de grande instance la faculté de juger des affaires de même nature par un tribunal collégial ou par un juge unique.

(75-56 DC, 23 juillet 1975, cons. 6, Journal officiel du 24 juillet 1975, page 7533)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
  • 3.7.3. Droit pénal. Contraventions, crimes et délits, procédure pénale, amnistie, ordres de juridiction et statut des magistrats
  • 3.7.3.2. Procédure pénale

L'article 34 de la Constitution qui réserve à la loi le soin de fixer les règles concernant la procédure pénale s'oppose à ce que le législateur, s'agissant d'une matière aussi fondamentale que celle des droits et libertés des citoyens, confie à une autre autorité l'exercice des attributions définies par les nouvelles dispositions de l'article 398-1 code de procédure pénale qui laisse au président du tribunal de grande instance la faculté de juger des affaires de même nature par un tribunal collégial ou par un juge unique.

(75-56 DC, 23 juillet 1975, cons. 6, Journal officiel du 24 juillet 1975, page 7533)
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
  • 5.1.1. Principe

Le respect du principe d'égalité fait obstacle à ce que des citoyens se trouvant dans des conditions semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés par des juridictions composées selon des règles différentes.

(75-56 DC, 23 juillet 1975, cons. 4, 5, Journal officiel du 24 juillet 1975, page 7533)
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.2. ÉGALITÉ DEVANT LA JUSTICE
  • 5.2.3. Juridictions
  • 5.2.3.1. Composition et compétence des juridictions
  • 5.2.3.1.1. Juge unique

En vertu des dispositions nouvelles de l'article 398-1 du code de procédure pénale, des affaires de même nature relevant de la compétence du tribunal correctionnel, à l'exception des délits de presse, pourraient être jugées ou par un tribunal collégial ou par un juge unique, selon la décision du président du tribunal de grande instance. Un tel pouvoir, en ce qu'il modifie l'article 398-1 du code de procédure pénale, met en cause, alors surtout qu'il s'agit d'une loi pénale, le principe d'égalité devant la justice qui est inclus dans le principe d'égalité devant la loi proclamé dans la Déclaration de 1789 et solennellement réaffirmé par le Préambule de la Constitution. Le respect de ce principe fait obstacle à ce que des citoyens se trouvant dans des conditions semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés par des juridictions composées selon des règles différentes.

(75-56 DC, 23 juillet 1975, cons. 2, 3, 4, 5, Journal officiel du 24 juillet 1975, page 7533)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.8. SENS ET PORTÉE DE LA DÉCISION
  • 11.8.4. Caractère séparable ou non des dispositions déclarées inconstitutionnelles
  • 11.8.4.3. Inséparabilité des dispositions non conformes à la Constitution et de tout ou partie du reste de la loi
  • 11.8.4.3.3. Inséparabilité au sein d'un même article (exemples)
  • 11.8.4.3.3.1. Cas d'inséparabilité

Les dispositions nouvelles de l'article 398-1 du code de procédure pénale qui laissent au président du tribunal de grande instance la faculté, en toutes matières relevant de la compétence du tribunal correctionnel, à l'exception des délits de presse, de décider, de manière discrétionnaire et sans recours, si ce tribunal sera composé de trois magistrats, conformément à la règle posée par l'article 398 du code de procédure pénale ou d'un seul de ces magistrats exerçant les pouvoirs conférés au président sont séparables des dispositions du même article de la loi déféré au Conseil constitutionnel, qui abrogent les trois derniers alinéas de l'article 398 du code de procédure pénale.

(75-56 DC, 23 juillet 1975, cons. 8, Journal officiel du 24 juillet 1975, page 7533)
  • 12. JURIDICTIONS ET AUTORITÉ JUDICIAIRE
  • 12.3. ORGANISATION DES JURIDICTIONS
  • 12.3.1. Composition
  • 12.3.1.1. Juridictions de droit commun
  • 12.3.1.1.2. Juge unique

Le respect du principe d'égalité fait obstacle à ce que des citoyens se trouvant dans des conditions semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés par des juridictions composées selon des règles différentes. Les dispositions qui laissent au président du tribunal de grande instance la faculté de décider de manière discrétionnaire et sans recours, si le tribunal correctionnel sera composé de trois magistrats ou d'un seul de ces magistrats, sont contraires à la Constitution.

(75-56 DC, 23 juillet 1975, cons. 2, 3, 4, 5, Journal officiel du 24 juillet 1975, page 7533)
À voir aussi sur le site : Saisine par 60 sénateurs, Références doctrinales.
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