Décision

Décision n° 71-573 SEN du 27 janvier 1972

Sénat, Guyane
Rejet

Le Conseil constitutionnel,

Vu l'article 59 de la Constitution ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vit le code électoral ;

Vu la requête présentée par M. Louis Bierge, demeurant, 38, rue Lieutenant-Becker, à Cayenne (Guyane), ladite requête enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel te 30 septembre 1971 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil statuer sur les opérations électorales auxquelles il a été procédé le 26 septembre 1971 dans le département de la Guyane pour la désignation d'un sénateur ;

Vu le mémoire complémentaire présenté par M. Louis Bierge, enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 11 octobre 1971 ;

Vu le mémoire en défense présenté pour M. Léopold Heder, sénateur, ledit mémoire enregistré au secrétariat général ,du Conseil constitutionnel le 19 novembre 1971 ;

Vu le mémoire en réplique présenté par M. Bierge, ledit mémoire enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 6 décembre 1971 ;

Vu le mémoire en duplique présenté pour M. Heder, ledit mémoire enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 10 janvier 1972 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Ouï le rapporteur en son rapport ;

Sur la recevabilité des moyens invoqués dans la requête enregistrée le 30 septembre 1971 :

1. Considérant que pour demander l'annulation de l'élection, M. Bierge soutient que le collège électoral sénatorial de la Guyane était irrégulièrement composé en ce qu'il comprenait d'une part, dix délégués du territoire de l'Inini et, d'autre part, quinze délégués de la commune de Kourou, dont la représentation, selon lui, devait être limitée à sept délégués ; que, par là, il entend contester la régularité du tableau des électeurs sénatoriaux, établi et publié par arrêté préfectoral du 8 septembre 1971 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 292 du code électoral : « Des recours contre le tableau des électeurs sénatoriaux établi par le préfet peuvent être présentés par tout membre du collège électoral sénatorial du département. Ces recours sont présentés au tribunal administratif. La décision de celui-ci ne peut être contestée que devant le Conseil constitutionnel saisi de l'élection.
 » Dans les mêmes conditions, la régularité de l'élection des délégués et suppléants d'une commune peut être contestée par le préfet ou par les électeurs de cette commune" .

3. Considérant que le moyen tiré d'irrégularités que le requérant avait la faculté d'invoquer préalablement à l'élection dans les conditions prévues à l'article L. 292 précité n'est pas recevable s'il est présenté pour la première fois devant le Conseil constitutionnel, mais que cette fin de non-recevoir ne saurait être opposée au requérant lorsque celui-ci n'était pas au nombre des personnes auxquelles était ouvert, à l'encontre des irrégularités alléguées, l'un ou l'autre des recours prévus à l'article L. 292 ; qu'il suit de là que M. Bierge, électeur dans le département de la Guyane, inscrit sur les listes de la commune de Cayenne, et qui n'était pas membre du collège électoral sénatorial, est recevable à invoquer pour la première fois devant le Conseil constitutionnel, à l'appui de sa requête en annulation de l'élection du 26 septembre 1971, les griefs sus-analysés concernant la désignation des délégués sénatoriaux autres que ceux de sa propre commune ;

Sur le fond :

4. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions du décret du 17 mars 1969 portant réorganisation administrative du département de la Guyane, auxquelles se réfère la loi du 31 décembre 1969 en son article 27 abrogeant la loi du 14 septembre 1951, qu'antérieurement à l'élection attaquée l'ancien territoire de l'Inini a été intégré dans le département de la Guyane et que cette réforme a entraîné la création d'un canton et de cinq communes ; qu'ainsi, conformément audit décret, le conseillez général de ce canton et les délégués de ces communes ont régulièrement figuré au tableau des électeurs sénatoriaux et participé au scrutin du 26 septembre 1971 ;

5. Considérant, d'autre part, qu'en vertu des dispositions du décret du 16 mars 1964 modifiant le décret du 25 mai 1955 relatif à la détermination du chiffre de la population à prendre en considération pour l'application des lois municipales, un arrêté interministériel en date du 15 juillet 1970 a fixé à 4.094 le chiffre de la population municipale de Kourou, et qu'en conséquence, conformément à l'article 16 du code de l'administration communale, un conseil municipal de vingt-trois membres a été élu dans cette commune ; que ledit conseil municipal a, dès lors, régulièrement désigné, en application de l'article L. 284 du code électoral, quinze délégués au collège des électeurs sénatoriaux du département ;

Sur les moyens invoqués dans le mémoire complémentaire :

6. Considérant que par un mémoire complémentaire, enregistré au Conseil constitutionnel le 11 octobre 1971, soit après l'expiration du délai de dix jours prévu à l'article 33 de l'ordonnance susvisée du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. Bierge invoque d'autres moyens qui, eu égard à la nature de ceux exposés ci-dessus, constituent des moyens nouveaux ; que ceux-ci présentés tardivement doivent, par suite, être écartés comme irrecevables, sans que le requérant qui avait, conformément aux dispositions de l'article 34 de la même ordonnance, la faculté de déposer sa requête à la préfecture de la Guyane, puisse utilement se prévaloir, pour faire échec à cette fin de non-recevoir, du bénéfice d'un délai de distance non prévu par ladite ordonnance ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de M. Bierge tendant à l'annulation de l'élection sénatoriale à laquelle il a été procédé le 26 septembre 1971 dans le département de la Guyane doit être rejetée ;

Décide :
Article premier :
La requête susvisée de M. Bierge est rejetée.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée au Sénat et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 janvier 1972, où siégeaient : MM. Gaston PALEWSKI, président, MONNET, REY, SAINTENY, GOGUEL, DUBOIS, COSTE-FLORET, CHATENET, LUCHAIRE.

Journal officiel du 30 janvier 1972, page 1204
Recueil, p. 47
ECLI : FR : CC : 1972 : 71.573.SEN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.8. Contentieux - Recevabilité de la réclamation
  • 8.4.8.6. Recevabilité des conclusions et griefs
  • 8.4.8.6.1. Nécessité d'un recours préalable devant le tribunal administratif

Le grief tiré d'irrégularités commises lors de l'établissement du tableau des électeurs sénatoriaux n'est pas recevable s'il est présenté pour la première fois au Conseil constitutionnel sauf s'il est invoqué par une personne qui n'était pas au nombre de celles qui pouvaient exercer un recours préalable contre ledit tableau en application de l'article L. 292 du code électoral.

(71-573 SEN, 27 janvier 1972, cons. 3, Journal officiel du 30 janvier 1972, page 1204)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.4. ÉLECTIONS SÉNATORIALES
  • 8.4.9. Contentieux - Griefs
  • 8.4.9.3. Griefs nouveaux

Griefs invoqués dans un mémoire complémentaire, enregistré au Conseil constitutionnel après l'expiration du délai de dix jours fixé par l'article 33 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958. Griefs irrecevables, le requérant ayant la faculté de déposer sa requête à la préfecture de la Guyane et ne pouvant se prévaloir d'un délai de distance non prévu par ladite ordonnance.

(71-573 SEN, 27 janvier 1972, cons. 6, 7, Journal officiel du 30 janvier 1972, page 1204)
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