Décision

Décision n° 70-39 DC du 19 juin 1970

Traité signé à Luxembourg le 22 avril 1970 portant modification de certaines dispositions budgétaires des traités instituant les communautés européennes et du traité instituant un conseil unique et une commission unique des Communautés européennes et décision du Conseil des Communautés européennes en date du 21 avril 1970, relative au remplacement des contributions des Etats membres par des ressources propres aux Communautés
Conformité

Le Conseil constitutionnel,

Saisi le 11 juin 1970 par le Premier Ministre, en application des dispositions de l'article 54 de la Constitution, de la question de savoir si le traité portant modification de certaines dispositions budgétaires des traités instituant les Communautés européennes et du traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes, signé à Luxembourg le 22 avril 1970, ainsi que la décision du Conseil des Communautés européennes en date du 21 avril 1970, relative au remplacement des contributions financières des Etats membres par des ressources propres aux Communautés comportent ou non des clauses contraires à la Constitution ;

Vu la Constitution et notamment son préambule et ses articles 53, 54 et 62 ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le traité du 18 avril 1951 instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier ;

Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne ;

Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique ;

Vu le traité du 8 avril 1965 instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes ;

Vu le règlement n° 25 du 4 avril 1962 du Conseil de la Communauté économique européenne relatif au financement de la politique agricole commune ;

1. Considérant que la nécessité d'une révision de la Constitution, préalablement à l'autorisation de ratifier ou d'approuver un engagement international, prévue à l'article 54 de la Constitution est subordonnée par ce même texte à la déclaration par le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, le Premier Ministre, ou le Président de l'une ou l'autre Assemblée, que ledit engagement international comporte une clause contraire à la Constitution ; qu'il incombe donc au Conseil constitutionnel, dans le cas de l'espèce, comme dans tous les cas de cette nature, de déclarer si les engagements internationaux, soumis à son examen, en application de l'article 54, contiennent ou non des clauses contraires à la Constitution ;

En ce qui concerne le traité signé à Luxembourg le 22 avril 1970 portant modification de certaines dispositions budgétaires des traités instituant les Communautés européennes et du traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes :

2. Considérant que ce traité ne contient que des dispositions relatives au fonctionnement interne des Communautés modifiant la répartition des compétences entre les divers organes de celles-ci et qu'il n'affecte pas l'équilibre des relations entre les Communautés européennes, d'une part, et les Etats membres, d'autre part ;

3. Considérant, au surplus, que les engagements contenus dans les dispositions soumises à l'examen du Conseil constitutionnel ne prennent effet qu'après le dépôt du dernier instrument de ratification et qu'ils ont donc le caractère d'engagements réciproques ;

4. Considérant, en conséquence, qu'ils ne peuvent être contraires à aucune disposition de la Constitution ;

En ce qui concerne la décision du Conseil des Communautés européennes du 21 avril 1970 relative au remplacement des contributions financières des Etats membres par des ressources propres aux Communautés :

5. Considérant qu'il résulte des dispositions tant du traité de Paris du 18 avril 1951, instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier, que des traités de Rome du 25 mars 1957 instituant respectivement la Communauté économique européenne et la communauté européenne de l'énergie atomique, que le développement des Communautés européennes prévoit, notamment, pour le financement de leur budget, sous réserve du respect des procédures prévues par les stipulations des traités susmentionnés, le passage progressif d'un système de contribution des Etats membres à un régime de ressources propres ; que lesdits traités ont été régulièrement ratifiés et publiés et sont, dès lors, entrés dans le champ d'application de l'article 55 de la Constitution ;

6. Considérant que la décision du 21 avril 1970, qui recommande le remplacement des contributions financières des Etats membres par des ressources propres aux Communautés, a le caractère d'une mesure d'application des dispositions sus-rappelées des traités instituant les Communautés européennes, dès lors qu'elle est prise dans les conditions prévues notamment à l'article 201 du traité instituant la Communauté économique européenne et à l'article 173 du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique, c'est-à-dire conformément aux règles constitutionnelles respectives des Etats membres ; que l'application de ces règles exige que l'adoption des dispositions prévues par ladite décision qui, sur certains points, porte sur des matières de nature législative telles qu'elles sont définies à l'article 34 de la constitution, soit subordonnée, conformément à l'article 53, à l'intervention d'une loi ; que la condition de réciprocité susmentionnée se trouve remplie ;

7. Considérant, en conséquence, et sous réserve de son approbation par la loi, que ladite décision n'est pas en contradiction avec la Constitution,

8. Considérant, d'ailleurs, que la décision du 21 avril 1970 prend place dans un ensemble de mesures d'exécution liées à l'établissement d'une politique commune, qu'elle ne saurait donc avoir par elle-même valeur de principe ;

9. Considérant, que dans le cas de l'espèce, elle ne peut porter atteinte, ni par sa nature, ni par son importance, aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ;

Décide :

Article premier :
Le traité portant modification de certaines dispositions budgétaires des traités instituant les Communautés européennes et du traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes, signé à Luxembourg le 22 avril 1970 ainsi que la décision du 21 avril 1970 relative au remplacement des contributions financières des Etats membres par des ressources propres aux Communautés ne comportent pas de clause contraire à la Constitution.

Article 2 :
La présente décision sera notifiée au Premier Ministre et publiée au Journal officiel de la république française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 juin 1970.

Journal officiel du 21 juin 1970, page 5806
Recueil, p. 15
ECLI : FR : CC : 1970 : 70.39.DC

Les abstracts

  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.3. PRINCIPES AFFIRMÉS PAR LE PRÉAMBULE DE LA CONSTITUTION DE 1946
  • 1.3.1. Admission de la valeur constitutionnelle du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946

Examen de la conformité à la Constitution d'un engagement international au regard des dispositions du quinzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 qui autorise les limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix.

(70-39 DC, 19 juin 1970, cons. 1, Journal officiel du 21 juin 1970, page 5806)
  • 1. NORMES CONSTITUTIONNELLES
  • 1.3. PRINCIPES AFFIRMÉS PAR LE PRÉAMBULE DE LA CONSTITUTION DE 1946
  • 1.3.18. Alinéa 15 - Principe de réciprocité

Consécration implicite du quinzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

(70-39 DC, 19 juin 1970, cons. 4, Journal officiel du 21 juin 1970, page 5806)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.1. PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT INTERNATIONAL
  • 7.1.1. Droit public international
  • 7.1.1.1. Pacta sunt servanda

Force obligatoire des traités entrant dans le champ des prévisions de l'article 55 de la Constitution.

(70-39 DC, 19 juin 1970, cons. 5, Journal officiel du 21 juin 1970, page 5806)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.3. Contrôle de la régularité de la procédure de ratification d'un traité
  • 7.2.3.1. Intervention du Parlement

L'application des règles constitutionnelles exige que l'adoption des dispositions prévues par la décision du 21 avril 1970 du Conseil des Communautés européennes qui recommande le remplacement des attributions financières des États membres par des ressources propres aux Communautés et qui, sur certains points, porte sur des matières de nature législative définies à l'article 34 de la Constitution, soit subordonnée, conformément à l'article 53, à l'intervention d'une loi.

(70-39 DC, 19 juin 1970, cons. 4, Journal officiel du 21 juin 1970, page 5806)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.4. Caractéristiques du contrôle de constitutionnalité a priori
  • 7.2.4.1. Fondements du contrôle
  • 7.2.4.1.1. Contrôle direct (article 54 C)

Entrent dans le champ des prévisions de l'article 54 :

le traité signé à Luxembourg le 22 avril 1970 portant modification de certaines dispositions budgétaires des traités instituant les Communautés européennes et du traité instituant un conseil unique et une commission unique des Communautés européennes.

(70-39 DC, 19 juin 1970, cons. 1, Journal officiel du 21 juin 1970, page 5806)

la décision du Conseil des Communautés européennes du 21 avril 1970, relative au remplacement des contributions des États membres par des ressources propres aux Communautés.

(70-39 DC, 19 juin 1970, cons. 5, Journal officiel du 21 juin 1970, page 5806)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.4. Caractéristiques du contrôle de constitutionnalité a priori
  • 7.2.4.5. Normes de référence du contrôle
  • 7.2.4.5.2. Normes de référence prises en compte
  • 7.2.4.5.2.3. Condition de réciprocité

Les engagements contenus dans le traité signé à Luxembourg le 22 avril 1970 portant modification de certaines dispositions budgétaires des traités instituant les Communautés européennes et du traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes ne prennent effet qu'après le dépôt du dernier instrument de ratification et ont donc le caractère d'engagements réciproques.

(70-39 DC, 19 juin 1970, cons. 3, Journal officiel du 21 juin 1970, page 5806)

La condition de réciprocité exigée par le quinzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 est remplie pour la décision du Conseil des Communautés européennes du 4 avril 1970 relative au remplacement des contributions financières des États membres par des ressources propres aux Communautés.

(70-39 DC, 19 juin 1970, cons. 4, Journal officiel du 21 juin 1970, page 5806)

Les engagements contenus dans les stipulations du traité sur l'Union européenne ne prennent effet, conformément à l'article R de ce traité, qu'après le dépôt du dernier instrument de ratification. Cette exigence vaut aussi bien pour le traité lui-même que pour les protocoles qui lui sont annexés et les déclarations adoptées par les conférences des gouvernements. Il suit de là que ces instruments internationaux ont le caractère d'engagements réciproques. Il est ainsi satisfait à la condition de réciprocité prescrite par le quinzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

(70-39 DC, 19 juin 1970, cons. 3, 4, Journal officiel du 21 juin 1970, page 5806)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.5. Examen de la conformité à la Constitution
  • 7.2.5.1. Nécessité d'une révision de la Constitution
  • 7.2.5.1.2. Transferts de compétence portant atteinte aux conditions d'exercice de la souveraineté nationale
  • 7.2.5.1.2.1. Principe

Par le Préambule de la Constitution de 1958, le peuple français a proclamé solennellement " son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le Préambule de la Constitution de 1946 ". La Déclaration de 1789 énonce, dans son article 3, que " le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation " ; l'article 3 de la Constitution dispose, en son premier alinéa, que " la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ". Le Préambule de la Constitution de 1946 proclame que la République française se "conforme aux règles du droit public international" (quatorzième alinéa) et que "sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix" (quinzième alinéa). Dans son article 53, la Constitution de 1958 consacre, comme le faisait l'article 27 de la Constitution de 1946, l'existence de "traités ou accords relatifs à l'organisation internationale ", lesquels ne peuvent être ratifiés ou approuvés par le Président de la République qu'en vertu d'une loi. Il résulte de ces textes de valeur constitutionnelle que le respect de la souveraineté nationale ne fait pas obstacle à ce que, sur le fondement des dispositions précitées du Préambule de la Constitution de 1946, la France puisse conclure, sous réserve de réciprocité, des engagements internationaux en vue de participer à la création ou au développement d'une organisation internationale permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l'effet de transferts de compétence consentis par les États membres. Toutefois, au cas où des engagements internationaux souscrits à cette fin contiennent une clause contraire à la Constitution ou portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, l'autorisation de les ratifier appelle une révision constitutionnelle.

(70-39 DC, 19 juin 1970, cons. 9, Journal officiel du 21 juin 1970, page 5806)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.5. Examen de la conformité à la Constitution
  • 7.2.5.2. Absence de nécessité de réviser la Constitution
  • 7.2.5.2.9. Fonctionnement interne des Communautés européennes

Le traité signé à Luxembourg le 22 avril 1970 portant modification de certaines dispositions budgétaires des traités instituant les Communautés européennes et du traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes ne contient que des dispositions relatives au fonctionnement interne des Communautés modifiant la répartition des compétences entre les divers organes de celles-ci et n'affecte pas l'équilibre des relations entre les Communautés européennes, d'une part, et les États membres, d'autre part. Il ne peut, en conséquence, être contraire à aucune disposition de la Constitution.

(70-39 DC, 19 juin 1970, cons. 2, 3, Journal officiel du 21 juin 1970, page 5806)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.2. RATIFICATION OU APPROBATION DES TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX
  • 7.2.5. Examen de la conformité à la Constitution
  • 7.2.5.2. Absence de nécessité de réviser la Constitution
  • 7.2.5.2.10. Ressources propres des Communautés européennes

La décision du 21 avril 1970 relative au remplacement des contributions financières des États membres par des ressources propres aux Communautés ne peut porter atteinte, ni par sa nature, ni par son importance, aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.

(70-39 DC, 19 juin 1970, cons. 9, Journal officiel du 21 juin 1970, page 5806)
  • 7. DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE
  • 7.3. TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX EN VIGUEUR
  • 7.3.2. Primauté des traités et accords (article 55)
  • 7.3.2.2. Force obligatoire des traités et accords internationaux en vigueur

Force obligatoire des traités entrant dans le champ des prévisions de l'article 55 de la Constitution.

(70-39 DC, 19 juin 1970, cons. 5, Journal officiel du 21 juin 1970, page 5806)
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