Décision n° 66-7 FNR du 21 décembre 1966
Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 14 décembre 1966 par le Président de l'Assemblée nationale, dans les conditions prévues à l'article 41 de la Constitution, de la proposition de loi présentée, dans son rapport n° 1985, par la commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi n° 1516 de M Baudis et plusieurs de ses collègues, députés, tendant à faciliter l'évaluation, en vue de leur indemnisation, des dommages subis par les Français rapatriés d'outre-mer en cas de spoliation et de perte définitivement établies des biens leur appartenant, à laquelle le Premier ministre a opposé l'irrecevabilité visée audit article ;
Vu la Constitution, notamment ses articles 34, 37, 41 et 62 ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et, notamment, ses articles 27, 28 et 29 ;
Vu la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et à la réinstallation des Français d'outre-mer ;
Vu l'ordonnance n° 62-1106 du 19 septembre 1962 créant une agence de défense des biens et intérêts des rapatriés ;
Vu la loi n° 63-156 du 23 février 1963, portant loi de finances pour 1963 et, notamment, son article 65 ;
1. Considérant que la proposition de loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a pour objet, d'une part, de confier à l'agence de défense des biens et intérêts des rapatriés, instituée par l'ordonnance n° 62-1106 du 19 septembre 1962, modifiée, le soin d'établir les dossiers des personnes physiques ou morales françaises qui ont été victimes de spoliations ou de pertes de biens dans les territoires placés, avant leur accession à l'indépendance, sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France et de délivrer aux intéressés des certificats relatifs à la consistance ainsi qu'à l'estimation desdits biens, en fonction de laquelle pourrait être calculé le montant de l'indemnisation ; d'autre part, d'inviter le Gouvernement à déposer devant le Parlement, dans un délai de six mois, un projet de loi fixant les modalités de cette indemnisation, prévue à l'article 4, dernier alinéa, de la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 ; enfin, d'inviter le Gouvernement à fixer par règlement d'administration publique les conditions d'application des dispositions de la présente proposition de loi ;
En ce qui concerne les attributions de l'agence de défense des biens et intérêts des rapatriés :
2. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution : « la loi fixe les règles concernant la création de catégories d'établissements publics » ;
3. Considérant que les dispositions de la proposition de loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ont pour objet, en confiant à l'agence de défense des biens et intérêts des rapatriés le soin d'établir les dossiers des personnes victimes de pertes ou de spoliations et de délivrer aux intéressés des certificats fixant la consistance et la valeur de leurs biens perdus ou spoliés, de charger cet établissement des opérations préparatoires à leur indemnisation ; qu'ainsi elles comportent une extension des attributions de l'agence qui, en vertu des textes en vigueur, sont limitées à la protection des biens et intérêts des rapatriés, qu'elle exerce principalement à titre de mandataire de ceux-ci ;
4. Considérant, toutefois, que les nouvelles attributions conférées à l'agence de défense des biens et intérêts des rapatriés par le texte de la proposition de loi susmentionnée se rattachent à une spécialité comparable à celle qui résulte des attributions dévolues à cet organisme par l'ordonnance du 19 septembre 1962 modifiée ; qu'en effet, les attributions définies aux articles 1 et 2 du texte de la proposition de loi tendent, de même que ces dernières et en fonction de l'évolution intervenue dans la situation des biens en cause, à assurer la sauvegarde des droits des intéressés ; qu'il suit de là que les dispositions de ladite proposition de loi relatives aux attributions de l'agence de défense des biens et intérêts des rapatriés ne sauraient avoir pour effet de transformer cet organisme en une catégorie nouvelle et particulière d'établissement public et, par suite, de mettre en cause, sur ce point, les dispositions de l'article 34 de la Constitution.
5. Considérant, en outre, que les dispositions dont il s'agit ne mettent en cause aucune des autres règles ni aucun des principes fondamentaux énoncés au même article ; que, dès lors, elles ont le caractère réglementaire ; En ce qui concerne l'obligation faite au Gouvernement de déposer devant le Parlement un projet de loi fixant les modalités de l'indemnisation :
6. Considérant que la disposition de la proposition de loi susvisée prévoit que le Gouvernement devra, dans un délai de six mois, déposer un projet de loi fixant les modalités de l'indemnisation des pertes et spoliations ; que cette injonction ne trouve de base juridique ni dans l'article 34 ni dans aucune des autres dispositions de la Constitution portant définition du domaine de la loi ; que, dès lors, elle n'a pas le caractère législatif ;
En ce qui concerne les dispositions contenues à l'alinéa 3 de l'article unique de la proposition de loi :
7. Considérant que l'alinéa 3 de l'article unique de la proposition de loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel prévoit qu'un règlement d'administration publique fixera les conditions d'application des autres dispositions de cette proposition de loi ; qu'ainsi qu'il est dit ci-dessus, lesdites dispositions ne relèvent pas du domaine de la loi ; qu'il suit de là que le texte de l'alinéa 3 de l'article unique de la proposition de loi est sans objet ; que, dès lors, il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel d'y statuer ;
Décide :
Article premier :
Les dispositions prévues aux alinéas 1 et 2 de l'article unique de la proposition de loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne sont pas du domaine de la loi.
Article 2 :
Il n'y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel de se prononcer sur les dispositions de l'alinéa 3 de l'article unique de la proposition de loi susvisée.
Article 3 :
La présente décision sera notifiée au Président de l'Assemblée nationale et au Premier ministre et publiée au Journal officiel de la République française.Journal officiel du 31 décembre 1966
Recueil, p. 37
ECLI : FR : CC : 1966 : 66.7.FNR
Les abstracts
- 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
- 3.3. ÉTENDUE ET LIMITES DE LA COMPÉTENCE LÉGISLATIVE
- 3.3.3. Injonctions au Gouvernement
3.3.3.1. Dispositions prescrivant au Gouvernement de déposer un projet de loi
L'injonction faite au Gouvernement de déposer devant le Parlement un projet de loi ne trouve de base juridique ni dans l'article 34 ni dans aucune des autres dispositions de la Constitution portant définition du domaine de la loi. Dès lors, elle n'a pas le caractère législatif.
- 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
- 3.6. CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE DES ARTICLES 37, ALINÉA 2 ET 41 DE LA CONSTITUTION
- 3.6.4. Article 41 alinéa 2 (irrecevabilité)
3.6.4.5. Non-lieu à statuer
L'alinéa 3 de l'article unique de la proposition de loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel prévoit qu'un règlement d'administration publique fixera les conditions d'application des autres dispositions de cette proposition de loi. Lesdites dispositions ne relèvent pas du domaine de la loi. Il suit de là que le texte de l'alinéa 3 de l'article unique de la proposition de loi est sans objet. Dès lors, il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel d'y statuer.
- 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
- 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
- 3.7.7. Création de catégories d'établissements publics
- 3.7.7.1. Notion de catégories d'établissements publics
- 3.7.7.1.2. Établissements publics relevant d'une catégorie existante : ancienne jurisprudence
3.7.7.1.2.1. Agence de défense des biens et intérêt des rapatriés
Les dispositions de la proposition de loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel comportent une extension des attributions de l'Agence de défense des biens et intérêts des rapatriés. Toutefois, les nouvelles attributions conférées à l'agence se rattachent à une spécialité comparable à celle qui résulte des attributions dévolues à cet organisme. Il suit de là que les dispositions de ladite proposition de loi relatives aux attributions de l'agence ne sauraient avoir pour effet de transformer cet organisme en une catégorie nouvelle et particulière d'établissement public et, par suite, de mettre en cause, sur ce point, les dispositions de l'article 34 de la Constitution.