Décision n° 63-21 DC du 12 mars 1963
Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 5 mars 1963 par le Premier Ministre, conformément aux dispositions de l'article 61 de la Constitution, du texte définitif du projet de loi adopté par le Parlement et portant réforme de l'enregistrement, du timbre et de la fiscalité immobilière ;
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance en date du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l'ordonnance du 2 janvier 1959, portant loi organique relative aux lois de finances et notamment son article 18 ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 40 de la Constitution « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique » ;
2. Considérant que la loi portant réforme de l'enregistrement, du timbre et de la fiscalité immobilière, dont le texte est, avant sa promulgation, soumis au Conseil constitutionnel pour examen de sa conformité à la Constitution, tend, dans son article 27, à substituer aux droits d'enregistrement actuellement en vigueur, notamment aux droits de mutation frappant certaines opérations immobilières et dont une partie est perçue au profit des collectivités locales, une imposition nouvelle dont le produit sera exclusivement affecté aux recettes de l'État ; que, si d'autres dispositions de ce même texte prévoient l'attribution aux collectivités locales de ressources nouvelles provenant de la perception de taxes additionnelles à certains droits d'enregistrement, le nouveau régime fiscal n'en entraîne pas moins, par la diminution des ressources résultant pour les collectivités locales de l'application de l'article 27 susmentionné, une moins-value pour certaines collectivités par rapport aux recettes sur lesquelles, sous l'empire de la législation encore en vigueur, celles-ci pouvaient normalement compter ;
3. Considérant que, dans le souci de garantir aux collectivités locales le maintien intégral des ressources dont elles avaient pu envisager de disposer, le Parlement a, par la voie d'un amendement, dû à l'initiative d'un membre du Sénat et devenu l'article 28 du texte de la loi, spécifié que « les collectivités locales bénéficieront d'une compensation intégrale pour les moins-values subies du fait de l'application de l'article 27 » ; que cet amendement a pour objet de mettre à la charge de l'État le versement aux collectivités locales d'une indemnité compensatrice équivalente à l'intégralité de la part attribuée auxdites collectivités sur les droits de mutation perçus à l'occasion de la réalisation des opérations immobilières visées par la réforme de l'article 27 ;
4. Considérant que l'amendement susmentionné, qui laisse d'ailleurs aux collectivités locales le bénéfice des ressources nouvelles leur revenant en application d'autres dispositions de la loi, entraîne nécessairement, à la charge de l'État, une dépense nouvelle à laquelle n'aurait pu être affectée, par une initiative parlementaire, l'augmentation de recettes qui pourrait résulter éventuellement pour l'État de l'application de l'article 27 du texte de loi ; que, dès lors, cet amendement dont l'adoption avait pour conséquence la création d'une charge publique, n'était pas recevable, en vertu de l'article 40 de la Constitution ;
5. Considérant qu'il ne résulte ni de l'amendement dont il s'agit, tel qu'il a été rédigé et adopté, ni des débats auxquels la discussion du projet de loi a donné lieu devant le Parlement, que la disposition de l'article 28 précité soit inséparable de l'ensemble du texte de la loi ;
6. Considérant, enfin, qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise par le Premier ministre à son examen ;
Décide :
Article premier :
Les dispositions de l'article 28 du texte du projet de loi adopté par le Parlement et portant réforme de l'enregistrement, du timbre et de la fiscalité immobilière sont déclarées non conformes à la Constitution.Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.Journal officiel du 16 mars 1963, page 2568
Recueil, p. 23
ECLI : FR : CC : 1963 : 63.21.DC
Les abstracts
- 6. FINANCES PUBLIQUES
- 6.1. PRINCIPES BUDGÉTAIRES ET FISCAUX
- 6.1.4. Principe d'universalité
- 6.1.4.1. Contenu
6.1.4.1.2. Principe de non-affectation
Un amendement d'origine parlementaire ne peut pas compenser une dépense par l'affectation de ressources nouvelles. Non-conformité à la Constitution d'une compensation intégrale prévue au profit des collectivités locales pour les moins-values subies du fait de la réforme de l'enregistrement.
- 6. FINANCES PUBLIQUES
- 6.2. PROCÉDURE D'EXAMEN
- 6.2.6. Droit d'amendement parlementaire (article 40)
- 6.2.6.2. Interdiction d'augmenter une charge publique
6.2.6.2.2. Interdiction de toute compensation
Un amendement d'origine parlementaire ne peut pas compenser une dépense par l'affectation de ressources nouvelles. Non-conformité à la Constitution d'une compensation intégrale prévue au profit des collectivités territoriales pour les moins-values subies du fait de la réforme de l'enregistrement.
- 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
- 11.8. SENS ET PORTÉE DE LA DÉCISION
- 11.8.4. Caractère séparable ou non des dispositions déclarées inconstitutionnelles
11.8.4.1. Critère de distinction