Décision n° 61-16 DC du 22 décembre 1961
Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 18 décembre 1961 par le Premier Ministre, conformément aux dispositions des articles 46 et 61 de la Constitution, du texte de la loi organique modifiant l'ordonnance du 7 novembre 1958 autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote ;
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l'ordonnance du 24 octobre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellemnent les parlementaires à déléguer leur droit de vote ;
1. Considérant que la loi organique dont le Conseil constitutionnel est saisi, avant promulgation, aux fins d'appréciation de sa conformité à la Constitution, a pour objet, en complétant l'article premier de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote, d'ajouter aux cas, déjà prévus par ladite loi, dans lesquels les parlementaires sont exceptionnellement autorisés à déléguer leur droit de vote, l'éventualité d'obligations découlant de l'exercice du mandat parlementaire ou d'un mandat dans les conseils élus des collectivités territoriales de la République, ou les cas de force majeure appréciés par décision des bureaux des Assemblées ;
En la forme :
2. Considérant que ladite loi organique a été prise dans la forme exigée par l'article 27 de la Constitution et dans le respect de la procédure prévue à l'article 46 ;
Au fond :
3. Considérant que l'article 27 de la Constitution pose en principe que le droit de vote des membres du Parlement est personnel et que la délégation de vote ne peut qu'exceptionnellement être autorisée par la loi organique ;
4. Considérant qu'en prévoyant que le droit de vote pourra être délégué dans les « cas de force majeure », la loi organique ci-dessus analysée peut être regardée comme respectant le principe constitutionnel susrappelé dès lors qu'il appartiendra aux bureaux des Assemblées, chargés d'apprécier lesdits cas de force majeure, de veiller à la stricte application de ce principe ;
5. Mais considérant qu'il n'en est pas de même de la disposition de la loi organique visant « les obligations découlant de l'exercice du mandat parlementaire ou d'un mandant dans les conseils élus des collectivités territoriales de la République » ; qu'en effet, cette disposition, dans les termes où elle est rédigée, et alors que les obligations dont il s'agit ne seraient pas soumises à l'appréciation des bureaux des Assemblées, enlèverait à la délégation de vote le caractère, qu'a voulu lui conférer la Constitution, de dérogation exceptionnelle au principe du vote personnel ;
Décide :
Article premier :
La loi organique tendant à modifier l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote est déclarée conforme à la Constitution en tant qu'elle ajoute aux cas déjà prévus les « cas de force majeure appréciés par décision des bureaux des Assemblées ».Article 2 :
La disposition de ladite loi organique visant les « obligations découlant de l'exercice du mandat parlementaire ou d'un mandat dans les conseils élus des collectivités territoriales de la République » est déclarée contraire à la Constitution.Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.Journal officiel du 3 janvier 1962, page 26
Recueil, p. 24
ECLI : FR : CC : 1961 : 61.16.DC
Les abstracts
- 2. NORMES ORGANIQUES
- 2.3. FONDEMENTS CONSTITUTIONNELS DES LOIS ORGANIQUES
2.3.6. Article 27 - Droit de vote des parlementaires
- 10. PARLEMENT
- 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
- 10.3.7. Vote
- 10.3.7.2. Exercice du droit de vote personnel : Constitution, article 27
10.3.7.2.1. Loi organique
L'article 27 de la Constitution pose en principe que le droit de vote des membres du Parlement est personnel et que la délégation de vote ne peut qu'exceptionnellement être autorisée par la loi organique. La loi organique tendant à modifier l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote est conforme à ce principe en tant qu'elle prévoit que le droit de vote pourra être délégué dans les " cas de force majeure " dès lors qu'il appartiendra aux bureaux des assemblées, chargés d'apprécier lesdits cas de force majeure, de veiller à la stricte application de ce principe. Il n'en va pas de même pour la disposition de la même loi organique visant " les obligations découlant de l'exercice du mandat parlementaire ou d'un mandat dans les conseils élus des collectivités territoriales de la République " qui, dans les termes où elle est rédigée et alors que les obligations dont il s'agit ne seraient pas soumises à l'appréciation des bureaux des assemblées, enlèverait à la délégation de vote le caractère de dérogation exceptionnelle au principe du vote personnel qu'à voulu lui conférer la Constitution.