Décision

Décision n° 60-7 L du 8 juillet 1960

Nature juridique de l'article 6 (paragraphe II) de l'ordonnance n° 58-1453 du 31 décembre 1958 modifiant et complétant la loi du 28 octobre 1946 sur les dommages de guerre
Réglementaire

Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 27 juin 1960 par le Premier Ministre, dans les conditions prévues à l'article 37, alinéa 2 de la Constitution, d'une demande tendant à voir déclarer le caractère réglementaire des dispositions de l'article 6-II de l'ordonnance n° 58-1453 du 31 décembre 1958 ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 34, 37 et 62 ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 24, 25 et 26 ;

Vu le Code civil ;

Vu la loi du 28 octobre 1946 sur les dommages de guerre, ensemble le décret n° 54-958 du 14 septembre 1954 ;

1. Considérant que l'article 6-II de l'ordonnance du 31 décembre 1958 soumis à l'examen du Conseil a pour objet de prévoir les cas dans lesquels il pourra être dérogé à la disposition édictée par l'article 33 de la loi du 28 octobre 1946 relative à la réparation des dommages de guerre et selon laquelle « l'acquéreur d'un bien sinistré et du droit à indemnité qui y est attaché, est tenu de reconstituer un bien semblable au bien détruit et au même emplacement » ; qu'une telle disposition, eu égard à son objet, ne saurait être regardée comme relevant du domaine réservé à la loi qu'autant qu'elle mettrait en cause les « principes fondamentaux du régime de la propriété » visés à l'article 34 de la Constitution et plus précisément le principe de la libre disposition de son bien par tout propriétaire ;

2. Considérant que ce principe fondamental doit être apprécié dans le cadre des limitations de portée générale qui y ont été introduites par la législation antérieure à la Constitution pour permettre certaines interventions de la puissance publique jugées nécessaires, dans l'intérêt national, sur le plan économique et social ; que, s'agissant plus spécialement de réparation des dommages de guerre, les pouvoirs publics ont pu ainsi, sans mettre en cause l'existence du principe ci-dessus mentionné, limiter son champ d'application en imposant certaines conditions à la cession de l'indemnité de reconstitution des biens détruits ;

3. Considérant que les dispositions susrappelées de l'article 6-II de l'ordonnance du 31 décembre 1958 se bornent à faire application du principe ainsi défini sans y apporter d'altération nouvelle ; qu'elles ne sauraient dès lors être regardées comme entrant elles-mêmes dans le domaine réservé à la loi par l'article 34 de la Constitution et qu'il y a lieu de déclarer leur caractère réglementaire ;

Décide :
Article premier :
Les dispositions de l'article 6-II de l'ordonnance du 31 décembre 1958 modifiant et complétant la loi du 28 octobre 1946 sur les dommages de guerre, ont un caractère réglementaire.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Journal officiel du 1er-2 août 1960, 7149
Recueil, p. 35
ECLI : FR : CC : 1960 : 60.7.L

Les abstracts

  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.6. CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE DES ARTICLES 37, ALINÉA 2 ET 41 DE LA CONSTITUTION
  • 3.6.3. Article 37 alinéa 2 (procédure de la délégalisation)
  • 3.6.3.3. Compétence du Conseil constitutionnel
  • 3.6.3.3.7. Délimitation du domaine loi / règlement
  • 3.6.3.3.7.2. Domaine du règlement

Le principe fondamental de la libre disposition de son bien pour tout propriétaire doit être apprécié dans le cadre des limitations de portée générale, qui y ont été introduites par la législation antérieure à la Constitution pour permettre certaines interventions de la puissance publique, jugées nécessaires, dans l'intérêt national, sur le plan économique et social. Le II de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1453 du 31 décembre 1958 prévoyant les cas dans lesquels il pourra être dérogé à la disposition édictée par l'article 33 de la loi du 28 octobre 1946 relative à la réparation des dommages de guerre et selon laquelle "l'acquéreur d'un bien sinistré et du droit à indemnité qui y est attaché, est tenu de reconstituer un bien semblable au bien détruit et au même emplacement" se borne à faire application du principe de propriété défini avec ces limitations sans y apporter d'altération nouvelle. Une telle disposition, eu égard à son objet, ne saurait être regardée comme relevant du domaine réservé à la loi, qu'autant qu'elle mettrait en cause les "principes fondamentaux du régime de la propriété" visés à l'article 34 de la Constitution et plus précisément le principe de la libre disposition de son bien par tout propriétaire. Elle ressortit donc à la compétence du pouvoir réglementaire.

(60-7 L, 08 juillet 1960, cons. 1, 2, 3, Journal officiel du 1er-2 août 1960, 7149)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
  • 3.7.14. Régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales
  • 3.7.14.1. Principes fondamentaux du régime de la propriété
  • 3.7.14.1.4. Baux à ferme

Les principes fondamentaux du régime de la propriété et des obligations civiles qui sont en cause en matière de fixation du prix des baux à ferme, à savoir la libre disposition de son bien par tout propriétaire, l'autonomie de la volonté des contractants et l'immutabilité des conventions, doivent être appréciés dans le cadre des limitations de portée générale qui y ont été introduites par la législation antérieure pour permettre certaines interventions jugées nécessaires de la puissance publique dans les relations contractuelles entre particuliers. Spécialement dans la matière des baux à ferme, les pouvoirs publics ont pu ainsi, sans mettre en cause l'existence des principes susrappelés, limiter le champ de la libre expression des volontés des bailleurs et des preneurs en imposant certaines conditions d'exécution de leurs conventions, notamment en ce qui concerne les modalités de calcul et de révision du montant des fermages. En conséquence, les dispositions du décret du 7 janvier 1959, qui se bornent à modifier ces prescriptions statutaires antérieures, ne sauraient être regardées comme comportant une altération des principes fondamentaux applicables en la matière.

(60-7 L, 08 juillet 1960, cons. 3, Journal officiel du 1er-2 août 1960, 7149)
  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.7. RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES
  • 3.7.14. Régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales
  • 3.7.14.1. Principes fondamentaux du régime de la propriété
  • 3.7.14.1.15. Divers
  • 3.7.14.1.15.3. Dommages de guerre

L'article 6-II de l'ordonnance n° 58-1453 du 31 décembre 1958, prévoyant les cas dans lesquels il pourra être dérogé à la disposition édictée par l'article 33 de la loi du 28 octobre 1946 relative à la réparation des dommages de guerre et selon laquelle "l'acquéreur d'un bien sinistré et du droit à indemnité qui y est attaché, est tenu de reconstituer un bien semblable au bien détruit et au même emplacement" se borne à faire application du principe de propriété défini avec ces limitations sans y apporter d'altération nouvelle. Une telle disposition, eu égard à son objet, ne saurait être regardée comme relevant du domaine réservé à la loi, qu'autant qu'elle mettrait en cause les "les principes fondamentaux du régime de la propriété" visés à l'article 34 de la Constitution et plus précisément le principe de la libre disposition de son bien par tout propriétaire. Elle ressort donc à la compétence du pouvoir réglementaire.

(60-7 L, 08 juillet 1960, cons. 2, 3, Journal officiel du 1er-2 août 1960, 7149)
Toutes les décisions