Décision

Décision n° 59-3 DC du 25 juin 1959

Règlement du Sénat
Non conformité partielle

Le Conseil constitutionnel,

Saisi le 11 juin 1959 par le Président du Sénat, conformément aux dispositions de l'article 61 de la Constitution, de la « résolution portant règlement provisoire du Sénat » ;

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, et notamment ses articles 17, alinéa 2, 19, 20 et 23, alinéa 2,

Décide :

Article premier :
Sont déclarés non conformes à la Constitution les articles du règlement du Sénat ci-après mentionnés : Article 18-2, article 24-1 et 4, article 26, article 28-1, article 30-5, article 42-1 et 6 c, article 76, en tant qu'ils contiennent des dispositions relatives aux propositions de résolution : Par les motifs que, dans la mesure où de telles propositions tendraient à orienter ou à contrôler l'action gouvernementale, leur pratique serait contraire aux dispositions de la Constitution qui, dans son article 20, en confiant au Gouvernement la détermination et la conduite de la politique de la Nation, ne prévoit la mise en cause de la responsabilité gouvernementale devant le Parlement que dans les conditions fixées par les articles 49 et 50, que l'article 49, dernier alinéa, de la Constitution fixe la seule procédure d'application devant le Sénat dudit article 20 et ce, nonobstant le fait que les conséquences de cette procédure ne soient pas visées à l'article 50 de la Constitution ; Que dans la mesure où les propositions de résolution participeraient du droit d'initiative des parlementaires en matière législative, tel qu'il est défini et limité par les dispositions des articles 34, 40 et 41 de la Constitution, la pratique de telles propositions, outre qu'elle ferait double emploi avec celle des propositions de loi, se heurterait à la lettre de la Constitution, et notamment de ses articles 40 et 41 dont la rédaction ne vise que les propositions de loi, qui sont les seules dont l'adoption puisse avoir pour conséquence une diminution des ressources publiques, une création ou une aggravation d'une charge publique, et puisse porter atteinte au pouvoir réglementaire du Gouvernement défini par l'article 37 ou à la délégation qui lui aurait été consentie en application de l'article 38 ; Qu'il résulte de ce qui précède que les articles du règlement du Sénat ci-dessus mentionnés, relatifs à la procédure législative et au contrôle parlementaire, ne peuvent, sans atteinte à la Constitution, assigner aux propositions de résolution un objet différent de celui qui leur est propre, à savoir la formulation de mesures et décisions relevant de la compétence exclusive du Sénat, c'est-à-dire les mesures et décisions d'ordre intérieur ayant trait au fonctionnement et à la discipline de cette assemblée, auxquelles il conviendrait éventuellement d'ajouter les seuls cas expressément prévus par des textes constitutionnels et organiques tels que les articles 18 et suivants de l'ordonnance n° 59-1 du 2 janvier 1959 portant loi organique sur la Haute Cour de Justice ; Qu'en outre, s'agissant spécialement de l'article 76 du règlement, les dispositions de cet article qui prévoient l'intervention d'un vote du Sénat en conclusion du débat suivant une question orale méconnaissent le sens de l'article 48, alinéa 2, de la Constitution.
Article 33-4 : Par le motif que ces dispositions, en spécifiant que le procès-verbal de la dernière séance d'une session est soumis à l'approbation du Sénat avant que cette séance ne soit levée, permettraient de la prolonger au-delà des limites de durée fixées pour les sessions par les articles 29 et 30 de la Constitution.
Article 33-8 : Par le motif qu'en cas de rejet d'un procès-verbal, l'inscription de sa discussion en tête de l'ordre du jour de la séance suivante, pourrait faire échec à l'application des dispositions de l'article 48, alinéa 1er, de la Constitution, qui donne priorité à l'ordre du jour fixé par le Gouvernement.
Article 43-6 : Par le motif que la rédaction de ce texte permet au Sénat de mettre en discussion, lors d'une seconde délibération, les seules propositions de la commission saisie au fond, contrairement aux dispositions de l'article 42 de la Constitution.
Article 45-3 : Par le motif que ces dispositions limitent aux modifications proposées par la commission au texte dont elle avait été initialement saisie l'application des dispositions de l'article 40 de la Constitution.
Article 79-4 : Par le motif que ces dispositions prévoient des délais qu'il n'appartient pas au règlement du Sénat d'imposer aux ministres pour faire connaître la suite donnée aux pétitions qui leur ont été transmises.
Article 89 : Par le motif que certaines des infractions que ces dispositions frappent de peines disciplinaires se confondent avec celles que l'article 19 de l'ordonnance n° 58-998 du 24 octobre 1958 portant loi organique relative aux conditions d'éligibilité et aux incompatibilités parlementaires, à laquelle renvoie expressément l'article 25, alinéa 1er, de la Constitution, frappe de la démission d'office, laquelle est, à l'évidence, exclusive de peines de moindre gravité.

Article 2 :
Sont déclarés conformes à la Constitution les articles du règlement du Sénat non mentionnés à l'article 1er de la présente décision.

Article 3 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Journal officiel du 3 juillet 1959, page 6643
Recueil, p. 61
ECLI : FR : CC : 1959 : 59.3.DC

Les abstracts

  • 6. FINANCES PUBLIQUES
  • 6.2. PROCÉDURE D'EXAMEN
  • 6.2.6. Droit d'amendement parlementaire (article 40)
  • 6.2.6.1. Procédure d'examen de la recevabilité financière des amendements

Les règlements des assemblées doivent permettre l'application des dispositions de l'article 40 de la Constitution à tous les textes soumis aux délibérations parlementaires.

(59-3 DC, 25 juin 1959, Journal officiel du 3 juillet 1959, page 6643)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.1. MANDAT PARLEMENTAIRE
  • 10.1.3. Exercice du mandat parlementaire
  • 10.1.3.3. Discipline et déontologie des membres du Parlement

La démission d'office d'un parlementaire en situation d'inéligibilité prévue par l'article 19 de l'ordonnance n° 58-998 du 24 octobre 1958 portant loi organique et prise sur le fondement de l'article 25, alinéa 1er, de la Constitution, est exclusive de peines de moindre gravité à propos des mêmes faits. En conséquence, ni le règlement de l'Assemblée nationale (article 79), ni le règlement du Sénat (article 89) ne peuvent instituer des peines disciplinaires pour des faits prévus et réprimés par la loi organique.

(59-3 DC, 25 juin 1959, Journal officiel du 3 juillet 1959, page 6643)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.1. MANDAT PARLEMENTAIRE
  • 10.1.3. Exercice du mandat parlementaire
  • 10.1.3.6. Fin du mandat parlementaire
  • 10.1.3.6.1. Démission d'office

La démission d'office d'un parlementaire en situation d'inéligibilité, prévue par l'article 19 de l'ordonnance n° 58-998 du 24 octobre 1958 portant loi organique et prise sur le fondement de l'article 25, alinéa 1er, de la Constitution est exclusive de peines de moindre gravité à raison des mêmes faits. En conséquence, ni le règlement l'Assemblée nationale (article 79), ni le règlement du Sénat (article 89) ne peuvent instituer des peines disciplinaires pour des faits prévus et réprimés par la loi organique.

(59-3 DC, 25 juin 1959, Journal officiel du 3 juillet 1959, page 6643)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.2. ORGANISATION DES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES ET DE LEURS TRAVAUX
  • 10.2.3. Organisation des travaux
  • 10.2.3.2. Ordre du jour
  • 10.2.3.2.3. Ordre du jour prioritaire

Le règlement d'une assemblée parlementaire ne peut prescrire qu'une discussion - en l'espèce la discussion d'un procès-verbal précédemment rejeté - sera inscrite de droit en tête de l'ordre du jour d'une séance car serait ainsi enfreint le droit de priorité qui est reconnu au Gouvernement en matière d'ordre du jour par l'article 48, alinéa 1er, de la Constitution.

(59-3 DC, 25 juin 1959, Journal officiel du 3 juillet 1959, page 6643)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.3. FONCTION LEGISLATIVE
  • 10.3.6. Seconde délibération

Les dispositions de l'article 42 de la Constitution, aux termes desquelles la discussion porte soit sur le texte présenté par le Gouvernement (dans le cas de premier examen d'un projet de loi), soit sur le texte transmis par l'autre assemblée, interdisent que la discussion, y compris en seconde délibération, puisse être limitée aux seules propositions de la commission. Est par suite contraire à la Constitution la disposition du règlement de chaque assemblée qui prévoyait que les nouveaux textes sur lesquels les assemblées étaient appelées à statuer en seconde délibération étaient uniquement ceux proposés par la commission saisie au fond.

(59-3 DC, 25 juin 1959, Journal officiel du 3 juillet 1959, page 6643)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.4. FONCTION DE CONTRÔLE ET D'ÉVALUATION
  • 10.4.4. Autres procédures de contrôle et d'information
  • 10.4.4.3. Pétitions
  • 10.4.4.3.2. Suite donnée aux pétitions

La suite donnée par les ministres aux pétitions qui leur sont transmises relève de leur compétence exclusive car le droit de pétition, dans son fondement et dans sa nature, ne saurait être considéré comme mettant en cause les principes constitutionnels qui régissent les rapports du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Il n'appartient donc pas aux règlements des assemblées parlementaires d'imposer des délais aux ministres en cette matière.

(59-3 DC, 25 juin 1959, Journal officiel du 3 juillet 1959, page 6643)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.4. FONCTION DE CONTRÔLE ET D'ÉVALUATION
  • 10.4.4. Autres procédures de contrôle et d'information
  • 10.4.4.4. Résolutions

Les assemblées ne peuvent par leur règlement attribuer aux propositions de résolution un objet différent de celui qui leur est propre et qui peut leur être assigné sans porter atteinte à la Constitution. Cet objet consiste en la formulation de mesures et décisions d'ordre intérieur ayant trait au fonctionnement et à la discipline de ladite assemblée. À ces propositions de résolution, ne peuvent s'ajouter que celles que les assemblées seraient susceptibles de voter dans les cas expressément prévus par les textes constitutionnels et organiques, comme par exemple la résolution portant mise en accusation devant la Haute cour de justice prévue par l'ordonnance organique n° 59-1 du 2 janvier 1959. Toute autre pratique des propositions de résolution serait contraire à la Constitution. En effet, dans la mesure où elles tendraient à orienter ou à contrôler l'action gouvernementale, elles méconnaîtraient les dispositions de la Constitution qui réservent au Gouvernement la mission de déterminer et de conduire la politique de la Nation et ne prévoient la mise en cause de la responsabilité gouvernementale que suivant les procédures fixées par les articles 49 et 50, devant l'Assemblée nationale, et par le dernier alinéa de l'article 49, devant le Sénat. Et, dans la mesure où elles participeraient du droit d'initiative des parlementaires les propositions de résolution feraient double emploi avec les propositions de loi et, au surplus, le texte des articles 40 et 41 ne serait pas respecté puisqu'il vise uniquement les propositions de loi qui sont donc les seules propositions susceptibles d'avoir les conséquences envisagées par ces articles. Enfin, l'intervention d'une proposition de résolution consécutive au débat suivant une question orale, qui était prévue par le règlement du Sénat, méconnaît le sens de l'article 48, alinéa 2, de la Constitution selon lequel les questions des membres du Parlement n'appellent que les réponses du Gouvernement.

(59-3 DC, 25 juin 1959, Journal officiel du 3 juillet 1959, page 6643)
  • 10. PARLEMENT
  • 10.4. FONCTION DE CONTRÔLE ET D'ÉVALUATION
  • 10.4.4. Autres procédures de contrôle et d'information
  • 10.4.4.4. Résolutions
  • 10.4.4.4.1. Objet

Les assemblées ne peuvent par leur règlement attribuer aux propositions de résolution un objet différent de celui qui leur est propre et qui peut leur être assigné sans porter atteinte à la Constitution. Cet objet consiste en la formulation de mesures et décisions d'ordre intérieur ayant trait au fonctionnement, à la discipline de ladite assemblée. À ces propositions de résolution, ne peuvent s'ajouter que celles que les assemblées seraient susceptibles de voter dans les cas expressément prévus par les textes constitutionnels et organiques comme par exemple la résolution portant mise en accusation devant la Haute cour de justice prévue par l'ordonnance organique n° 59-1 du 2 janvier 1959. Toute autre pratique des propositions de résolution serait contraire à la Constitution. En effet, dans la mesure où elles tendraient à orienter ou à contrôler l'action gouvernementale, elles méconnaîtraient les dispositions de la Constitution qui réservent au Gouvernement la mission de déterminer et de conduire la politique de la Nation et ne prévoient la mise en cause de la responsabilité gouvernementale que suivant les procédures fixées par les articles 49 et 50, devant l'Assemblée nationale, et par le dernier alinéa de l'article 49, devant le Sénat. Et, dans la mesure où elles participeraient au droit d'initiative des parlementaires les propositions de résolution feraient double emploi avec les propositions de loi et, au surplus, le texte des articles 40 et 41 ne serait pas respecté puisqu'il vise uniquement les propositions de loi qui sont donc les seules propositions susceptibles d'avoir les conséquences envisagées par ces articles. Enfin, l'intervention d'une proposition de résolution consécutive au débat suivant une question orale, qui était prévue par le règlement du Sénat, méconnaît le sens de l'article 48, alinéa 2, de la Constitution selon lequel les questions des membres du Parlement n'appellent que les réponses du Gouvernement.

(59-3 DC, 25 juin 1959, Journal officiel du 3 juillet 1959, page 6643)
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